Lors de sa campagne électorale, le nouveau premier ministre Philippe Couillard annonçait que l’environnement n’est pas une priorité pour lui. Ce qui est important, c’est les emplois, par exemple ceux que pourraient créer le Plan Nord (+).
Il s’intéresse à la santé, mais pas tellement à la prévention. Pas de lien à faire avec la pollution ou l’écart grandissant entre les riches et les pauvres.
Lorsque questionné sur le vide de la plateforme du Parti libéral du Québec (PLQ) quant aux questions environnementales, Couillard précise que dans « "développement durable", il y a le mot "développement " ». Merci, on avait compris.
À l’instar des médias, les deux autres grands partis politiques ont également esquivé le sujet autant que possible, tendance d’ailleurs confirmée par deux questionnaires des groupes du mouvement environnemental (1, 2).
Et comme de fait, s’engager pour l’environnement n’était pas nécessaire pour gagner les élections. Selon la maison de sondage Angus Reid, seulement 8% des Québécois-ses affirment que l’environnement était la priorité dans les élections, plaçant l’enjeu en 11e place.
Pendant ce temps-là, une étude (http://www.sesync.org/sites/default/files/resources/motesharrei-rivas-kalnay.pdf) de chercheurs des universités du Maryland et du Minnesota utilisant des outils de la NASA est publiée, estimant que l’effondrement de la civilisation est probable à partir de 2030. Leur modèle mathématique se base principalement sur deux variables : la dégradation croissante de l’environnement et l’accroissement des inégalités sociales.
Le mathématicien Brad Werner s’était aussi prêté à l’exercice. Il prédit (http://io9.com/5966689/after-extensive-mathematical-modeling-scientist-declares-earth-is-fucked) la catastrophe en insistant que la seule variable qui intervient positivement est la résistance et l’action directe contre le système économique en place et les industries extractives.
Le GIEC peint un portrait similaire. Les conséquences des changements climatiques créent des perturbations importantes qui feront des vagues à travers le monde. La famine, les conflits armés et les réfugié(e)s sont à prévoir.
Toutes ces études arrivent aux mêmes conclusions : l’humanité est sur le chemin de la catastrophe et s’y engage à toute vapeur. Nous pouvons frapper le mur ou, scénario moins probable, transformer radicalement notre société et notre économie.
Cassandre oui, prophètes de malheur non
En 1972, lorsque des scientifiques du Massachusetts Institute of Technology (MIT) se prêtaient à un exercice similaire en publiant Halte à la croissance, leurs projections (http://fr.wikipedia.org/wiki/Halte_à_la_croissance_%3F) ont été largement rejetées par les défenseurs du capitalisme qui prétextaient, grosso modo, que le marché se calque aux écosystèmes naturels à la perfection et s’autorégulera toujours magiquement au grand bénéfice de tous et toutes.
Mais il devient de plus en plus difficile d’ignorer les faits, même pour nous du Québec qui nous croyons à l’abri dans notre forteresse nordique.
La raison est simple : la catastrophe est déjà commencée. Et si parler de désertification, de famine ou même de l’extinction massive est encore trop vague, peut-être pourrais-je citer quelques exemples qui nous concernent plus directement.
Notez par exemple le Béluga et le papillon Monarque, deux espèces dont le déclin est attribué en partie aux changements climatiques.
Notre santé est aussi en jeu. Dans le sud de la province, nous sommes maintenant à risquer de contracter une nouvelle maladie chronique, soit la maladie de Lyme, dont le vecteur (la tique) nous arrive à cause du réchauffement climatique.
Même corrélation avec le Virus occidental du Nil, autre maladie potentiellement fatale et pouvant laisser des séquelles à long terme.
D’autre part, l’Organisation mondiale de la santé estime (http://www.who.int/mediacentre/news/releases/2014/air-pollution/fr/) que le quart des maladies est maintenant dû à la qualité de l’environnement. Par exemple, au Québec, on associe (http://www.inspq.qc.ca/pdf/publications/817_ImpactsSanitairesPollutionAtmos.pdf) des milliers de décès chaque année à la qualité de l’air.
Outre les fatalités, c’est la qualité de vie qui décline. Au Canada, on établit (http://www.phac-aspc.gc.ca/cd-mc/risk_factors-facteurs_risque-eng.php) un lien de causalité entre les maladies chroniques (ex. cancer, asthme) à la qualité de l’environnement et le milieu socio-économique (pauvre ou riche).
Et ainsi de suite. Il s’agit d’enjeux complexes et peu connus, faute de recherches. Dans toutes les projections citées, le portait global s’aggrave. Une chose est sûre. Ce que l’on vit maintenant au Québec n’est qu’un avant-goût de ce que vivent déjà les pays plus vulnérables, et même cela n’est qu’un prélude à ce qui s’en vient en l’absence de changement significatif.
L’horreur et le je-m’en-foutisme
Ceux et celles qui ont déjà lu mes romans savent que j’affectionne particulièrement le genre de l’horreur. Je n’ai pas l’habitude de mélanger la fiction à mes billets, mais une citation me revient constamment sur le sujet de l’effondrement.
« Un jour viendra où la synthèse de ces connaissances dissociées nous ouvrira des perspectives terrifiantes sur la réalité et la place effroyable que nous y occupons : alors cette révélation nous rendra fous, à moins que nous ne fuyions dans cette clarté funeste pour nous réfugier dans la paix et la sécurité d’un nouvel âge de ténèbres. » - H.P. Lovecraft, 1926
Lovecraft est le maître incontesté de la littérature d’horreur, spécialiste de la fin du monde. Comme de fait, la réaction - notre réaction - devant un phénomène si menaçant et quasiment insaisissable relève de l’horreur pure et dure.
Il y a, comme sous-entend Lovecraft, deux choix face à un effroi incommensurable : 1. un choc cognitif traumatique (la réalisation douloureuse de tout cela) ou 2. fuir, fermer les yeux et se complaire dans le déni, l’obscurantisme et commettre une sorte de suicide collectif.
Alors, comment réagir ?
Vous me direz, il y a des gens qui ont déjà la serviette, qui attendent que l’humanité soit rayée de la carte. Le mouvement survivaliste, d’ailleurs présent au Québec, n’attend que ça.
Cyniques mais certes plus optimistes, il y a des écologistes comme moi qui essaient encore de sonner les cloches en souhaitant que la transition à une société réellement durable se fasse de façon volontaire et paisible. Bien sûr, notre financement est coupé, nous sommes ridiculisés-es, poursuivis-es en justice, démonisés-es et même assassinés-es.
Et puis, il y a finalement tous ceux et celles à qui profitent le système actuel, qui s’y trouvent confortables et n’ont pas envie que ça change. La dernière campagne électorale nous l’aura rappelé de façon assez éloquente. Mais il faut avouer qu’il y a quelque chose de drôle quand l’élite économique dont les politiques génocidaires nous ont amené dans ce pétrin, nous fait la morale sur ce qui est « réaliste » et ce qui n’est « pas réaliste ». Et quoi ? Le homard dans le chaudron trouve que l’eau est bonne.
Alors, pouvons-nous parler des « vraies affaires » ?