Édition du 26 mars 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Charte des valeurs québécoises

Commission sur la Charte des valeurs québécoises (projet de loi 60)

Intervention des représentants du groupe Service d'aide et de liaison pour immigrants La Maisonnée

Le Président (M. Ferland) : Alors, la commission reprend ses travaux. Nous recevons maintenant les représentants du groupe Service d’aide et de liaison pour immigrants La Maisonnée, soit MM. Guy Drudi, Hassan Hassani et Hameza Othman. Alors, peut-être vous identifier pour savoir qui est qui. Alors, à vous la parole.

M. Drudi (Guy) : …Dans un premier temps, merci beaucoup de nous recevoir, membres de la commission. Donc, mon nom est Guy Drudi, président du conseil d’administration du service d’aide et de liaison La Maisonnée. J’ai, à ma gauche, M. Hassan Hassani, qui se trouve être le directeur général de La Maisonnée. Et monsieur, à ma droite, Hameza Othman, qui se trouve être le responsable du service de première ligne de La Maisonnée.

Le Président (M. Ferland) : Alors, allez-y, en vous mentionnant, bien sûr, que vous avez 10 minutes pour présenter votre mémoire avant de passer à la période des échanges. À vous la parole.

M. Drudi (Guy) : Très bien, merci beaucoup, M. le Président. Donc, La Maisonnée, qui va fêter cette année ses 35 ans, qui a, effectivement… a eu 35 ans, donc, d’engagement interculturel et d’enracinement au Québec, a pour mission de faire de tout résident, ancien, nouveau, ou de naissance, un citoyen à part entière. Donc, ça, c’est un élément. Donc, ça veut dire favoriser l’exercice de la citoyenneté, la participation civique et le développement de réseaux sociaux. Mentionnons que La Maisonnée a reçu le prix Artisan du Québec pour la fête nationale en 2011, et la Médaille de la Paix du YMCA en 2008.

Nous, dans le fond, ce qui est important, c’est qu’on souhaite garantir une mobilité sociale, une participation civique à tous les résidents. Et ce que je voulais dire, c’est que La Maisonnée offre des services collectifs et individuels reliés à l’accueil et à l’établissement des nouveaux résidents, telle l’employabilité, et également, l’insertion à l’emploi, mais également aussi au niveau des services d’accueil.

Le point qui est important, ce que le service d’aide et de liaison mise — et tantôt, notre prédécesseur en parlait — au niveau de la valeur québécoise… mise sur la valeur de l’accueil pour favoriser l’intégration des membres issus de l’immigration. Et, pour nous, les personnes issues de l’immigration et leurs familles, bien, ils ne sont pas différents des autres groupes sociaux, dans le sens que, s’ils sont bien accueillis et intégrés et si leur talent est utilisé, bien, à ce moment-là, ils vont avoir le désir de s’intégrer. Ils vont contribuer également… et ils l’ont déjà fait. Et on a effectivement cette expérience-là, une expérience d’accueil, en 35 ans, de 400 000 personnes, et des succès et des éléments… novatrices, donc, sur le développement de la société. Autrement dit, le dynamisme de l’accueil est la donnée principale, et non pas l’inverse.

Maintenant, nous, on pense que le projet de loi n° 60, malheureusement, s’effectue à l’intérieur d’un débat social qui, finalement, je dirais, risque de provoquer une division parce que, finalement, il cible… Ce n’est pas un projet convivial. Il cible, je dirais, des citoyens juste au niveau de la discrimination, au niveau de l’appartenance religieuse…

M. Drudi (Guy) : …est-ce que finalement il n’a… il cible, ce n’est pas un projet convivial, il cible, je dirais, des citoyens juste sur la… au niveau de la discrimination, au niveau de l’appartenance religieuse. En stigmatisant l’appartenance religieuse, il, finalement, risque d’invalider la participation à la société d’accueil et apporte le sentiment de rejet des jeunes et de leurs parents en limitant leur accès à l’emploi, aux organisations publiques et provoquer ainsi un choc discriminatoire chez ces jeunes dont les conséquences seraient un repli identitaire. Autrement dit, il accentue la polarité nous et eux. Et autre chose aussi, c’est qu’on pense que dans sa facture il ne comprend pas que la religion et le comportement religieux correspondent à des valeurs qui sont effectivement plus insérées dans l’identité, dans la construction de l’identité et la représentation identitaire de la personne. Et ce ne sont pas des comportements extrinsèques, des comportements religieux, que l’on peut remiser quelques heures par jour, mais des comportements intrinsèques qui font appel aux valeurs fondamentales des personnes qui partagent ces croyances.

Au niveau de l’intégration, il y a deux obstacles, et j’y reviens, c’est-à-dire l’obstacle qui est le choc culturel. Les gens qui arrivent ici ont davantage à apprendre comment ça fonctionne, les codes culturels, et ça, on appelle ça le choc culturel, et on voit qu’au niveau individuel ils ont à faire une adaptation personnelle sur justement le fonctionnement. Et c’est pour ça qu’on dit que l’intégration va se faire à partir de l’adaptation fonctionnelle, l’adaptation sociale et éventuellement l’adaptation culturelle. Et ça, nous, dans l’accompagnement, on est bien placés pour voir quel effort que cela demande.

Mais il y a un autre aspect que nous, on a remarqué, c’est que, malgré que les jeunes, surtout parce que La Maisonnée s’intéresse aux jeunes de seconde génération également… lorsque les jeunes sont nés ici, ils ont ces codes-là, ils les comprennent. Et malheureusement, dû à leur, je dirais, appartenance culturelle, ils sont quelquefois… dû à leur différence, la différence soit parce qu’ils sont nés à l’étranger ou qu’ils sont différents physiquement, soit qu’ils parlent une langue maternelle différente, possèdent un accent différent, la consonance du patronyme, la religion différente ou le fait de ne pas avoir d’ancêtre québécois, mais ils sont considérés différenciés, c’est-à-dire distanciés, mis à l’écart et infériorisés, jugés moins performants, ou compétents, ou inadéquats en raison au groupe auquel ils appartiennent. C’est ce qu’on appelle le choc discriminatoire et c’est un choc important parce qu’il provoque des réactions émotives et quelquefois physiques, dans le fond, puis sur le fait que les gens créent un malaise, et ils ont de la difficulté à trouver leur place.

Nous, on pense également que ce n’est pas… lorsque les droits des minorités ne sont pas respectés, mais c’est l’État qui doit protéger ces droits, et c’est la valeur que l’on accorde à la charte des droits et libertés de la… du Québec. Et un élément important, c’est qu’on pense que le projet de loi n° 60, par la stigmatisation de l’appartenance religieuse des personnes issues de l’immigration, risque d’amplifier le choc discriminatoire.

Maintenant, dans notre mémoire, nous avons fait une analyse plus de l’intérieur du projet de loi, et le projet de loi, effectivement, affirme l’égalité entre les hommes et les femmes, la primauté du français, la neutralité religieuse et le caractère laïc, ce avec quoi on est d’accord. Mais nous, on dit qu’il ne faut pas que ce soit distinct des autres droits qui sont garantis par l’article 10 de la charte des droits et des libertés.

L’égalité hommes-femmes, on est d’accord, on a même un projet d’intervention qui lutte contre la discrimination auprès des femmes qui dure depuis deux ans et qui a des résultats importants, sauf que ce n’est pas en promulguant l’article qui… le projet de loi n° 60 qu’on… et la défense d’un port de signes religieux ostentatoires qu’on va faire avancer la cause, c’est davantage en accordant plus de ressources humaines et financières pour faire le respect du droit des femmes. Il faut toujours mentionner qu’en 2013, entre les hommes et les femmes, l’écart salarial est de 30 % à l’avantage des hommes, tous emplois confondus. Cependant, le projet de loi risque de marginaliser les femmes issues de l’immigration, particulièrement en raison des stigmates associés à leur religion ou origine ethnique, et elles qui doivent déjà…

M. Drudi (Guy) : …le projet de loi risque de marginaliser les femmes issues de l’immigration, particulièrement en raison des stigmates associés à leur religion ou origine ethnique et, elles qui doivent, déjà surmonter d’obstacles importants, qui sont des obstacles discriminatoires sur le marché du travail, une déqualification qui a été d’ailleurs démontrée par Mme Marie-Thérèse Chicha dans son étude.

La neutralité religieuse, on est d’accord, effectivement, mais des institutions, mais les institutions doivent assurer davantage l’accessibilité de leurs services, et ça, ça se trouve être davantage important pour pouvoir vraiment s’assurer qu’il y ait une pénétration à l’intérieur des populations qui sont nouvellement arrivées ou qui sont d’origine ethnique autre. On pense que l’article 5 nous… va au-delà, je dirais, de son intention, c’est-à-dire qu’il ne respecte… premièrement, on ne partage pas le point de vue de l’article 5 sur la restriction relative du port de signe religieux parce qu’effectivement, pour nous, la neutralité professionnelle n’est pas liée justement…

Le Président (M. Ferland) : Une minute pour conclure, environ, M. Drudi.

M. Drudi (Guy) : …n’est pas liée, je dirais, au port de signe religieux, mais davantage à une nomenclature de gestes professionnels qui finalement sont inscrits à l’intérieur du Code des professions, qui sont partagés par notre… par les gens qui sont à l’intérieur de ces institutions. Ce qui m’apparaît le plus important — et notre prédécesseur d’ailleurs en a parlé, par rapport à l’article 14 — c’est qu’il y a une confusion de genre qui existe actuellement, particulièrement à l’article 14, lorsqu’on parle de dialogue. Lors du premier manquement à la restriction relative au port d’un signe religieux, il doit avoir… avoir l’imposition de toute mesure disciplinaire, un dialogue pour lui rappeler ses obligations et le terme, l’inciter à se conformer. Nous, on pense qu’actuellement l’État fait de la microgestion, et ça, ça n’est pas respectueux de la ligne de gestion des…

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