Édition du 16 avril 2024

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Environnement

Consultations sur les hydrocarbures dans le golfe - Les communautés doivent s’y préparer et se faire entendre

L’avenir du golfe du Saint-Laurent pourrait bien se jouer dans la prochaine année. Avec trois consultations prévues sur les projets d’exploration et d’exploitation d’hydrocarbures dans le golfe, il faudra que nous soyons nombreux, très nombreux même, à prendre le temps nécessaire pour faire valoir nos préoccupations afin d’influencer la décision d’implanter ou non cette nouvelle industrie dans cette petite mer fragile.

La tâche sera certes ardue et la bataille n’est pas gagnée d’avance. Mais nous avons encore le pouvoir de changer le cours des choses. Plusieurs se demandent si les actions entreprises par les groupes telle la Coalition Saint-Laurent portent fruit. Évidemment que oui ! Mais il ne faut pas se reposer sur le travail effectué, car nous aurons plus que jamais besoin de l’énergie de chacun pour participer à un large débat public qui s’annonce corsé.

Pour mieux se situer, faisons un survol des derniers rebondissements et des étapes à venir dans le dossier des hydrocarbures tant du côté de Terre-Neuve que du Québec.

Terre-Neuve : une ÉES et une enquête publique pour Old Harry

Depuis le printemps dernier, de très nombreux groupes et individus, dont l’Office Canada-Terre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers, la Fédération québécoise des municipalités et la Coalition Saint-Laurent, ont demandé au ministre fédéral de l’Environnement à ce que le projet Old Harry soit référé devant une commission d’examen, afin d’obtenir des consultations publiques élargies aux cinq provinces du golfe, et non limitées à Terre-Neuve, devant un panel d’experts indépendants.

Le 15 août dernier, le ministre fédéral de l’Environnement Peter Kent, dans une lettre adressée à l’Office, a reconnu l’importance des inquiétudes des citoyens et la nécessité d’effectuer une consultation publique à une échelle plus vaste. Toutefois, il a refusé que celle-ci se fasse sous la forme d’une commission d’examen fédérale tenue par son propre ministère. Il a plutôt refilé la commande à l’Office terre-neuvien pour qu’il tienne lui-même sa propre enquête publique tout en poursuivant l’évaluation environnementale du projet Old Harry.

D’une part, il y aura donc une nouvelle mise à jour de l’évaluation environnementale stratégique faite par Terre-Neuve en 2005 (amendée en 2007) sur sa propre partie du golfe qui comprendra des consultations publiques. Parallèlement, l’Office de Terre-Neuve devra poursuivre l’évaluation environnementale du projet Old Harry déjà amorcée, à laquelle se greffera une enquête publique qui comprendra des consultations auprès des communautés des cinq provinces du golfe. Un commissaire indépendant du Nouveau-Brunswick, nommé pour diriger l’enquête publique, a déjà annoncé vouloir remettre son rapport final en mars 2012.

Québec : une ÉES

Dans la portion québécoise du golfe du Saint-Laurent, le gouvernement du Québec procède actuellement à une évaluation environnementale stratégique (ÉES2). Des consultations publiques sont prévues en octobre et novembre 2011. Certaines régions côtières seront visitées, alors que le reste du Québec sera consulté uniquement par le Web.

Ce qui est bon, et moins bon

Le ministre Kent semble nous faire cadeau d’une mise à jour de l’ÉES de la partie terre-neuvienne du golfe. Or, dès 2005, il était prévu que l’ÉES devait être revue tous les cinq ans. De plus, l’évaluation environnementale du projet Old Harry ne sera pas stoppée pendant cette période, mais se poursuivra. Or, la poursuite en parallèle des deux processus pourrait avoir comme résultat l’autorisation du forage exploratoire à Old Harry avant la fin de l’ÉES. Rappelons que l’ÉES1 menée par Québec dans le fleuve et l’estuaire du Saint-Laurent a conduit à un moratoire permanent dans ces secteurs.

Ne pas freiner le projet Old Harry pendant l’étude environnementale stratégique apparait inconcevable, mais a peut-être été motivée par la volonté du fédéral de ne pas s’ingérer dans le projet de Terre-Neuve. Nous savons également que le permis de Corridor Resources vient à échéance en janvier 2013. La compagnie doit forer avant cette date ou peut bénéficier d’une année de délai supplémentaire moyennant le paiement d’un dépôt d’un million $. Cette somme sera toutefois perdue si elle ne fore pas avant janvier 2014. C’est dire si les pressions doivent être énormes pour ne pas ralentir le projet de forage !

Qu’en est-il de l’impact du refus de tenir une commission d’examen et de la mise en place d’une enquête publique pour le projet Old Harry ? La réponse n’est pas simple. La nomination par l’Office d’un commissaire indépendant disposant d’un pouvoir d’enquête semble être positive. La tenue de consultations auprès des cinq provinces du golfe aussi. Cependant, le commissaire ne pourra pas émettre de recommandations comme lors d’une commission d’examen, ce qui apparait comme une lacune importante. Aussi, une commission d’examen aurait permis aux groupes de recevoir du financement pour participer aux audiences publiques. De plus, le commissaire devra remettre son rapport d’enquête publique dans sept mois, un délai insuffisant. Une commission d’examen bénéficie pour sa part d’un délai d’environ neuf mois pour produire son rapport.

Si un message revient sur les lèvres de ceux qui s’intéressent de près au dossier, c’est celui de la nécessité de ne pas se presser et que la seule urgence est celle de prendre son temps pour bien faire les choses.

À vos marques, prêts, parlez !

Pourtant, il ne faudra pas perdre son temps dans les prochains mois. Plusieurs tâches nous attendent, notamment convaincre les communautés du fleuve et de l’estuaire du Saint-Laurent que le moratoire dans leur région ne les mettra pas à l’abri d’un déversement dans le golfe et que toute la population du Québec devrait se préoccuper de l’avenir de ce joyau collectif.

Le nombre de participants aux consultations montrera l’intérêt manifesté pour ces enjeux. Nous devons inviter et encourager les pêcheurs, les autochtones, les élus, les gens du tourisme, les ONG, les chambres de commerce, les scientifiques, les jeunes et les moins jeunes à prendre le temps, trois fois plutôt qu’une cette année, pour dire aux gouvernements du Québec et de Terre-Neuve ce que l’on pense de l’implantation de cette industrie lourde dans le golfe du Saint-Laurent.

Et leur rappeler que même la Norvège, ce modèle tant vanté par nos politiciens, connaît des marées noires que leur super-technologie n’arrive pas à contenir.

L’auteure est porte-parole de la Coalition Saint-Laurent qui regroupe 60 organismes et associations issus de secteurs économiques variés et plus de 2600 individus. Les membres de la Coalition demandent que soit décrété un moratoire sur l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures dans l’ensemble du golfe du Saint-Laurent.

Cet article est tiré du journal Le Mouton Noir

Danielle Giroux

Le Mouton Noir

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