Édition du 23 avril 2024

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Syndicalisme

De l’inacceptable de jadis à la norme d’aujourd’hui ?

Si l’inacceptable de jadis est devenu la norme à partir de laquelle il est demandé de se gouverner, ceci veut dire qu’il existerait au moins trois visions du monde : la première, qu’il est possible de décrire le monde tel qu’il est ; la deuxième, que nous pouvons conceptualiser le monde tel qu’il devrait être et enfin, qu’on nous invite à nous inscrire et à nous confondre dans le réel à partir des intérêts de l’État-patron, un État exploiteur.

Dans le premier Info-Négo de la FNEEQ-CSN (Mars 2022| Numéro 1) nous pouvons lire ceci :

«  Une nouvelle négo s’entame »

« La nouvelle convention collective aura de particulier qu’elle aura à peine été appliquée en dehors d’un contexte de pourparlers. Cette situation inusitée résulte d’une négociation particulièrement longue et de la durée de la nouvelle convention, soit trois ans plutôt que les cinq ans auxquelles les dernières négociations nous ont habitués.  »

En effet…

La dernière ronde de négociation a été « longue ». En effet, elle s’est échelonnée de 2019 à 2021 et il y en a même pour qui elle n’est toujours pas conclue (voir en particulier pour le Syndicat des fonctionnaires de la province de Québec, section fonction publique).

«  Habitués » vraiment ?

«  Cette situation inusitée résulte […] de la durée de la nouvelle convention, soit trois ans plutôt que les cinq ans auxquelles les dernières négociations nous ont habitués. »

Qui, en 2019, demandait un contrat de travail d’une durée de « trois ans » ? Les organisations syndicales ou le gouvernement ? Nous invitons les personnes intéressées à se documenter sur le sujet. Il leur sera loisible de constater que les organisations syndicales ne cessent de demander un contrat de travail d’une durée de 3 ans et ce depuis l’entrée en vigueur du projet de loi 37.

Petit rappel historique

En décembre 2019, le gouvernement Legault proposait à ses salariéEs syndiquéEs une convention collective de cinq ans. C’est le gouvernement de Jean Charets qui a introduit, lors de la ronde de négociation de 2003 à 2005, des contrats de travail de longue durée. Lors de la ronde de négociation de 2004-2005, le responsable de la négociation du secteur public et parapublic de la CSN, Louis Roy, a déclaré ceci au sujet des offres du gouvernement du Québec qui portaient sur six ans :

«  On n’est même pas sûrs de la légalité d’une telle proposition[1] »[2].

Depuis 2010, il y a eu trois rondes de négociation dans les secteurs public et parapublic : 2010, 2015 et 2020. Lors de ces trois rendez-vous entre les représentantEs du gouvernement du Québec et les négociatrices et les négociateurs syndicaux la durée du contrat de travail a toujours donné lieu à l’expression d’un différend entre les parties. Posons-nous donc les questions suivantes : pourquoi la partie gouvernementale cherche-t-elle à obtenir une convention collective de longue durée prévoyant toujours des augmentations salariales inférieures à l’indice des prix à la consommation ? Pourquoi la partie syndicale demande-t-elle des contrats de travail incluant des augmentations salariales pour trois années, alors que la loi prévoit que seule la première année est négociable à ce sujet ?

Une triste impression

Y aurait-il, par hasard, dans les rangs syndicaux, des personnes qui souhaitent dorénavant conclure des conventions collectives d’une durée de cinq ans ? Si oui, cela voudrait dire que l’inacceptable de jadis (l’imposition de l’indigeste régime de négociation qui a résulté du projet de loi 37) est devenu la norme à partir de laquelle certainEs dirigeantEs et représentantEs syndicaux demandent à leur membre de se gouverner.

Que conclure ?

Si l’inacceptable de jadis est devenu la norme à partir de laquelle il est demandé de se gouverner, ceci veut dire qu’il existerait au moins trois visions du monde : la première, qu’il est possible de décrire le monde tel qu’il est ; la deuxième, que nous pouvons conceptualiser le monde tel qu’il devrait être et enfin, qu’on nous invite à nous inscrire et à nous confondre dans le réel à partir des intérêts de l’État-patron, un État exploiteur.

À la FNEEQ-CSN de nous dire ce qu’il faut comprendre par « habitué ». Dans Le Petit Robert, il est écrit ceci :

habituer à.

 1 Rendre familier, par l’habitude. Habituer un enfant au froid, à la fatigue.➙ accoutumer, endurcir ; entraîner.

 2 Faire acquérir une façon d’agir, une aptitude à…➙ apprendre, éduquer, façonner, former. Personne ne les a habitués à la politesse. Il faut l’habituer à prendre ses responsabilités. Habituer un animal à venir manger dans la main.➙ dresser.

 3 s’habituer à v. pron. ELLIPT. Elle s’habituer a. Prendre l’habitude de.➙ s’accoutumer. Les yeux s’habituent à l’obscurité. À la longue on s’habitue à cette température, à ce climat.➙ s’acclimater, s’adapter, sefaire ; s’endurcir.S’habituer àl’idéede la mort.➙ se familiariser.

◆ Prendre l’habitude, la pratique de qqch. en s’y exerçant. S’habituer à parler, à improviser devant un auditoire.➙ s’entraîner, s’exercer.

 4 (PASS.) Être habitué à : avoir l’habitude de. Ils sont habitués au bruit, à entendre du bruit. Elle est habituée à ce qu’on lui obéisse.

© 2021 Dictionnaires Le Robert - Le Petit Robert de la langue française

Habitué […]

 1 Personne qui fréquente habituellement un lieu. […]

 2 Personne qui pratique habituellement (certaines activités). Un habitué du chèque sans provision.➙ abonné.

© 2021 Dictionnaires Le Robert - Le Petit Robert de la langue française

Yvan Perrier

6 mars 2022

10h45

yvan_perrier@hotmail.com

[1] Richer, Jocelyne. 2004. « Les syndicats jugent inacceptables les offres de Québec ». Le Droit, (samedi 19 juin 2004), p. 32.

[2] Voici ce que prévoit la Loi sur le régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic (L.R. Q. chapitre R-8.2) comme modalités de négociation de la rémunération salariale dans les secteurs public et parapublic :

« § 2. — Les salaires et les échelles de salaire

Durée des stipulations d’une convention collective.

52. Les stipulations de la convention collective qui portent sur les salaires et les échelles de salaire sont négociées et agréées à l’échelle nationale pour une période se terminant au plus tard le dernier jour de l’année au cours de laquelle une entente est intervenue à l’échelle nationale sur ces stipulations.

Salaires et échelles de salaire.

Pour chacune des deux années qui suivent celle où s’appliquent ces stipulations, les salaires et échelles de salaire sont déterminés conformément aux dispositions qui suivent.

1985, c. 12, a. 52.

Négociation.

53. Après publication par l’Institut de la statistique du Québec du rapport prévu par l’article 4 de la Loi sur l’Institut de la statistique du Québec ( chapitre I-13.011), le Conseil du trésor, en collaboration avec les comités patronaux établis en vertu du présent chapitre, négocie avec les groupements d’associations de salariés ou, selon le cas, les associations de salariés en vue d’en arriver à une entente sur la détermination des salaires et échelles de salaire.

1985, c. 12, a. 53 ; 1998, c. 44, a. 52.

Dépôt d’un projet de règlement.

54. Le président du Conseil du trésor doit déposer devant l’Assemblée nationale, au cours de la deuxième ou de la troisième semaine de mars de chaque année, un projet de règlement fixant les salaires et échelles de salaire pour l’année en cours.

Publication.

Si l’Assemblée nationale ne siège pas au cours de la deuxième et de la troisième semaine de mars, le président du Conseil du trésor doit faire publier le projet au cours de ces semaines à la Gazette officielle du Québec.

Avis.

Ce projet est accompagné d’un avis à l’effet qu’il sera soumis au gouvernement pour adoption, avec ou sans modification, au cours de la deuxième ou de la troisième semaine d’avril.

Audition des parties.

Le projet de règlement ne peut être soumis au gouvernement pour adoption sans que les parties aient été invitées à être entendues devant une commission parlementaire sur son contenu.

1985, c. 12, a. 54.

Salaires et échelles de salaire.

55. Les salaires et échelles de salaire applicables pour l’année en cours sont ceux prévus par le règlement adopté par le gouvernement lors de la deuxième ou de la troisième semaine d’avril. Ils ne peuvent être inférieurs à ceux de l’année précédente.

Entrée en vigueur.

Le règlement entre en vigueur à la date de son adoption. Il a effet pour toute l’année en cours. Il est publié à la Gazette officielle du Québec.

1985, c. 12, a. 55.

Effet.

56. Une fois fixés par règlement, les salaires et échelles de salaire font partie de la convention collective et ont le même effet que des stipulations négociées et agréées à l’échelle nationale.

1985, c. 12, a. 56. »

Zone contenant les pièces jointes

Yvan Perrier

Yvan Perrier est professeur de science politique depuis 1979. Il détient une maîtrise en science politique de l’Université Laval (Québec), un diplôme d’études approfondies (DEA) en sociologie politique de l’École des hautes études en sciences sociales (Paris) et un doctorat (Ph. D.) en science politique de l’Université du Québec à Montréal. Il est professeur au département des Sciences sociales du Cégep du Vieux Montréal (depuis 1990). Il a été chargé de cours en Relations industrielles à l’Université du Québec en Outaouais (de 2008 à 2016). Il a également été chercheur-associé au Centre de recherche en droit public à l’Université de Montréal.
Il est l’auteur de textes portant sur les sujets suivants : la question des jeunes ; la méthodologie du travail intellectuel et les méthodes de recherche en sciences sociales ; les Codes d’éthique dans les établissements de santé et de services sociaux ; la laïcité et la constitution canadienne ; les rapports collectifs de travail dans les secteurs public et parapublic au Québec ; l’État ; l’effectivité du droit et l’État de droit ; la constitutionnalisation de la liberté d’association ; l’historiographie ; la société moderne et finalement les arts (les arts visuels, le cinéma et la littérature).
Vous pouvez m’écrire à l’adresse suivante : yvan_perrier@hotmail.com

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