Édition du 8 octobre 2024

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La 7e ronde de négociation de 1985-1986 (Texte 11)

Adoption du projet de loi 160 et entente négociée d’une durée de trois ans

Cette ronde de négociation dans les secteurs public et parapublic se déroule dans un contexte où priment, dans les démocraties libérales des pays avancés, les idées découlant de l’idéologie rétrolibérale.

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Dès son installation au pouvoir en 1985, le gouvernement Bourassa s’applique à poursuivre le virage rétrolibéral déjà en cours au Québec. Il crée trois comités (les « comités des sages ») chargés de définir les nouvelles politiques de privatisation, de déréglementation et de désengagement de l’État. Par-delà une remise en ordre des finances publiques, le gouvernement ne vise rien de moins que le désengagement et la réduction de la taille de l’État. Dans un document pré-budgétaire publié le 5 mars 1986, le ministre des Finances, Gérard-D. Lévesque, y va à son tour de la rengaine sur la capacité de payer de l’État. Évoquant une impasse budgétaire de 1,5 milliard de dollars, il précise que : « […] le redressement passe surtout par l’examen des programmes de dépenses, de nouvelles compressions budgétaires et la signature dans le secteur public de conventions collectives qui reflètent l’état des finances publiques[1]. »

Le président du Conseil du trésor, Paul Gobeil, déclare, lors du dépôt des offres du gouvernement en février 1986 : « Le vent qui court sur l’Amérique du Nord comme sur l’Europe et qui a pour effet de ramener les gouvernements à des proportions plus justes en leur donnant la place qui leur convient et en réduisant leurs rôles devenus tentaculaires, souffle aussi sur le Québec. »

Rappelons que cette ronde de négociation se déroule dans le cadre du nouveau régime de négociations issu du projet de loi 37. Selon les nouvelles règles en vigueur, les salaires ne sont négociables que pour la première année des conventions collectives. Pour les deux autres années, les ajustements de salaires sont décrétés par le gouvernement à la suite d’un processus consultatif bidon. 
Dans ce contexte, la question du droit de négocier devient un enjeu en soi. Les organisations syndicales, qui ne seront pas en mesure de se constituer en front commun, font de l’obtention d’une convention collective de trois ans l’une des priorités de cette ronde de négociation.

En février 1986, le président du Conseil du trésor, Paul Gobeil, déclare que le gouvernement offre à ses salariés un accroissement général de 3,5% des salaires. De plus, le gouvernement entend récupérer 100 millions $ sur les avantages sociaux. 

Les centrales syndicales font alors connaître leurs demandes salariales qui se structurent toujours autour des mêmes principes : indexation des salaires au coût de la vie, amélioration du pouvoir d’achat par un mécanisme de participation à l’enrichissement collectif, réduction des écarts salariaux, et mise en place de correctifs aux échelles salariales en vue d’éliminer les discriminations fondées sur le sexe. 

Au printemps de 1986, en appui aux négociations, des votes de grève sont tenus. La médiation ne permet aucun déblocage des négociations. Au début de septembre, alors que les syndicats font connaître les résultats de leurs votes de grève, le gouvernement annonce son intention de régler avant les Fêtes. 

Le projet de loi 160

Fin octobre et début novembre 1986, des arrêts de travail de 24 heures sont déclenchés. À la veille du déclenchement de journées de grève tournante par les syndiquéEs affiliéEs à la FAS-CSN (arrêts de travail qui ne tiennent pas compte des dispositions du projet de loi 37 portant sur les services essentiels), le gouvernement riposte en adoptant le projet de loi 160 (la Loi assurant le maintien des services essentiels dans le secteur de la santé et des services sociaux). Cette loi visant à faire respecter les services essentiels dans les secteurs de la santé et des services sociaux comporte des sanctions très sévères : perte de deux jours de salaire et d’un an d’ancienneté pour chaque jour de grève, poursuites pénales, suspension de la retenue syndicale à la source, réduction du traitement des contrevenantEs, etc. Ces sanctions sont pires que celles du projet de loi 111 adoptée en février 1983. 

Le dénouement : une entente négociée d’une durée de trois ans

Finalement, après des débrayages des infirmières et des employéEs de soutien des commissions scolaires qui respectent les services essentiels, une entente survient. Le gouvernement du Québec convient d’une convention collective pour une durée de trois ans, accordant des augmentations de salaire de l’ordre de 3,5 % (le 1er janvier 1986) ; de 4% (le 1er janvier 1987) et de 4,5 % (le 1er janvier 1988). À cela s’ajoute une indexation pouvant aller jusqu’à 1 % si l’indice des prix à la consommation en décembre 1987 dépasse de plus de 4,25 % celui de décembre 1986. Les négociateurs syndicaux obtiennent des augmentations quelque peu supérieures pour les bas salariéEs. De plus, le ministre Gobeil renonce à la récupération de 100 $ millions sur les avantages sociaux (assurance-salaire et congés de maladie). Les nouvelles conventions collectives doivent arriver à échéance le 31 décembre 1988.

La question de l’équité salariale reste en suspens. Diverses lettres d’entente seront signées avec la FTQ, la CEQ, la CSN, les infirmières, le COPS et le SPGQ à ce sujet. Ces lettres ne prévoient pas un mode de résolution unique des inégalités salariales fondées sur le sexe.

Conclusion

Lors de la présente ronde de négociation, certains arrêts de travail ont eu pour effet de provoquer une réaction assez vive et sévère de la part du gouvernement du Québec. Celui-ci en a profité pour adopter le projet de loi 160. Malgré les écarts et malgré l’exercice de moyens de pression allant jusqu’à la grève, les parties ont convenu d’une entente d’une durée satisfaisante pour les organisations syndicales et pour leurs membres.
Yvan Perrier
 

[1] Gouvernement du Québec. 1986. Les finances publiques du Québec : l’urgence d’un redressement, p. 2.

Yvan Perrier

Yvan Perrier est professeur de science politique depuis 1979. Il détient une maîtrise en science politique de l’Université Laval (Québec), un diplôme d’études approfondies (DEA) en sociologie politique de l’École des hautes études en sciences sociales (Paris) et un doctorat (Ph. D.) en science politique de l’Université du Québec à Montréal. Il est professeur au département des Sciences sociales du Cégep du Vieux Montréal (depuis 1990). Il a été chargé de cours en Relations industrielles à l’Université du Québec en Outaouais (de 2008 à 2016). Il a également été chercheur-associé au Centre de recherche en droit public à l’Université de Montréal.
Il est l’auteur de textes portant sur les sujets suivants : la question des jeunes ; la méthodologie du travail intellectuel et les méthodes de recherche en sciences sociales ; les Codes d’éthique dans les établissements de santé et de services sociaux ; la laïcité et la constitution canadienne ; les rapports collectifs de travail dans les secteurs public et parapublic au Québec ; l’État ; l’effectivité du droit et l’État de droit ; la constitutionnalisation de la liberté d’association ; l’historiographie ; la société moderne et finalement les arts (les arts visuels, le cinéma et la littérature).
Vous pouvez m’écrire à l’adresse suivante : yvan_perrier@hotmail.com

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