Édition du 16 avril 2024

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Canada

La base du NPD appelle de ses voeux un leadership de gauche doté de principes

Les deux principaux partis politiques d’opposition du Canada choisissent leurs nouveaux chefs en remplacement de Stephen Harper et de Thomas Mulcair. Les deux hommes se sont retrouvés en fâcheuse posture après avoir perdu l’élection générale de 2015. Les conservateurs s’offrent le spectacle d’une course à 14 pour le poste de chef de l’opposition officielle. Le Parti Néodémocrate a attiré quatre candidats à sa course à la chefferie.

Sid Ryan ancien président de la Fédération ontarienne du travail

La tâche à accomplir semble particulièrement de taille pour le NPD. Le parti croit avec raison qu’il a perdu du terrain en se laissant littéralement rouler dans la farine par le parti libéral en l’attaquant sur son flanc gauche. La politique fiscale du NPD est apparue comme une simple suite au refrain harperiste des budgets équilibrés. Cette politique d’austérité à peine atténuée a non seulement fait perdre l’élection au NPD fédéral en 2015, mais aussi à plusieurs partis néodémocrates provinciaux dans de récentes élections.

Certains membres du parti, y compris des candidats, se sentent frustrés à la vue d’éléments clefs du programme électoral qui ont peu en commun, voire rien du tout, par rapport aux politiques adoptées au congrès par voie démocratique. Cela montre un parti géré d’en haut, de manière non démocratique, qui n’est pas en phase avec sa base. La course à la chefferie représente une occasion d’aborder certains de ces problèmes et de voir quels candidats prennent sérieusement en compte les désirs exprimés à la base de voir le parti entreprendre un virage à gauche.

Que faire pour combler le vide ? Les membres du NPD appellent de leurs voeux un leadership doté de principes sur les questions que voici :

Pipelines

Le NPD ne peut encourager la création de nouveaux pipelines. Le moment est venu de dire NON aux pipelines et de s’engager à passer de l’économie actuelle basée sur le carbone à une économie à énergie verte et propre. Cela exige des investissements massifs dans les nouvelles technologies ainsi que la reconversion professionnelle des travailleurs déplacés.

Ententes de libre-échange

Le NPD fait le grand écart. Ses députés se sont mis d’accord sur l’ALE avec la Corée du sud, se sont opposés au PTP, et n’ont pratiquement rien dit de l’accord Canada-UE. En plus, nous avons été peu loquaces sur la renégociation de l’ALENA. Nous ne pouvons apporter notre appui à des accords de libre échange qui sapent nos soins de santé, notre éducation et notre système hydraulique. Nous ne pouvons non plus soutenir les clauses du chapitre 11 qui empiètent sur la souveraineté démocratique. Le moment est venu d’amener à la table le mouvement ouvrier, le mouvement écologiste et les Premières Nations afin de s’opposer aux desiderata des grandes entreprises.

Privatisation

Les néodémocrates rejettent les partenariats public-privé et disent NON à la privatisation. Trudeau a récemment annoncé la vente à rabais de joyaux du secteur public à ses amis de Bay Street au moyen de son soi-disant modèle de grand-roue de l’investissement. Cette grand-roue se financera à même le péage sur les routes et les ponts, en plus des frais d’usagers. Pour contrer cela, le NPD doit se faire le défenseur d’une banque d’investissement social pour investir massivement dans le logement social, le transport en commun et d’autres améliorations des infrastructures depuis trop longtemps négligées.

La démocratie de parti

J’entends de la bouche de personnes à l’intérieur du parti qu’il faudrait exclure certains thèmes des débats dans la course à la chefferie. Des thèmes comme le conflit Israël-Palestine, disent-ils, créent la division et donc sont ingrats, au dire de candidats centristes. Je suppose que l’on pourrait étendre cette logique aux pipelines et aux ententes de libre-échange. Pourquoi diable se préoccuper d’avoir une course à la chefferie alors ?

Il suffirait de tirer au sort le nom du prochain chef et de permettre aux contrôleurs du parti de mettre au point un autre programme inoffensif de plus pour l’élection de 2019. Ou bien on met plus de démocratie dans le parti, à savoir, plus de temps pour débattre des questions et voter des politiques lors des congrès, ainsi que l’obligation d’avoir un programme électoral qui soit le reflet de la politique de parti adoptée.

Politique étrangère

Il est grandement temps que le NPD se dote d’une approche empreinte de principes sur la question du Moyen-Orient. Le parti ne peut plus soutenir Israël coûte que coûte et continuer de se taire lorsque des atrocités sont commises au mépris des droits de la personne et lorsque des expropriations à l’encontre des Palestiniens sont mises à exécution par Israël. L’occupation a fait long feu et le mur doit être abattu. Le NPD a le devoir d’articuler sa politique, déjà exprimée, de retrait du Canada de l’OTAN et d’opposition à l’alignement d’Ottawa sur l’agression que soutient Washington en Europe orientale, en Syrie et en Irak.

Inégalité

La multiplication des emplois précaires, les avantages sociaux à géométrie variable, les bas salaires et le manque de logements décents à loyer modique contribuent à la propagation d’un cancer social porteur d’une fracture sociale entre nantis et exclus. Le NPD doit se mettre à l’avant-garde des efforts déployés, à l’intérieur et à l’extérieur du parlement, afin d’inverser cette tendance. Le NPD doit être le fer de lance de campagnes en faveur de l’établissement du salaire minimum à quinze dollars l’heure et cela afin de créer un partage des bienfaits de la robotisation et des gains en productivité en réduisant la semaine de travail sans perte de salaire et avantages sociaux, défendre les soins de santé et l’éducation contre les coupes et les frais imposés à l’usager et abandonner rapidement des taxes régressives en faveur de taxes progressives sur les entreprises et les nantis.

“Le parti est condamné à rester à la traîne pendant des générations si nous élisons un chef centriste avec un autre de ces programmes mollassons qui ne visent que l’extreme centre.”

Au moyen d’une distribution juste de la richesse créée par les gens qui travaillent, un pays aussi riche que le Canada peut abolir les frais de scolarité post-secondaire, annuler la dette des étudiants et créer des garderies de qualité à l’échelle nationale. La création d’un prestateur national pharmaceutique public pourrait engendrer des économies de milliards de dollars. Le NPD doit être le parti des mouvements de justice sociale, des locataires, des agriculteurs, des jeunes demandeurs d’emploi, des travailleurs qui ont subi une blessure, des victimes des géants de l’énergie et des télécoms aux prix excessifs, des environnementalistes, des innovateurs sociaux et des chantres de l’égalité, au lieu de ne les soutenir que du bout des lèvres.

Depuis octobre, une équipe d’activistes du NPD répartie sur le Canada, y compris au Québec, m’enjoint d’entrer dans la course à la chefferie. La prémisse étant que j’ai déjà fait mes preuves dans des secteurs clefs de politiques comme celles qui viennent d’être évoquées. C’est ce que j’ai défendu au cours de ma carrière de 25 ans en tant que leader du mouvement ouvrier dans le Syndicat canadien de la fonction publique et la Fédération ontarienne du travail.

Je puis affirmer sans crainte de me contredire que les chefs nationaux syndicaux, en règle générale, ne parlent pas au nom de leurs membres lorsque vient le moment de soutenir le NPD. Seulement quatre parmi les 54 syndicats nationaux au Canada soutiennent ouvertement le NPD. Les syndicalistes membres du NPD ont plusieurs longueurs d’avance sur leurs chefs pour ce qui est des politiques progressistes, sauf exceptions notables. On ne pourrait désigner un chef dans la course à la chefferie du NPD simplement en alignant des chefs syndicaux. Il faut plutôt s’engager dans le travail long et pénible pour atteindre la base, syndicat local par syndicat local.

Le parti restera confiné à la marge pendant des générations à venir si nous élisons un chef centriste muni d’un nouveau programme mollasson d’extrême centre. Les membres du NPD veulent un chef qui adhère sans équivoque à des principes socialistes. Ma décision n’est pas encore prise quant à la réponse que je ferai à ceux qui m’appellent dans le cadre de la campagne “Enrollez Sid”. Cela, en partie, en raison de ma crainte de diviser la gauche, mais aussi parce que les candidats qui se sont lancés à ce jour n’ont pas encore donné de consistance à leur programme. Si la gauche du NPD peut s’unir derrière un candidat socialiste authentique, nous pourrons être en mesure d’éviter la longue chaîne de politiques et pratiques débilitantes des dernières années et de mettre le cap sans ambages sur la victoire !

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