Édition du 26 mars 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Féminisme

« Juste » l'autre moitié du monde

Le terme « féminisme » a été bien malmené et galvaudé depuis une semaine, réveillant le pire sur Ia Toile et les médias sociaux. En voici quelques exemples.

« Aïe les bonnes femmes, on est en 2016. Si vous êtes incapables de prendre votre place, c’est que vous avez un méchant problème ».

« Allez les lesbiennes...vivez dans vos lubies !! Arrivez en 2016.... Le monde est dominé par les femmes...c’est nous les hommes qui sommes désavantagés !! »

« Je savais que Madame Thériault n’était pas féministe, elle est jolie ! »

Voilà le genre de commentaires qu’il est fréquent de lire en réaction aux textes de presse qui traitent du féminisme, de rassemblements ou manifestations pour le respect des droits des femmes ou tout simplement d’équité entre les sexes. C’est plutôt décourageant si on ne s’arrête qu’à ça. Mais heureusement, ces propos rétrogrades et sexistes ont reçu des réponses galvanisées de féministes de tout acabit. Et d’hommes révoltés par de pareilles âneries.

Le féminisme, ce n’est pas privilégier les femmes au détriment des hommes comme l’a laissé entendre la semaine dernière la ministre de la Condition féminine, Lise Thériault. En refusant l’étiquette féministe, Mme Thériault, mais aussi la ministre de la Justice, Stéphanie Vallée et le premier ministre du Québec, Philippe Couillard, démontrent qu’elles et il en connaissent bien peu à ce sujet... ou au contraire, en savent beaucoup et n’y accordent aucune importance.

À Québec solidaire, nous avons fièrement fondé un parti féministe il y a 10 ans. Et encore en 2016, nous sommes convaincu.es, hommes et femmes, que nous avons collectivement de bonnes raisons d’être féministes.

Tout d’abord, parce que les femmes n’ont toujours pas le même revenu que les hommes. En 2011, le revenu d’emploi des femmes travaillant à temps plein correspond à 75,3% de celui des hommes, ce qui représente une baisse par rapport au taux de 76,2% en 2007. Pourquoi cette situation s’aggrave-t-elle encore ? Les tâches reliées aux « soins » (enfants, malades, familles, etc.) sont en majeure partie assumées par les femmes et moins valorisées. Tant dans le secteur communautaire, privé que public, ces emplois sont sous-payés, souvent au salaire minimum. Et avec l’austérité libérale, ce sera loin de s’amoindrir. 75% des travailleurs dans les services publics sont des femmes, 61% des emplois au salaire minimum sont occupés par des femmes. Esthéticienne, coiffeuse, enseignante, vendeuse, serveuse, éducatrice en garderie, travailleuse sociale, infirmière sont des professions encore vues comme le prolongement du travail gratuit des femmes à la maison. Ceci expliquant cela, 76% des familles monoparentales ont une femme comme cheffe.

Qu’on le veuille ou non, ces emplois « traditionnellement féminins » sont bien moins payés que les métiers « sérieux » de soudeur, de mineur, de monteur de lignes, de technicien en informatique. Nous ne contestons pas l’importance de bien rémunérer ces emplois, mais s’occuper des gens, de personnes malades et de nos enfants devrait être tout autant valorisé et encouragé. Donc bien rémunéré.

Nous sommes aussi féministes car trop de femmes vivent encore de la violence. En moyenne, tous les six jours au Canada, une femme est tuée par son partenaire intime. On a vu l’an dernier, avec la vague de dénonciations de harcèlement et d’agressions sexuelles, et la prise de conscience des disparitions de femmes autochtones que les femmes souffraient en silence depuis longtemps. Encore aujourd’hui, des hommes, des dinosaures, estiment que les femmes sont une propriété dont on peut user sans scrupule, sans leur consentement.

Être féministe, c’est demander aux hommes alliés d’appuyer les femmes dans la dénonciation des violences faites aux femmes. C’est un travail que nous devons mener ensemble.

Parlons parité hommes-femme en politique... Nous en sommes encore si loin... Aucun gouvernement québécois ne l’a atteint, malgré de beaux discours répétés inlassablement. Le gouvernement Couillard est celui qui a le moins de femmes ministres au sein de son Cabinet ! Mais nous ne sommes pas vraiment surprises, compte tenu des déclarations de la semaine dernière. Les partis doivent prendre l’engagement de présenter autant d’hommes que de femmes aux élections.

Finalement, pour nous, être féministe au Québec, c’est être solidaires de toutes les femmes dont les droits ne sont pas respectés, ici et ailleurs. Vouloir l’égalité entre les hommes et les femmes, c’est aussi travailler pour l’égalité entre les femmes. Comme partout ailleurs, il y a une disparité entre femmes, même au Québec. On n’a qu’à penser aux femmes réfugiées, handicapées, lesbiennes, autochtones, âgées... C’est toutes ensemble que nous pourrons surmonter ces différences, en nous posant les bonnes questions et en voulant agir contre toutes les exclusions.

Ensemble, nous avons tout le pouvoir que nous voulons prendre.

Françoise David

Porte-parole de Québec solidaire

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