Édition du 26 mars 2024

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Politique québécoise

Le PQ et les énergies fossiles – Les écologistes ne doivent pas s’accrocher à ce bateau à la dérive

La récente élection du PQ même minoritaire et la nomination de personnalités enracinées dans le mouvement écologiste (Daniel Breton, Scott McKay et Martine Ouellet) ont donné un élan d’espoir au mouvement contre les gaz de schiste et contre l’exploitation du pétrole. Enfin un parti qui sera à l’écoute des personnes qui se sont mobilisées de façon exemplaire au cours des derniers mois pour arrêter le bulldozer des compagnies désirant exploiter le sous-sol québécois, croyaient-ils. Les récents discours du PQ ont fait déchanter quelques-unEs. D’autres semblent s’éveiller d’un mauvais rêve. Certains adoptent une attitude attentiste alors que d’autres s’adaptent au virage annoncé par le PQ en faveur d’une exploitation des énergies fossiles.

Lucien Bouchard revient à la charge après une éclipse de quelques mois. À la conférence de l’Association pétrolière et gazière du Québec, il a qualifié les militantEs écologistes de “bloqueux”, reprenant la même stratégie d’identifier l’opposition à l’exploitation des énergies fossiles à du conservatisme d’arrière garde et suggérant que le gaz est une source moins polluante et moins couteuse pour l’environnement et pour la société. Selon le porte—parole de l’industrie, les Québécois auraient intérêt à exploiter cette ressource dans l’attente de la découverte d’énergies plus vertes, à un prix raisonnable. Voilà, la note est donnée : Il faut que le critère de rentabilité fasse partie de l’argumentaire des choix écologiste en matière d’énergie.

Jusqu’à tout récemment, le mouvement opposé aux gaz de schiste et au pétrole avait fait son lit : pas d’énergies fossiles, on passe aux énergies renouvelables et vertes. La démonstration que tout investissement dans des filières énergétiques comme le gaz de schiste ralentit pour ne pas dire bloque les investissements nécessaires au virage vert n’était plus à faire.

Or que nous propose le nouveau gouvernement péquiste : il promet d’exploiter le pétrole dans le St-Laurent (http://argent.canoe.ca/lca/affaires/quebec/archives/2012/10/pauline-marois-envisage-budget-des-cet-automne.html et http://argent.canoe.ca/lca/affaires/quebec/archives/2012/10/Quebec-ouvert-petrole-schiste.html) ; il a également voulu rassurer les milieux d’affaires, dans son discours inaugural, en annonçant la création d’un « secrétariat au développement nordique » qui remplacera le projet libéral de la Société du Plan Nord ; il a même embauché Marc-André Gosselin qui était consultant spécialiste des « dossiers énergétiques » chez Hatley Stratégies jusqu’à son embauche, comme attaché politique en relations internationales au cabinet de la première ministre. M. Gosselin était jusqu’à tout récemment spécialiste des relations publiques issu d’une petite firme de lobbyisme et de communication qui accumulait les contrats avec les acteurs du Plan Nord. Il a aussi obtenu des missions de relations publiques pour l’Association pétrolière et gazière du Québec (http://www.lapresse.ca/actualites/quebec-canada/politique-quebecoise/201210/22/01-4585589-pauline-marois-embauche-un-communicateur-rattache-au-plan-nord.php).

Le PQ a pris au vol le Plan nord du PLQ, change le nom du projet mais demeure dans les mêmes eaux, reprenant le bâton du pèlerin pour convaincre les multinationales d’exploiter nos ressources naturelles (http://www.lapresse.ca/le-soleil/affaires/actualite-economique/201210/17/01-4584184-projets-miniers-marois-courtise-les-entreprises-francaises.php). Enfin, la ministre Martine Ouellet s’est fait retirer le dossier des gaz de schiste au profit du ministre du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs, Daniel Breton qui semble moins catégorique dans l’exploitation de la ressources.

Tout ça en moins de quelques semaines. Dans ce contexte, certaines personnalités et groupes du mouvement écologiste semblent avoir perdu leurs repères. L’AQLPA suite à la décision de Talisman de mettre ses activités sur la glace fait l’analyse que “L’AQLPA comprend que le marché du gaz de schiste étant saturé, l’effondrement des prix se traduit en pertes financières pour la société Talisman et que cette dernière procède à une écriture comptable signalant qu’elle ne pourra récupérer les pertes à court terme.” (http://www.aqlpa.com/actualites/communiques/503-gaz-de-schiste-un-marche-sature-et-non-rentable.html). Rappelant à juste titre que l’industrie ne peut stopper ses activités sans remettre en état les sites de forage, l’AQLPA prend simplement acte de la décision économique de Talisman sans souligner que le critère de rentabilité ne devrait pas intervenir dans la décision d’exploiter ou non les énergies fossiles. Que le virage vert tant souhaité vers les énergies renouvelables implique des décisions qui iront à l’encontre des critères de rentabilité pour quelques-uns. Si le critère de rentabilité intervient dans le débat, le virage vers les énergies renouvelables, qui requiert des investissements importants sans garanties de rentabilité à court terme prendra l’eau rapidement. Dans la même foulée, un collectif d’auteurEs écrivait une lettre ouverte sur la question de la fermeture de Gentilly 2 (http://www.lapresse.ca/le-nouvelliste/opinions/201210/17/01-4584160-gentilly-2-le-delire-economique-doit-cesser.php). Bien qu’en faveur du démantèlement de la centrale nucléaire, les auteurEs limitent leur argumentaire à des questions économiques : “Selon Hydro-Québec, la centrale ferait perdre 215 millions $ par année à la société d’État sur toute sa durée de vie. Compte tenu des surplus d’électricité du Québec, cette énergie serait exportée à perte aux États-Unis. Les contribuables québécois devraient-ils financer les consommateurs d’électricité américains ?” Or, il nous semble que le fond de la question demeure la dangerosité du nucléaire et non la question de la profitabilité de cette filière. Sans négliger l’importance des coûts immédiats dans cette décision, il demeure fondamental d’inscrire dans le débat public que le critère central demeure les impacts écologiques de cette filière.

Lors de son passage au Salon du livre de Rimouski, Gabriel Nadeau-Dubois s’est dit particulièrement déçu de l’enthousiasme démontré par la Première Ministre à l’égard de l’exploitation pétrolière lors de son discours d’ouverture à l’Assemblée nationale. Selon lui, cette profession de foi à l’endroit des carburants fossiles n’est pas digne d’un gouvernement du 21e siècle. Pour M. Nadeau-Dubois, il n’est plus temps de poser des petits gestes, l’heure est à l’engagement total tellement les périls sont grands pour la planète (http://quebec.huffingtonpost.ca/2012/11/04/nadeau-dubois-gouvernement-marois_n_2073416.html?utm_hp_ref=politique). Nous n’en attendons pas moins de la part du mouvement écologiste. Cessons l’attentisme et mettons ce gouvernement des reculs à répétition au pied du mur pour remettre sur les rails le projet d’un Québec sans énergies fossiles.

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