Édition du 16 avril 2024

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Québec

Éditorial

L’indexation des salaires : une nécessité

Ça a commencé par le prix des produits alimentaires en particulier celui de la viande. Puis la spéculation immobilière a fait augmenter les loyers et ensuite le prix du pétrole pour l’essence. Tout cela présageait une crise économique imminente de l’ampleur de celle de 2008. Arrivent la crise sanitaire et, finalement la guerre en Ukraine.

Les faits

« Le dossier sur l’inflation du Journal de Montréal de décembre 2021 souligne que les plus fortes augmentations touchent le panier d’épicerie : les graisses et les huiles comestibles ont connu une hausse de 20,4%, les œufs ont monté de 9,5% et les produits céréaliers de 7,3%.
De plus, l’essence a augmenté de 14,7% en 22 mois. Notre économie étant dépendante du transport sur route, la hausse de l’essence entraîne aussi une augmentation des prix d’autres produits.
 » ( Indexer les salaires au coût de la vie : La réponse à l’inflation ! Bruno-Pierre Guillemette https://www.pressegauche.org/Indexer-les-salaires-au-cout-de-la-vie-La-reponse-a-l-inflation

L’Institut de la statistique du Québec confirme : la croissance des salaires n’a pas suivi l’inflation qui a été de 3,8% en 2021. Les femmes sont plus durement touchées que les hommes. Si le salaire moyen des hommes a crû de 2,7%, celui des femmes n’a crû que de 1,5%.

L’inflation est en mars de 5.7% au pays et l’endettement des ménages atteint des sommets

«  La dette des ménages sur le marché du crédit en proportion du revenu disponible des ménages a atteint 186,2 % au quatrième trimestre, en données désaisonnalisées, par rapport à une lecture révisée de 180,4 % pour le troisième trimestre, a précisé l’agence fédérale. Autrement dit, il y avait 1,86 $ de dette sur le marché du crédit pour chaque dollar de revenu disponible des ménages.

Selon Statistique Canada, ce ratio d’endettement était de 181,1 % à la fin de 2019, avant la pandémie, alors que le record précédent était de 184,7 %, au troisième trimestre de 2018. »
(https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1868353/endettement-menages-canada-niveau-record-taux-interet-trimestre-quatre Le ratio d’endettement des ménages atteint un sommet (La Presse canadienne le 11 mars 2022)

L’augmentation des prix a un impact direct sur les conditions de vie des classes laborieuses. Elle place l’ensemble des travailleurs et travailleuses dans une position encore plus défensive. Le rapport de force favorise les couches aisées qui n’ont pas à se préoccuper du coût des marchandises.

Comment le mouvement ouvrier peut-t-il reprendre l’offensive ? L’indexation des salaires a déjà été une revendication phare.

Et si on se souvenait 1.

La ferveur pour les clauses d’indexation des salaires vient des États Unis et s’étiole tout au long du vingtième siècle avec plus ou moins de succès. La montée de l’inflation est évidemment un gros facteur favorisant les clauses d’indexation.

Au Canada c’est l’année 1951 qui marque l’engouement pour les clauses d’indexation des salaires, 21,4% des conventions d’alors en avaient couvrant 7.6% environ des travailleurs et travailleuses.

Les oscillations pour cette revendication syndicale va connaître un autre sommet dans les années 75-80.

En 1977, 29,1% des conventions mentionnent une telle clause et cela couvre 12% des effectifs syndicaux.

Ce qui se dégage des chiffres de cette époque c’est que l’indexation des salaires se retrouve en Ontario, surtout dans le secteur manufacturier, dans des unités syndicales de moins de 499 membres, pour des conventions collective de 30 mois et plus et où le personnel reçoit deux fois le salaire minimum.

Ce schéma est sensiblement le même pour le Québec.

Les syndicats québécois de l’époque surtout ceux affiliés à la FTQ avaient lancé une campagne pour introduire cette clause dans leurs conventions collectives. Cette campagne invitait les syndicats à rouvrir leur convention face à la montée des prix et à renégocier des augmentations salariales indexées. Mais cette campagne ne développait pas un mouvement national puisque le mouvement se menait convention par convention, syndicat par syndicat.

Avec l’instauration des processus de mondialisation, dans les années 1990-2000, les demandes syndicales se sont portées davantage vers la lutte à la délocalisation dans le secteur privé et contre la privatisation dans le secteur public. Précisons aussi que l’inflation s’est stabilisée autour des années 2000.

Le secteur public

Au Québec, c’est le secteur public qui a porté la lutte du salaire indexé avec succès. Le Front commun de 1972 avec la demande du 100 $ par semaine demandait aussi l’indexation des salaires y compris dans le et des régimes de retraite. Mais tout cet acquis de courte durée a été perdu lors des négos de 82.

Le secteur public a connu cependant un certain rattrapage grâce aux luttes des femmes d’abord pour un salaire égal à travail égal, puis pour un salaire égal à travail équivalent et enfin avec les demandes de relativité salariale concernant les échelles de salaire.

Mais soyons clairs, l’égalité et l’équité salariale ne sont pas des augmentations salariales. Ce sont des mesures de lutte contre des discriminations faites aux femmes. Il en est de même pour la relativité salariale ; les changements dans les échelons (pour les titres d’emploi qui en ont) ne sont que des mesures de justice et d’égalité.

Le secteur public n’a connu que des hausses salariales se situant dans le cadre des mesures décrétées par l’Organisation mondiale du commerce (OMC) soit 2% maximum par année. Résultat : le secteur public est sous payé par rapport au secteur privé et au titre d’emploi comparable, dans les moins bien rémunérés à travers le Canada. 2

La dernière négo s’est conclue par des augmentations de 2% par année. Mais l’inflation est, en 2021, de 5% et va augmenter encore d’ici la fin de la convention. L’écart salarial dans le secteur public va encore s’accroître et cela va contribuer à la dévalorisation générale des salaires tout spécialement ceux des femmes, majoritaires à travailler dans le secteur public.

Une vraie indexation

Dans le contexte d’une montée inflationniste qui est tant canadienne que mondiale, il faut se demander comment rattraper le pouvoir d’achat perdu pour les travailleurs et travailleuses.

« La sortie chaotique de deux ans de crise sanitaire provoquée par le Covid-19, doublée d’une flambée des prix de l’énergie depuis l’été, a fait renaître des poussées inflationnistes inconnues depuis plus de 30 ans. En février, les prix ont augmenté de 5,8 % dans la zone euro, de 4,5 % en France, selon les statistiques publiées le 2 mars. Selon des estimations publiées ces derniers jours, l’Europe pourrait connaître une inflation égale ou supérieure à 5 % tout au long de 2022.

Mais tous ces calculs étaient avant. Avant la guerre en Ukraine. » ( https://www.ledevoir.com/economie/686748/les-prix-a-la-consommation-au-canada-ont-augmente-de-5-7)Martine Orange

L’indexation des salaires au coût de la vie calculée à partir d’indices syndicaux (pour éviter les tripotages gouvernementaux et patronaux) demeure une des meilleures solutions pour lutter contre l’appauvrissement actuel.

Cette lutte ne peut se gagner dans un seul syndicat, dans un seul secteur économique, dans une seule région. Il faut comprendre les impasses des luttes menées par le passé concernant cette demande pour mieux aller de l’avant. C’est une campagne nationale que le mouvement syndical doit mener pour éviter que les travailleurs et travailleuses ne subissent encore plus les contre coups de la crise inflationniste actuelle.

L’indexation des salaires, c’est une nécessité pour les travailleurs et travailleuses afin de maintenir leur pouvoir d’achat.

Combiner cette revendication avec une demande de hausse du salaire minimum à 20 $ permettrait de contrer l’appauvrissement de l’ensemble des travailleuses et des travailleurs. que ces personnes soient syndiquées ou non.

Ajouter à cela la nécessité pour les personnes assistées sociale d’avoir un revenu de base qui couvre les besoins essentiels. On l’a vu, la publicité du Collectif pour un Québec sans pauvreté mettait en évidence qu’au Québec une personne sur 10 n’a pas de quoi satisfaire ses besoins de base.

De plus, la demande de renforcer et d’étendre les programmes sociaux sert à réduire la dépendance des travailleurs et travailleuses des salaires que leur versent les patrons.

Ainsi peut se faire la jonction entre toutes les couches ouvrières incluant les personnes sans emplois. C’est l’unification des mobilisations qui permet une vraie lutte contre la pauvreté, contre la hausse des coûts des produits de base et contre l’inflation.

Espérons que dans les prochaines revendications du Front commun du secteur public, l’indexation soit au cœur des demandes. Le secteur public demeure à l’avant-scène des luttes contre l’appauvrissement et draine dans son sillage les 560 000 travailleurs et travailleuses du secteur public mais aussi les quelques 500 000 autres qui suivent par ricochet la politique salariale gouvernementale.

Solidarité contre l’appauvrissement.

Éditorial PTAG

Notes

1. les chiffres de ce bloc ont été tirés de ce site (https://papyrus.bib.umontreal.ca/xmlui/bitstream/handle/1866/1765/A1.144%20REV%2010.pdf?sequence=1&isAllowed=y)

2. Consulter à ce niveau, les articles de monsieur Yvan Perrier publiés dans Presse toi à gauche sur le sujet de la rémunération dans le secteur public

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