Édition du 11 novembre 2025

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Comptes rendus de lecture du mardi 28 octobre 2025

Les hommes et le féminisme
Francis Dupuis-Déri

J’ai lu plusieurs livres de Francis Dupuis-Déri jusqu’ici, surtout sur la démocratie et le féminisme et le masculinisme, et je les ai tous bien aimés. « Les hommes et le féminisme », publié aux Éditions du remue-ménage, traite en profondeur de la relation entre les hommes – et particulièrement les hommes proféministes – et le féminisme. C’est un bouquin qui m’a tout de même ouvert les yeux sur de nombreux aspects de la situation de la femme dans nos sociétés et de la position dominante que les hommes continuent d’exercer sur elles, dans les relations de couple, au travail et dans toute autre activité. Un très bon bouquin, très bien documenté, que tous les hommes devraient lire.

Extrait :

En Afghanistan, le roi Amir Amanullah a proposé en 1921 une réforme de la loi sur le mariage pour mieux défendre les droits des femmes. Il ouvrit des écoles pour filles et proposa de l’aide pour que de jeunes Afghanes puissent aller étudier en France et en Suisse. Son épouse, la reine Soraya, fonda l’Association de protection des droits des femmes et lança un journal féminin. La Grande-Bretagne a financé un soulèvement qui força le roi à l’exil, en 1929. Quand les communistes afghans parvinrent à former le gouvernement en 1978, avec l’aide de l’URSS, leurs nouvelles lois égalitaristes réformaient le mariage et ouvraient aux femmes les portes de nombreuses professions qui leur étaient fermées jusqu’alors. Or, au nom de la lutte contre le communisme, les gouvernements occidentaux – et bien des intellectuels défenseurs des « droits de l’homme » - apportèrent leur appui aux rebelles, qualifiés de « combattants de la liberté », qui renversèrent le régime communiste et abrogèrent les lois favorables aux femmes. En 2023, Matiullah Wesa, un Afghan de 30 ans qui a fondé l’organisation Pen Path pour l’éducation des filles et des femmes, a été arrêté à Kaboul.

L’heure des prédateurs
Giuliano da Empoli

J’ai dû attendre de nombreux mois avant de pouvoir emprunter ce bouquin de ma bibliothèque municipale, même si elle en possède… vingt-six exemplaires. Ça m’a d’ailleurs donné le temps de lire deux textes à son sujet dans les pages du Monde diplomatique, dont l’excellente critique d’Evelyne Pieiller dans son édition d’août dernier. «  L’heure des prédateurs  », essai pour le moins élitiste (et même pédant), qui fait la part belle à certains personnages que plusieurs considèrent comme des ordures, nous laisse, en fin de lecture, avec une drôle d’impression d’impuissance et d’insignifiance. Comme si l’histoire se faisait sans nous, par quelques hommes d’exception. En résumé, nous explique l’auteur, des dirigeants autoritaires, copies modernes de César Borgia (Le Prince de Nicolas Machiavel), conspireraient avec les conquérants de la haute technologie pour nous réduire à l’impuissance dans « une ère de violence sans limite ». Décevant, surtout si vous aviez lu, du même auteur, «  Le Mage du Kremlin ».

Extrait :

À l’âge de la colonisation numérique, les dirigeants modérés ont rempli la même fonction. Certains d’entre eux ont même franchi le pas, en se mettant au service des nouveaux conquistadors. À l’instar de l’ancien vice-président Al Gore qui, après avoir géré le dossier Internet de la Maison-Blanche, a engrangé des centaines de millions de dollars, d’abord chez Apple, puis dans une société de capital-risque de la Silicon Valley.

Les jeux sont faits
Jean-Paul Sartre

J’ai beaucoup aimé ce roman qui nous fait réfléchir sur l’amour, la mort, les illusions de la jeunesse, la liberté et la révolte. Eve et Pierre ne découvrent que trop tard qu’ils se seraient aimés, qu’ils étaient faits l’un pour l’autre. Mais voilà, si la vie vous laisse parfois une seconde chance, on ne peut tout de même pas revenir en arrière – les jeux sont faits, et la mort vous rattrape...

Extrait :

Un détachement de la Milice du Régent s’engage dans une rue populeuse. Le visage sous la casquette plate à courte visière, le torse rigide sous la chemise foncée que barre le baudrier luisant, l’arme automatique à la bretelle, les hommes avancent dans un lourd martèlement de bottes.

L’ordre moins le pouvoir
Normand Baillargeon

J’ai découvert Normand Baillargeon en lisant ses chroniques dans Le Devoir, il y a de nombreuses d’années. Je n’ai pas arrêté de le lire depuis. C’est un de nos grands intellectuels et vulgarisateurs. C’est aussi un type charmant. La plupart des gens le connaissent surtout pour son superbe « Petit cours d’autodéfense intellectuelle », qui a connu un fort succès après sa publication il y a une vingtaine d’années. « L’ordre moins le pouvoir », qui avait déjà été publié sous le simple titre de « Anarchisme », est un intéressant petit ouvrage de vulgarisation qui nous fait connaître l’histoire de l’anarchisme et de ses différents courants, de sa version de nos jours la plus libre et égalitaire, la version libertaire, à sa version la plus réactionnaire et la plus inégalitaire, la version libertarienne. Un livre éclairant.

Extrait :

Selon Chomsky, le principe anarchiste trouve un de ses éléments essentiels et une de ses formes les plus significatives en Bakounine, plus précisément dans l’exaltation par ce dernier de la liberté définie comme condition essentielle du déploiement et du développement « de l’intelligence, de la dignité et du bonheur humains ». L’anarchisme développe un concept de liberté qui s’oppose à la liberté consentie et mesurée par l’État ; il invite à concevoir une définition beaucoup plus large et infiniment plus riche de la liberté. Cette dernière n’est pas enfermée dans un cadre fixe et clos, elle ne se réduit pas à la seule liberté négative qui consisterait à n’être pas entravée, mais elle est appelée à s’élargir infiniment lorsque des structures oppressives sont découvertes ; l’anarchisme porte donc aussi l’exigence de lutter contre ces nouvelles limites à la liberté, sans cesse mises à jour. Ce que Chomsky exprime en présentant l’anarchisme comme « cette tendance, présente dans toute l’histoire de la pensée et de l’agir humains, qui nous incite à vouloir identifier les structures coercitives, autoritaires et hiérarchiques de toutes sortes pour les examiner et mettre à l’épreuve leur légitimité ; lorsqu’il arrive que ces structures ne peuvent se justifier - ce qui est le plus souvent le cas -, l’anarchisme nous porte à chercher à les éliminer et à ainsi élargir l’espace de la liberté ».

Bruno Marquis

Bruno Marquis est un lecteur qui s’est impliqué dans plusieurs organismes voués à la protection de l’environnement, à la paix et à l’élimination de la pauvreté chez les enfants au cours des vingt dernières années. Il publie actuellement une chronique sur l’environnement dans le mensuel Ski-se-Dit. Il a aussi tenu régulièrement une chronique dans le webzine tolerance.ca.

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