Édition du 16 avril 2024

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Environnement

Entrevue avec Marc Brullemans, coordonnateur de Vigilance hydrocarbure Québec pour le secteur de la rive-nord du St-Laurent

« Le règlement de protection de l'eau potable est fait sur mesure pour des compagnies comme Pétrolia »

Le coordonnateur de Vigilance hydrocarbure Québec pour la rive-nord Marc Brullemans explique les raisons de la tenue d’une vigile devant les bureaux de Pétrolia à Québec vendredi le 14 août dernier. Cette initiative fut organisée conjointement avec l’organisme Ensemble pour l’avenir durable du Grand Gaspé. La population était convié « à marquer l’anniversaire de l’adoption du RPEP ( Règlement pour le prélèvement des eaux et leur protection ) devant une tour de forage symbolique. »

Entrevue réalisée par Yves Bergeron.

Presse-toi à gauche : Nous sommes présentement devant les bureaux de Pétrolia à Québec. Pour quelles raisons Vigilance hydrocarbure Québec a mobilisé la population ?

Marc Brullemans : Pour soutenir dans un premier temps les citoyenNEs de Gaspé qui se sont opposés aux forages de Pétrolia dans cette région ainsi que contre les procédés employés par la compagnie dans ces opérations. Les forages ne sont pas des opérations anodines. Il y a des produits qui sont utilisés pour les forages, qui sont ajoutés à l’eau injectée sous terre. Ces produits peuvent se retrouver dans les formations rocheuses souterraines puis être relarguée dans des nappes aquifères. Et étant donné que le quartier où se déroulent les forages, Sandy Beach comporte de nombreux puits domestiques, les risques de contamination sont importants. Alors dans un premier temps, nous appuyons donc l’équipe de Madame Chartrand (l’organisme Ensemble pour l’avenir durable du Grand Gaspé NDLR). Puis il y a le règlement sur l’eau qui fut promulgué par le ministre Heurtel il y a 1 an aujourd’hui et il y quelques experts qui ont critiqué ce règlement sur l’eau qui permet la fracturation à courte distance à 600 mètres et 400 mètres sous la nappe aquifère et à 500 mètres de distance sur les côtés en surface. Ce sont des distances qui sont insuffisantes.

PTAG : Aux Etats-Unis, le récent règlement va au-delà de ces critères.

Marc Brullemans : C’est un peu compliqué car ça diffère d’un Etat à l’autre. L’industrie, dans ses propres règles, ne forait pas à moins d’un kilomètre de la surface. D’autres législations comme les Etats de New York et du Vermont qui ont simplement interdit la fracturation hydraulique considérant que c’était trop dangereux. L’Allemagne permet la fracturation mais à titre expérimentale seulement et à des distances minimales de 3 kilomètres. Donc, ces législations sont fort éloignées de ce que nous avons ici au Québec. Au Québec, les roches sédimentaires qui contiennent du pétrole et du gaz se situent autour d’un kilomètre de profondeur. Ici à Québec, c’est à moins d’un kilomètre, probablement à 500 mètres. On dirait que le règlement de protection de l’eau potable est fait sur mesure pour permettre aux compagnies comme Pétrolia de forer sans dire impunément, à tout le moins de forer pour espérer trouver des hydrocarbures.

PTAG : Parmi la brochettes de compagnies qui reluque les hydrocarbures du sous-sol québécois, est-ce que Pétrolia possède un profil particulier ? Comment cette entreprise s’inscrit dans l,ensemble de l’industrie ?

Marc Brullemans : Pétrolia avec Junex ont été parmi les premières entreprises « junior » car il ne faut pas les confondre avec les multinationales comme Exxon se sont installé au Québec en flairant la bonne affaire. Elles ont constaté la facilité à acquérir des permis de forer. Depuis 1998, elles ont acquis de vastes proportions de territoires de dizaines de kilomètres carrés. Ce qui fait que Junex est impliquée dans la vallée du St-Laurent, surtout sur la rive-nord mais aussi en Estrie. En Gaspésie, elle a une couverture assez diversifiée. Pétrolia quant à elle, comme son nom l’indique, s’est tournée vers des régions plus susceptibles de contenir du pétrole et peu de gaz.Elle est bien positionné en Gaspésie et sur l’Île d’Anticosti. Sur cette dernière, apparemment, Petrolia est mieux positionné que Junex parce que leurs permis concernent la partie nord de l’Île où les forages sont moins profonds. Une règlementation plus sévère sur les profondeurs permises lors de forages favoriserait Junex car les permis de Junex sont situés au sud de l’Île, là où le schiste se trouve à plus d’un kilomètre de profondeur. Donc selon la réglementation, une des entreprises est favorisée au détriment de l’autre.

PTAG : Pour la suite des choses, qu’est-ce que Vigilance hydrocarbure Québec compte faire pour poursuivre la bataille, notamment dans le contexte où plus de 250 municipalités dénoncent le laxisme de la nouvelle réglementation sur l’eau potable.

Marc Brullemans : Nous sommes à bâtir un rapport de force avec le gouvernement pour être écoutés. Le gouvernement Couillard désire rencontrer les maires de ces municipalités et des experts pour pouvoir discuter de manière franche et honnête, je l’espère. La prochaine étape, ce sont ces rencontres prévues en septembre.

PTAG : Dans le cadre de la campagne électorale fédérale en cours actuellement, il y a des enjeux à ce niveaux. Je pense aux projets de pipeline et oléoducs. Est-ce que Vigilance hydrocarbure Québec compte intervenir dans cette élections ?

Marc Brullemans : Nous n’interviendrons pas directement mais nous allons interpeller les candidatEs sur la question des oléoducs ainsi que sur la question d’extraction d’hydrocarbures comme le dossier Old Harry. Et le dossier à Gaspé, le puit Haldimand car ça va avoir des impacts sur l’inventaire des émissions de gaz à effet de serre et ce même si on pourrait penser que c’est un dossier régional ou provincial. Il y a des impacts de société dans ces projets et nous devons en profiter pour débattre de notre vision du Canada et du Québec:voulons-nous d’un monde qui utilise de plus en plus d’hydrocarbure ou bien on veut se départir de la dépendance à cette ressource le plus vite possible. Alors, il est certain que Vigilance hydrocarbure Québec sera présent dans la campagne et nous comptons utiliser le maximum de tribunes pour questionner les candidatEs.

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