Édition du 1er octobre 2024

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Élections fédérales 2019

Élection fédérale 2019 : une élection sans gagnant

L’élection fédérale de 2019 passera peut-être à l’histoire comme celle qui n’a pas fait de gagnant. En effet, tous les partis, même ceux qui semblent à première vue trouver une nouvelle vie, risquent de trouver les conséquences de cet exercice fort hasardeux pour leur avenir. Cette élection ouvre une période d’instabilité qui peut offrir des occasions pour les mouvements sociaux d’imposer leur agenda. L’urgence climatique, l’amélioration des conditions de vie des classes populaires et le développement des programmes sociaux doivent être à l’ordre du jour. Elle montre aussi les distorsions de notre système démocratique alors que les libéraux victorieux a obtenu moins de votes que les conservateurs arrivés au 2e rang. L’heure n’est pas à l’apathie. Les luttes qui pointent à l’horizon posent la question d’une véritable alternative politique aux partis inféodés aux classes dominantes et aux lobbies.

Des grands partis qui font du surplace

Les libéraux ont sauvé les meubles. Ils conservent l’essentiel de leur députation au Québec et en Ontario alors qu’ils minimisent leurs pertes dans les maritimes et dans l’ouest. Seules les Prairies ont sanctionné les libéraux qui y sont dorénavant absents. Ils obtiennent moins de vote que les conservateurs mais une meilleure répartition de leurs votes permet de conserver un nombre suffisant de sièges pour garder le pouvoir. Les manoeuvres de Justin Trudeau pour appâter l’électorat lié au secteur du pétrole et des énergies fossiles en achetant les installations de Trans Mountain n’a berné personne. Au total, les libéraux perdent plus d’un million de vote et 27 élu.e.s dans l’exercice.

Les conservateurs quant à eux n’ont pas le même équilibre dans la répartition géographique de leur votes. Plutôt concentré dans les provinces du centre du Canada, dans certaines banlieux et dans les régions rurales, ils ont obtenu davantage de votes que les libéraux mais moins d’élu.e.s grâce au système uninominal à un tour hérité du système britannique. Le discours anti-Trudeau et des promesses de baisses d’impôt n’ont pas été suffisants pour faire oublier les années d’austérité de Stephen Harper et Trudeau s’est employé à rafraichir la mémoire des citoyen.ne.s en diabolisant le premier ministre ontarien Rob Ford et en agitant les menaces de coupures sévères dans les services. Ils ont obtenu plus d’un demi million de vote de plus qu’en 2015. Ils font élire une vingtaine de candidat.e.s de plus qu’en 2015, un nombre insuffisant pour dépasser les libéraux. Au Québec, ils ont 2 élu.e.s. de moins alors qu’ils visaient à augmenter leur députation. Leur proximité avec les lobby des énergies fossiles, les menaces de Jason Kenney et leur discours qui banalise les changements climatique les disqualifient dans cette période de mobilisations citoyennes pour le climat.

Les grands partis furent sanctionnés par la majorité de la population. Un tiers d’entre elle a choisit de demeurer à la maison ce qui en dit beaucoup sur le rejet des partis qui mentent et reviennent sur leurs promesses, une coutume au Canada. Des centaines de milliers ont rejeté les libéraux sans toutefois remettre les clés du Parlement aux conservateurs. Il y a définitivement une perte de confiance de la population envers les grands partis qui s’exprime dans cette sanction.

Le NPD

La formation social-démocrate poursuit sa chute rapide après ses succès de 2011. Alors que le NPD obtenait 103 élu.e.s dont 59 au Québec en 2011, il n’obtient qu’un seul élu (Alexandre Boulerice dans Rosemont-Petite-Patrie) au Québec, leur « château fort » et 24 au niveau national cette fois. Un recul qui s’explique notamment par le fonds raciste de la critique de son port du turban qui règne au Québec depuis un certain temps. Jagmeet Singh a mené une surprenante campagne selon plusieurs et c’est ce qui a permis de sauver les meubles. On craignait la disparition pure et simple du NPD au Québec. On en est pas très loin. Le NPD n’a pas su assumer sa position à gauche et il a manoeuvré pour ménager la chèvre et le choux dans le dossier des énergies fossiles et du droit à l’autodétermination du Québec. On dit qu’il possède dorénavant la « balance du pouvoir », qu’il pourra faire pression afin d’obtenir des concessions du parti au pouvoir. À ce jeu, c’est rarement le petit qui l’emporte sur le plus grand. Le risque est important qu’il soit réduit à jouer le rôle de faire-valoir des libéraux et qu’il soit emporté dans le discrédit que ces derniers ne manqueront pas de provoquer lors de ce prochain mandat. Il aura au moins eu l’avantage de faire la démonstration qu’un virage à droite n’est pas la recette du succès pour un parti qui se prétends de gauche.

Le Bloc québecois

Le succès du Bloc dans cette élection tient au mimétisme opéré avec le discours de la CAQ. Le Bloc a choisit d’adopter une posture identitariste, nationaliste étroite et qui se colle au parti majoritaire à l’Assemblée nationale du Québec. Il prétends vouloir défendre les « intérêts du Québec », les « consensus » à l’Assemblée nationale. Or, le Bloc tient un double discours évoquant à l’occasion le combat pour la souveraineté alors qu’il s’appuie sur un parti clairement fédéraliste qui dit s’inspirer de l’Union nationale de la Grande noirceur comme modèle. Affirmer « Le Québec, c’est nous » fait très prétentieux. C’est faire abstraction qu’il n’y a pas de consensus qui tienne au Québec. La CAQ a été élu avec l’appui d’à peine 24% des citoyen.ne.s inscrits. Le PQ, parti-frère du Bloc, est en pleine chute libre et en crise existentielle. C’est faire abstraction qu’au Québec existe un parti, Québec solidaire, qui ne s’inscrit pas dans ce prétendu consensus. Bref, le Bloc se réclame d’une légitimité qui ne lui appartient qu’en partie et accroche son avenir politique à un train qui risque de le faire chavirer dans ses contradiction entre sa prétendue volonté de contribuer à la souveraineté du Québec et la lutte aux changements climatiques et son attachement à la CAQ, parti résolument fédéraliste et accroché aux intérêts du patronat et du lobbie des énergies fossiles. Son double discours en ce qui concerne le projet GNL Québec au Saguenay ou encore le 3e lien à Québec le démontre largement.

De plus, l’horizon politique du Bloc ne dépasse guère les frontières du Québec alors qu’une lutte efficace pour la libération nationale et contre les lobbies des énergies fossiles requiert des alliances, y compris dans le « territoire ennemi » comme le démontre la situation en Catalogne. De positionner le Québec comme seul au monde, sans perspectives de développer un rapport de force face aux partis fédéralistes contribue à paralyser le mouvement de libération nationale du Québec. Mais parions que, tout comme son parti-frère le PQ, la souveraineté ne constitue qu’une façon de conserver sa base électorale. Le Bloc n’a pas plus de stratégie gagnante que le PQ pour remettre le mouvement indépendantiste sur les rails. Il se rabat sur la défense des « intérêts du Québec » comme un pis-aller.

Le Parti vert

On le voyait grimper dans la hiérarchie des partis canadiens, voir dépasser le NPD. La vague verte devait déferler grâce aux mobilisations sans précédent autour des enjeux des changements climatiques. Et le Parti vert a accouché d’une souris ajoutant une seule élue au Nouveau-Brunswick. Ce parti qui se voulait sans concession face aux lobby des énergies fossiles s’est mis à vanter le pétrole de l’Alberta, à afficher une préférence pour le Canada, en affirmant vouloir collaborer avec tout le monde. Ce retournement a probablement désorienté sa base électorale. Le PVC a obtenu plus d’un million de votes ce qui contribue à le sortir de la marginalité mais il demeurera dans l’ombre des grands partis, incapable de sortir des ornières du capitalisme vert.

Abstention

L’abstention continue d’être la grande gagnante des élection fédérales. Jamais au cours des 5 derniers scrutins, la participation n’a atteint la barre des 70%. Le reniement des engagements par les partis politiques, une campagne qui ne discute pas des grands enjeux ou pire, en nie l’existence, une politique-spectacle pitoyable, tout ça aura fait en sorte qu’encore plus de personnes sont demeurées à la maison, voyant dans la scène politique que duperies et mensonges. Ils n’ont pas tout à fait tort mais ce désengagement a pour conséquence de laisser le chemin libre aux opportunistes et politicien.ne.s professionnels de toutes sortes ce qui ne fait qu’aggraver le problème. Il n’y a qu’une remobilisation politique des classes populaires sur des bases démocratiques qui peut contribuer à redresser la situation.

2019 : 65,9%

2015 : 68,3%

2011 : 61,1%

2008 : 58,8%

2006 : 64,7%

Et maintenant ?

Il y a dorénavant davantage de choix au niveau fédéral sans toutefois remettre en question la domination des libéraux et conservateurs sur le pouvoir. Le Parti vert dispose de quelques élu.e.s, le NPD a sauvé les meubles et le Bloc québecois fera la démonstration, malgré les dires de son chef, que « le fédéralisme fonctionne ». Toutefois, rien n’indique que ces formations possèdent les outils et la volonté politique pour dépasser le stade actuel d’absence de perspectives face à l’urgences climatique, à la crise économique qui pointe à l’horizon et aux enjeux soulevés durant la campagne (rapports aux nations autochtones, droits des femmes, défense de la paix sur la scène internationale, assurance médicaments, etc.). Il faudra de toute évidence travailler à construire une nouvelle alternative politique à la gauche du NPD et des Verts à l’échelle pan-canadienne de pair avec la perspective d’indépendance d’un Québec vert, féministe et socialiste.

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