Ai-je tort d’associer le projet de loi C-12 du gouvernement Trudeau au « chant des sirènes », cette expression qui vise à mettre en garde contre le fait de se laisser tenter par un discours attirant mais trompeur ou dangereux ?
Par ce projet de loi, le gouvernement s’engage à établir un « plan » qui permettra d’atteindre une cible de « zéro émission nette » d’ici 2050, soit sur un horizon de 30 ans. Quelle crédibilité peut-on accorder à la détermination de ce gouvernement quand on sait qu’il n’a jamais atteint les cibles qu’il s’était déjà données ?
Comment croire à la volonté réelle de ce gouvernement quand le premier moyen pour tendre vers cette cible, soit de réduire considérablement ses émissions de gaz à effet de serre, est contredit par l’achat et l’expansion, au coût de 12,6 milliards de dollars, du pipeline Trans Mountain ? Et cela, alors que le 16 septembre dernier, des économistes et experts appelaient le gouvernement à faire une pause sur le projet, le temps d’en réévaluer la rentabilité et la pertinence en fonction de la baisse de la demande.
Le 28 octobre dernier, rappelant que l’idée de financer une transition écologique avec les retombées du pipeline est un leurre, M. Éric Pineault, économiste et professeur en sciences de l’environnement, faisait écho à ses collègues en soulignant qu’une telle infrastructure ne sera pas rentable et que nous devrons en subventionner l’existence. Dans le contexte actuel d’endettement du gouvernement, est-il sensé de procéder à un tel gaspillage de fonds publics ?
Comment accorder du crédit au plan de ce gouvernement quand le deuxième moyen annoncé pour atteindre cette cible, soit la plantation d’arbres, est démenti par le fait qu’aucun arbre n’a été planté malgré la promesse, faite pendant la dernière campagne électorale, de procéder à la plantation de deux milliards d’arbres d’ici 2030 ?
Alors que nous devrions déjà être sur une voie de décroissance des émissions de gaz à effet de serre, comme la science l’exige, pourquoi le projet de loi propose-t-il de réviser les cibles tous les cinq ans, mais seulement à partir de 2030, comme si, étant donné notre retard scandaleux à reconnaître l’urgence climatique et à y faire face, les dix prochaines années n’étaient pas cruciales pour adopter des moyens efficaces et audacieux afin de la contrer ?
Enfin, quelle portée aura ce projet de loi si les prochains gouvernements vont avoir le loisir de l’abroger, comme l’a laissé entendre le Parti conservateur en refusant de dire s’il respecterait une telle loi ?
À l’évidence, la réponse pertinente à l’urgence climatique passera par la vigilance citoyenne qui devra s’incarner par des choix de consommation conséquents et par une implication collective qui exige des gouvernements des politiques à la mesure de l’urgence actuelle. C’est la seule façon de ne pas succomber au chant des sirènes.
Pierre Prud’homme, 28 novembre 2020
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