Édition du 23 avril 2024

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Élections 2018

Québec solidaire et le commerce international

La vidéo présente la déclaration préliminaire de Guillaume Boivin au débat sur les enjeux du commerce international pour le Québec. Il est candidat de Québec solidaire dans Louis-Hébert. Ce débat s’est tenu le 19 septembre dernier à l’Université Laval et a été organisé par l’Institut Québécois des Hautes Études Internationales. Étaient également présent-e-s à ce débat : Dieudonné Ella Oyono, candidat du PQ dans Ste-Marie Saint-Jacques, André Lamontagne, candidat de la CAQ dans Johnson et Christine Saint-Pierre, candidate du PLQ dans l’Acadie.

Bonjour à tous.

Il me fait plaisir d’être devant vous aujourd’hui pour représenter Québec solidaire dans le cadre de cet important débat en matière de commerce international.

 Je crois que vous ne serez pas surpris d’entendre qu’en cette matière, comme en bien d’autre, Québec solidaire se distingue des autres formations majeures que vous aurez l’occasion d’entendre aujourd’hui.

 Qu’il suffise de mentionner d’entrée de jeu que dès les premiers articles de ses statuts de fondation on peut lire que Québec solidaire : « rejette clairement le néolibéralisme et propose une alternative politique fondée sur la démocratie, la souveraineté populaire, l’indépendance du Québec, et les valeurs progressistes, telles que : la justice sociale et un partage équitable de la richesse, l’égalité entre les femmes et les hommes, le développement viable, l’élimination du racisme, le pacifisme et la solidarité entre les peuples. », bref, ce qu’on a pu synthétiser par l’idée d’altermondialisme.

 On comprendra donc que c’est dans cette perspective, à travers ce prisme d’analyse que sont abordés à Québec solidaire les enjeux de commerce international.

 Cependant, avant d’y venir de façon spécifique, j’aimerais souligner le fait qu’il nous apparaît évident que le commerce international ne doit pas être appréhendé comme une sphère cloisonnée, détachée du reste de son environnement socio-politique.

 Pour nous, la question des accords commerciaux ne peut se concevoir qu’en relation avec une « politique commerciale » plus large, qui doit elle-même, être une composant intégrée d’une politique économique, qui elle-même, doit être tributaire d’une vision politique.

 Je tiens à souligner cet aspect important : Pour nous, le politique doit pouvoir prévaloir sur l’économique si la démocratie doit avoir un sens, car si les votes électoraux sont également répartis entre les citoyens, les « votes-dollars » qui prévalent dans la sphère économique le sont infiniment moins : En effet, selon le « Rapport sur les inégalités mondiales 2018 », la part du patrimoine mondiale détenu par le « 1% » était en 2016 de 33% de toute la richesse mondiale et en voie d’atteindre 39% en 2050 si la tendance se poursuit, alors que la part du « 0,1% », atteindrait 26%, bref, le millième des plus riches posséderait le quart de la planète.

 Ainsi, avant d’aborder de façon spécifique les questions soumises par les organisateurs, je vais d’abord tenter de dessiner ce à quoi pourrait ressembler une politique économique et commerciale progressiste, à laquelle pourrait adhérer Québec solidaire.

- Ce n’est pas forcément exhaustif, mais une telle politique aurait notamment comme caractéristiques :

1- De ne pas hésiter à utiliser les leviers macro-économiques tels que les politiques monétaires et fiscales dans l’optique de stimuler la productivité et l’emploi.

2- De réguler la production privée de façon à éviter que la recherche de profits privés et à courte vue ne cause de tort aux communautés, aux travailleurs, et à l’environnement, à travers par exemple des lois du travail, la protection des consommateurs ou environnementale, des plus solides.

3- De conditionner l’accès aux marchés au respect de ces normes.

4- De chercher à mitiger la domination de l’économie privée par la mise en place de secteur public et d’économie sociale forts.

5- De conserver la capacité des États de réguler les interactions économiques lorsque nécessaire au bien-être de leur population, par exemple en contrôlant les changes et les flux de capitaux afin d’éviter la course vers le bas entre les juridiction fiscales, ou en créant des alliances qui permettront l’abolition des paradis fiscaux et la taxation des transactions financières.

6- De conserver la capacité des États de soutenir le développement de secteurs-clés de leur économie, et de les exclure, lorsqu’il le faut, des logiques de marché.

7- De refuser d’accorder des privilèges exorbitants aux multinationales et aux investisseurs, comme on peut le voir notamment à travers les législations abusives sur les brevets ou les différents mécanismes de règlement des différends investisseurs-État.

8- D’instaurer de réels parcours de transition et de requalification pour les travailleurs des « secteurs économiques » qui perdent au change lors de la conclusion d’accords commerciaux.

9 - D’instaurer des politiques d’immigration justes et humaines, comportant les ressources nécessaires à l’intégration des nouveaux arrivants, qui ne doivent pas être seulement vus comme des agents économiques, mais avant tout comme des êtres humains qui cherchent une vie meilleure pour eux et leur famille.

 Ceci étant posé, vous aurez compris qu’à travers ce prisme d’analyse, les accords commerciaux dits de « libre-échange » mis en place au cours des dernières décennies nous semblent hautement problématiques.

 En effet, apparaissant largement comme de véritables chartes des droits et libertés des entreprises multinationales et des investisseurs, elles ont trop souvent eu des effets au détriment des peuples, que ce soit :
• En mettant en compétition les juridictions fiscales pour dérouler toujours plus le tapis rouge envers le capital, ce qui a eu pour effet de tirer vers le bas la capacité fiscale des États.
• En mettant en compétition des économies qui n’étaient pas au même stade de développement, ce qui a eu pour effet de diminuer le rapport de forces des travailleurs dans des économies comme celles de nos voisins du sud, du Canada ou du Québec.
 Je n’ai pas voulu invoquer dans cet exposé une avalanche de chiffres mais mentionnons qu’en 1990, le 50% des plus bas revenus en Amérique du Nord récoltait 17% des revenus totaux. En 2015, c’était 13 %. Par contre, pendant la même période, le 1% le plus riche a vu passer sa part passer de 14% à 20%.
• Et de façon générale, en liant les mains des gouvernements quant à leur capacité d’agir pour le bien commun de diverses façons.

 Si on en vient aux questions spécifiques des organisateurs, je voudrais au moins traiter la première, qui est aujourd’hui dans l’actualité, c’est-à-dire :

1- La question du renouvellement de l’ALENA et sous quelles conditions :

 Il est clair que nous n’aurions pas signé l’ALENA à l’époque et n’y adhérions toujours pas d’une façon inconditionnelle aujourd’hui, notamment en raison du problème des mécanismes de règlement des différends qui y sont incorporés et des autres problèmes mentionnés précédemment.

 Évidemment, nous pourrions être enthousiastes en faveur d’un renouvellement si les paramètres évoqués quant à un modèle de relations commerciales progressistes était rencontrés, mais nous sommes loin du compte.

 Cependant, considérant que L’ALENA, qui date de 1994, a déjà produit des effets intégrateurs, il nous semblerait préférable de procéder à une transition ordonnée vers un autre modèle, plutôt qu’une sortie abrupte dont nous menace Donald Trump.

 L’ALENA pourrait ainsi être prolongé pendant un certain temps afin d’organiser la transition vers un autre modèle et de préserver les emplois qui en dépendent pour l’immédiat dans les différentes région du Québec, à la condition que la gestion de l’offre et l’exception culturelle soient protégés. Un accord ne devrait toutefois pas être recherché à n’importe quel prix, quand on sait que les dispositions de l’OMC, et possiblement de l’ALE, pourraient toujours s’appliquer et que le FMI lui-même estime l’impact d’un non-renouvellement à 0,4% de PIB.
 Ceci dit, quoi qu’il arrive, la position de QS est claire : Nous devrons ultimement sortir de l’ALENA actuel.

 Je regarde le temps qui passe vite et constate que je n’aurai pas le temps d’aborder correctement les autres questions dans ce segment, mais nous aurons possiblement l’occasion d’y revenir dans le cadre des échanges et sinon, comme je sens que j’ai devant moi un auditoire particulièrement perspicace, je crois que vous serez à même de tirer les inférences qui s’imposent en fonction des principes énoncés.

- En conclusion… :

• QS s’inscrit dans le courant de plus en plus vaste qui conteste le dogme de la pensée unique néolibérale qui semblait pouvoir imposer son hégémonie il n’y a pas si longtemps.
• QS ne s’oppose pas par principe aux échanges internationaux, qui peuvent apporter des bienfaits, à la conditions qu’ils soient bien encadrés.
• QS considère que le Québec ne sera jamais aussi bien servi qu’en portant sa propre voix dans les forums internationaux.
• QS est réaliste et conscient que même aux commandes de l’État du Québec indépendant, il y aura des limites à ce qu’il sera possible de réaliser seul face aux pouvoirs qui dominent l’économie mondiale.
• C’est pourquoi nous appelons de nos vœux l’élection, à travers la planète, de gouvernements partageant nos valeurs et orientations pour constituer avec nous un front commun des peuples libres, afin de réaliser cet autre monde possible, qui respecte les droits des nations, les droits individuels et collectifs, un monde qui se donne les moyens de combattre la pauvreté, les inégalités et la destruction de l’environnement, un monde solidaire.

 Je vous remercie de votre attention.

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