Édition du 16 avril 2024

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Féminisme

Pour les droits des femmes du Québec (PDF-Q)

Le PDF mise sur la division du mouvement des femmes

Un nouveau groupe a été fondé jeudi le 14 novembre pour la défense des droits des femmes Il se définit comme un mouvement féministe, citoyen, mixte et non partisan. Il reprend les revendications sur l’égalité des femmes, sur la solidarité des femmes d’ici et d’ailleurs, sur la dignité des femmes, sur la justice sociale, sur la laïcité, pour l’abolition de la prostitution et pour le droit à l’avortement.

Encore la charte !

Pourtant la même journée s’ouvrait, à Montréal, les États généraux du mouvement des femmes rassemblant les plus grandes coalitions du mouvement des femmes.

Pourquoi cette division ?

La vraie raison de la fondation du PDF-Q tourne autour de la question de la laïcité, et les critiques les plus virulentes se sont faites à l’endroit de la FFQ et de sa politique de l’ouverture à la diversité des femmes.

La charte des valeurs a tracé une raie profonde entre l’ouverture et la tolérance à la liberté de religion d’un côté et de l’autre, une conception de l’égalité des femmes qui passe par une identité québécoise.

Les libertés démocratiques se retrouvent au confluent entre les libertés religieuses, l’égalité des droits, la non discrimination de races et de religions etc…

Pourtant la charte ne pourra imposer sa valeur d’égalité des femmes au catholicisme car la loi du droit canon a préséance sur toutes les autres lois. Les femmes catholiques ne peuvent devenir prêtre et lutter contre cette discrimination qu’en sortant de l’Église catholique. Elles n’ont aucun recours et la charte ne leur en donnera pas davantage. La charte se tait sur le crucifix à l’Assemblée nationale, sur les congés fériés religieux du temps des fêtes. La charte n’établit la laïcité que pour les religions avec des signes visibles, que pour les femmes musulmanes voilées en fait. Les luttes des femmes catholiques sont passées sous silence.

En fait le PDF-Q vient renforcer non pas le mouvement des femmes mais le mouvement identitaire lancé par le PQ avec la charte. Seul le PQ profite de la création de ce regroupement.

Une autre question importante

Mais le PDF-Q, par sa nature même, vient d’interroger le mouvement des femmes sur la lutte contre le patriarcat. Le PDF-Q veut lutter contre le patriarcat… en acceptant les hommes en son sein.

La non mixité du mouvement des femmes n’est pas un simple caprice des femmes. C’est d’abord une stratégie de lutte contre le patriarcat. Les femmes ont besoin d’être entre elles pour se solidariser, se renforcer, réfléchir, agir et prendre leur place. Et si les femmes ont besoin de cela c’est parce que la société actuelle établit un rapport de domination des hommes sur les femmes. Ce rapport est systémique donc pas lié à un individu unique assoiffé de pouvoir. C’est au-delà des individus mais avec des incidences majeures sur les femmes. Et même si les femmes ont la direction du PDF-Q, rien ne garantit que les autres femmes prendront et la parole et leur place et leur pouvoir en présence des hommes.

Ce recul de la non mixité pour un mouvement qui reprend les revendications des femmes va encore plus diviser le mouvement féministe. Ce sont les organisations mixtes comme le mouvement syndical qui vont se faire interpeller. Il y a maintenant une structure féministe où nous pouvons accéder… pourquoi pas nos comités syndicaux de condition féminine ne s’organiseraient pas ainsi ? Et la lutte contre le patriarcat et le droit des femmes de s’organiser entre elles perd de sa crédibilité. Pourtant c’est la seule stratégie réelle pour lutter contre le patriarcat.

LE PQ contre les revendications des femmes

Les revendications des femmes pour l’égalité sont essentielles mais ne réaliseront l’égalité des femmes que si la lutte contre le capitalisme y est combinée. Le PDF-Q demeure silencieux sur cette dimension de la stratégie. Le PDF-Q ne dit pas comment lutter contre le patriarcat, encore moins le capitalisme. Pourtant l’égalité des femmes ne s’obtiendra pas seulement juridiquement et légalement. Les racines économiques de la pauvreté et de la violence faite aux femmes devront être déracinées et brûlées.

Et pourquoi ce silence ? Le PQ , depuis sa fondation, mais très clairement depuis son arrivée au pouvoir tient à faire bon copinage avec l’entrepreneurship québécois. PKP a Hydro Québec en est la démonstration évidente. Et Julie Snider, sa femme, comme organisatrice de la manifestation sur la laïcité des Jeannettes en est une autre. Les redevances sur les mines mises en sourdine, les préjugés favorables au transport par pipeline du pétrole albertain, l’extraction du pétrole de schiste à Anticosti, en voici en voilà d’autres. Mais, là où les femmes ont été le plus attaquées, ça été le refus du PQ d’abolir la taxe santé comme promis durant les élections et les coupures à l’aide sociale. Ce sont les femmes les plus démunies et les plus pauvres qui ont subi ces mesures néolibérales du gouvernement péquiste. Le PQ est loin de défendre les revendications des femmes mais prêt à tout pour sa charte, y compris voir le mouvement des femmes se diviser.

Chloé Matte Gagné

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