Édition du 1er octobre 2024

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Asie/Proche-Orient

L'incompatibilité entre l'authentique humanisme juif et le sionisme

Le commentaire de Joseph Facal paru dans le Journal de Montréal jeudi le 25 mai dernier et intitulé : "Israël souligne cette année ses 75 ans d’existence : une improbable et exceptionnelle réussite" a beaucoup fait jaser.

photo Wikipédia

Il fait ressurgir périodiquement un débat qui ne se tient pas juste à l’occasion de la commémoration de la fondation de l’État hébreu. Il illustre bien la confusion qui règne à ce sujet et la duplicité des sionistes de tout acabit.

Commençons par définir les termes en présence : le sionisme est l’aspect politique d’un certain judaïsme et c’est là le problème. Il a entraîné l’édification de l’État hébreu sur le dos de la population d’origine arabe en Palestine au nom du "droit au retour" des Juifs sur leur supposée terre ancestrale. On qualifie par ailleurs "d’antisémitisme" l’hostilité viscérale envers les Juifs et les Juives, ceux et celles gens qui suivent "la religion du Livre". On considère "l’antisémitisme" comme du racisme. Il est vrai que les Juifs ont longtemps été vus comme une "race".

Le judaïsme est une religion, un système de croyances aussi légitime qu’un autre et non pas l’apanage d’un groupe ethnique en particulier. On ne peut davantage regarder le judaïsme comme une réalité "génétique" que les autres grandes religions comme le christianisme, l’islam, le bouddhisme, le taoïsme, etc. Il vaudrait mieux parler d’antijudaïsme dans le cas de l’antipathie la plus avérée envers les gens de religion juive. Ils ne forment pas un groupe ethnique spécifique, mais regroupent au contraire des personnes relevant de plusieurs appartenances nationales.

Les sionistes, en particulier les plus radicaux d’entre eux ont fait beaucoup de kilométrage pour légitimer l’État d’Israël auprès de leurs alliés occidentaux et contre leurs ennemis arabes en invoquant à répétition le souvenir de l’Holocauste et dénigrer leurs adversaires, arabes et autres, sans nuances aucune.

Il existe pourtant un racisme très réel dans le conflit israélo-palestinien, celui qu’on pourrait qualifier "d’antipalestinianisme". La résistance palestinienne est criminalisée, les résistants et résistantes palestiniennes toujours présentés comme des "terroristes". Par contre, on légitime souvent les actions militaires israéliennes au nom du droit à l’autodéfense de l’État hébreu, même si plusieurs d’entre elles correspondent à la notion de crime de guerre et que la colonisation par Tel-Aviv de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est viole les principes les plus élémentaires du droit international. Pour la plupart des membres des classes politiques occidentales, une vie palestinienne vaut moins que son équivalent israélienne. Ils n’en conviendront pas bien sûr, mais c’est la conclusion qui se dégage de l’examen de la situation. Les chancelleries occidentales pour la plupart ferment les yeux sur les abus criants commis par le gouvernement israélien contre les civils palestiniens, elles continuent à recevoir comme si de rien n’était les représentants de l’État hébreu et à commercer avec ce pays. Elles ignorent délibérément les méthodes brutales utilisées par les autorités israéliennes contre les militants et militantes palestiniens. Elles refusent de faire les pressions nécessaires sur leur protégé afin de ne pas encourager, prétendent-elles, "l’antisémitisme". On peut se demander au contraire, si cette politique d’exclusivisme en faveur d’Israël ne l’encourage pas...

Ce racisme larvé vise toutes les sociétés arabes. En effet, Israël est toujours présenté comme un bijou démocratique au sein d’une mer de boue arabe. Il y en aurait long à dire sur cette attitude qui consiste à dénigrer des sociétés entières qui ont le grand tort d’entretenir une échelle de valeurs politique et idéologique différente du libéralisme bon teint qui prévaut dans les pays occidentaux. Des pays avec lesquels par ailleurs beaucoup de gouvernements occidentaux entretiennent des relations commerciales suivies. L’attrait du pétrole, voyez-vous... L’hypocrisie et le cynisme à géométrie variable.

Évidemment, même les politiciens et commentateurs occidentaux les plus pro-israéliens ne peuvent plus ignorer la question palestinienne. C’est pourquoi, comme Facal, ils glissent dans leurs commentaires quelques bons mots en passant au sujet des Palestiniens, "perpétuel talon d’Achille d’Israël" (dixit Joseph Facal). Mais c’est pour reprendre ensuite de plus belle leurs louanges envers Israël et sa société sans pousser plus loin leur réflexion sur la Palestine. Combien d’entre eux en connaissent l’histoire ou même sont prêts à se pencher sur elle ?

Je conclus en arrivant au coeur de mon propos : tous les Juifs ne sont pas sionistes et tous les sionistes ne sont pas Juifs. Il y a même des sionistes bon-ententistes avec les Palestiniens. Plusieurs Juifs dénoncent la manipulation à des fins bassement politiques du riche humanisme juif. Ils y voient une trahison des idéaux du judaïsme. Les véritables démocrates juifs suivent cette ligne de conduite.

Jean-François Delisle

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