Édition du 23 avril 2024

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Féminisme

Le plan RADAR porte atteinte dangereusement à la sécurité des femmes dans l’industrie du sexe

Le mardi 28 mai, à quelques jours du Grand Prix de Montréal, le SPVM a lancé l’opération « RADAR ». Cette initiative appelée officiellement à lutter contre “l’exploitation sexuelle” rate sa cible. Elle promet seulement de créer des conditions de vie et de travail plus dangereuses pour les femmes dans l’industrie du sexe.

L’opération RADAR a pour objectif de former des agents du secteur du tourisme et des transports en des agents de surveillance de l’État chargés de dénoncer les femmes dans l’industrie du sexe à la police. L’initiative forme le personnel des secteurs de l’hôtellerie et du tourisme à la détection de plusieurs « indicateurs » des personnes supposées être exploitées.

Si les différences fondamentales entre “traite humaine”, “exploitation sexuelle” et “consentement” ne sont même pas pris en considération par les agents de police, nous doutons que les agents du secteur du tourisme et des transports aient une quelconque compétence pour reporter ce qui relèverait effectivement de l’exploitation sexuelle ou de la traite humaine.

Au lieu de cela, le plan RADAR institue une forme de profilage sur la base de “tenues vestimentaires” jugées convenables ou non par des employés du secteur du tourisme et des transports. Ce sont aussi les femmes les plus marginalisées, appartenant aux communautés migrantes, racisées et qui vivent la pauvreté qui seront visées. Inutile de relever ici l’aspect sexiste et raciste de cette mesure visant à déterminer selon “l’apparence” des personnes supposées être exploitées.

Cette opération, mise en place à quelques jours du lancement du Grand Prix de Montréal, promet juste de créer un climat de délation et de précariser dangereusement les conditions de travail des femmes dans l’industrie du sexe tout en restant parfaitement inefficace contre la traite humaine et l’exploitation sexuelle.

En reconnaissant l’agentivité des femmes dans l’industrie du sexe en octobre 2018 lors de notre assemblée générale extraordinaire, c’est exactement ce que nous souhaitions éviter. Nous devons sortir du schème de pensée renvoyant ces femmes à des personnes dont les droits peuvent-être sacrifiées.

Comprendre la notion de consentement

Nous devons nous engager dans la nuance pour comprendre la différence conceptuelle entre “consentement” et “non consentement”. Cela est essentiel pour trouver les bons outils pour une véritable lutte contre l’exploitation sexuelle et la traite humaine.

Aucune femme ne jouit d’une palette de choix illimitée. Chacune d’entre nous est amenée à faire des choix en fonction des barrières économiques, sexistes, racistes, capacitistes, homophobes, colonialistes – bref toutes barrières structurelles – que nous rencontrons. Par exemple, une femme noire peut faire le choix de garder un travail en deçà de ses qualifications et compétences pour éviter de retourner dans la case “chômage” en raison des discriminations racistes dont elle est la cible. Est-ce que cela ferait un quelconque sens de cibler ses droits sous prétexte que son choix n’est pas considéré comme étant “consentie”, libre de toutes contraintes ? Bien sûr que non. La solution serait de travailler à mettre en place des politiques publiques contre les discriminations racistes à l’embauche. La solution serait d’élargir la palette de ses choix.

Ainsi, en quoi cela fait du sens de mettre des barrières aux femmes dans l’industrie du sexe parce que le choix qu’elles prennent n’est pas en accord avec ce que nous avons défini comme “convenable” ? En quoi cela fait du sens de les désigner comme cibles en mettant en danger leurs santé, leurs droits et leurs sécurité ?

Des impacts concrets sur les droits des femmes dans l’industrie du sexe

L’incapacité à considérer la vente de services sexuels comme étant une activité consentie nous rend inefficace pour lutter réellement contre l’exploitation sexuelle et la traite humaine. Il nous rend aussi complices des violences que subissent les femmes dans l’industrie du sexe.

À les juger sur leur activité, elles sont perçues comme des personnes binaires qui consentent à tout (“consentement présumé”) ou qui ne peuvent pas consentir (“consentement invalidé”).

Cela à des impacts concrets dans la vie de ces femmes : par exemple, comment porter plainte à la police si celle-ci considère que votre consentement à vendre des services sexuels équivaut aussi à consentir à toutes violences dont vous seriez victimes ?

Nous avons une obligation collective d’avoir une meilleure compréhension de ces enjeux.

Au moment de cette période calendaire où les droits des femmes dans l’industrie du sexe sont particulièrement mis en cause, nous restons solidaires de ces femmes. Leurs droits, leurs sécurité, leurs santé sont gravement mis en danger par notre incapacité à reconnaître leur capacité d’agir et de fait leur pleine humanité.

La volonté de prévenir et de détecter l’exploitation sexuelle est une bonne chose. La FFQ n’a jamais insinué le contraire mais encore faut-il le faire de la bonne manière.

Pour cela, dans un document d’une dizaine de pages, la Fédération des femmes du Québec vous donne les outils pour alimenter votre réflexion sur les différences entre consentement, exploitation sexuelle et traite humaine. Nous expliquons aussi en quoi notre incapacité à bien discerner chacune de ces situations a des impacts concrets sur les femmes dans l’industrie du sexe tout en étant inactifs dans une lutte effective contre la traite humaine et l’exploitation sexuelle :

http://bit.ly/2EUJuwI

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