Édition du 16 avril 2024

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Arts culture et société

Cynisme à l'Italienne

Les images sont éloquentes. Une constellation de points noirs dispersés sur les façades de béton des édifices à logement. Des Italiens sur leurs balcons, conscrits à leurs domiciles. On les entend chanter, on les voit danser et rigoler. Cette scène pourrait sembler romantique, pourtant dessous s’y cache un spectre inquiétant. Ils ne s’amusent pas, ils s’isolent.

Partout dans le monde, l’angoisse s’est installée. On le ressent au quotidien. Les rues sont désertes dans les matins froids du mois de mars. Les métros bus sont pleins de vide et le centre commercial est mélancolique. Ils étaient seulement trois, ce matin, à traverser le boulevard pour se rendre travailler à l’hôpital, sur la ligne de
front.

Les gens se regardent, mais ne se parlent pas. Pourtant, ils communiquent dans leurs yeux l’inquiétude qui les tracasse. On se méfie des uns et des autres, comme si notre prochain était soudainement devenu notre ennemi.

Les premiers rayons de soleil du printemps qui d’habitude remplissent notre cœur d’espoir et qui nous font rêvasser ne font que poser une lumière plate sur la glace et le sable dans les rues.

Partout, le nom de la maladie résonne comme une corne de brume. Elle monopolise les conversations, les médias et notre esprit. Le monde a peur, déjà des milliers de morts. Les questions se succèdent dans les esprits, questions teintées de noir et d’angoisses.

Les choses ont évolué rapidement, peut-être trop pour certain. On ne peut plus sortir, les enfants ne vont plus à l’école, les gens travaillent de la maison, les aînés sont cloîtrés.

Combien de personnes seront infectées ? Combien en mourront ? Est-ce que l’économie va s’écrouler ?

Et ça dégringole.

Et si l’on manque de nourriture ? Et si les écoles restent fermées jusqu’en décembre ?

Et ça tourne dans nos têtes.

Et ça dégénère. Les esprits s’échauffent, la collectivité s’effrite. Comme dans un cauchemar, les individus se projettent dans un avenir infernal, pourtant irréaliste. Éblouis par l’anxiété, ils perdent le Nord.

On les voit faire la file devant les grandes surfaces, attendant leur tour pour dévaliser les étagères de leurs denrées futiles. Pourtant, dans le chaos, ils se sentent rassurés. Ils pourront ainsi conserver leur confort malgré la crise.

Comme on est bien quand on est au centre de notre univers, dans la flanelle du luxe. Rien de pire que d’avoir faim. Avoir faim c’est pour les pauvres. Avoir faim c’est pour les lâches.

Pourtant, ils s’écartent. Ils n’échappent pas la portée de la maladie. Mais s’assurer de pouvoir vivre encore comme des rois, voilà de quoi qui vaut la peine de se battre.
Pendant ce temps, la menace prolifère. Bien contente de retrouver un amas de cellules à coloniser dans un endroit

clos. Au fond, elle aime les égoïstes, ils ne sont pas prudents. Ils préfèrent prendre des risques pour préserver leurs statuts sociaux de pas-pauvre-qui-marche-pas-à-pied.

Peut-être ouvriront-ils les yeux ? Mais vont-ils les ouvrir à temps, ou au salon mortuaire pour dire un dernier adieu du bout des lèvres à un être cher qui, grâce à leur insouciance, a succombé ?

Je ne souhaite évidemment de mal à personne, mais parfois, je me prends à penser que les égoïstes ont besoin de souffrir pour se rendre compte que, la collectivité est plus puissante que leurs pouvoirs d’achat.

Guillaume Lévesque
2020/05/18

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