Édition du 11 novembre 2025

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Les attaques de Carney vont déclencher des luttes majeures

L’austérité, le militarisme et l’expansion des énergies fossiles préparent le terrain pour une vague de résistance

Dans ma chronique CD de juin sur la guerre des classes menée par Mark Carney, j’ai suggéré : « Nous pouvons voir émerger un consensus efficace au sein de la classe politique canadienne sur la nécessité de répondre à la menace de la guerre commerciale de Trump par une action concertée visant à supprimer les obstacles à la rentabilité et à stimuler la « compétitivité ». Cela prend déjà les dimensions d’une attaque majeure contre les travailleurs et les travailleuses, les communautés et l’environnement. »

Tiré de Canadian dimension.

27 octobre 2025

À l’approche du budget fédéral, il ne fait aucun doute que le gouvernement Carney à Ottawa jouera un rôle de premier plan dans la mise en œuvre d’un programme d’austérité sans précédent, accompagné d’un transfert de ressources pour alimenter des dépenses militaires effrénées et un régime étatique hautement interventionniste qui facilitera l’exploitation et la recherche du profit. À cet égard, l’accent sera particulièrement mis sur la facilitation des projets les plus destructeurs liés aux combustibles fossiles.

Dans ce même article, j’ai également plaidé en faveur de la nécessité d’un front commun de résistance sociale à l’échelle du Canada contre l’attaque menée par Carney, et j’ai conclu que « la tentative de faire porter le poids de la crise commerciale sur les travailleurs, les travailleuses et les communautés engendre de profondes injustices et une colère latente qui peuvent déclencher un tel mouvement. »

Une résistance émergente

Je suis loin de vouloir encourager un excès de confiance, surtout compte tenu de l’ampleur de l’attaque à laquelle nous sommes confronté·s et du manque général de préparation à riposter de manière unie et puissante. Cela dit, il est également clair que Carney et ses acolytes ne pourront pas imposer leur programme régressif aux travailleurs, aux travailleuses et aux communautés sans rencontrer une résistance farouche. Les preuves en sont partout autour de nous.

Tout d’abord, nous ne devons jamais sous-estimer le potentiel explosif de la résistance autochtone au Canada. Le gouvernement Carney et ses homologues provinciaux et territoriaux se rendront compte que leur volonté de lancer des projets pétroliers et gaziers nuisibles et dangereux, au mépris des droits des Autochtones, est une entreprise risquée.

Lorsqu’on évalue les perspectives de résistance autochtone dans une situation particulière, il est toujours important de prendre en compte non seulement les réactions des instances dirigeantes reconnues par la Loi sur les Indiens, mais aussi celles qui émergent au sein des communautés autochtones. Ces dernières sont susceptibles d’être moins patientes, moins modérées et moins respectueuses ; elles revêtent donc une importance capitale.

Les dirigeant·es autochtones officiellement reconnu·es ont elleux-mêmes exprimé une indignation bouillonnante, frôlant la défiance ouverte, en réponse à la ligne de conduite envisagée par Carney. Il est très clair que la conformité autochtone qu’il espère obtenir risque de s’avérer très difficile à obtenir.

Selon The Walrus, le sommet sur les grands projets des Premières Nations organisé par les libéraux en juillet dernier est loin d’avoir été un succès retentissant. Le projet de loi C-5, qui ouvre la voie à ces projets, a suscité un profond ressentiment. Le grand chef Stewart Phillip, de l’Union des chefs indiens de la Colombie-Britannique, s’est plaint que « le seul objectif » du sommet était d’annoncer que le projet de loi « est désormais la loi du pays » et que les Premières Nations doivent « accepter pleinement cette réalité et s’y adapter ». Le chef des Atikameksheng Anishnawbek, Craig Nootchtai, est allé plus loin, qualifiant l’événement d’« asservissement ».

Au-delà de ces réactions officielles, nous avons déjà constaté les premiers efforts des communautés autochtones pour mobiliser une opposition active au colonialisme intensifié des ressources mené par Carney et ses allié·es provinciaux.

En juin, Toronto Today a pris note d’un campement de protestation autochtone érigé sur le terrain de l’Assemblée législative de l’Ontario en réponse à l’adoption du projet de loi 5, qui donne au gouvernement de l’Ontario « le pouvoir de désigner des « zones économiques spéciales » et d’accorder certaines exemptions aux lois et règlements provinciaux, tels que les évaluations environnementales ou la consultation des communautés autochtones, dans le but d’accélérer le développement économique ».

L’un des participants à l’action a fait valoir que cette législation constituait « un nouvel exemple de « génocide économique » des Premières Nations ». Il a prédit de manière très plausible que « cette manifestation n’était que le début de l’opposition autochtone à la nouvelle législation ».

Au cours du même mois, comme l’a rapporté l’APTN, des membres des communautés d’Attawapiskat et de Neskantaga, dans le nord de l’Ontario, ont établi un « campement quasi permanent » près d’un projet de pont destiné à faciliter les opérations d’extraction dans la région du Cercle de feu. L’un des participants a déclaré : « Notre message est simple : personne ne traversera la rivière Attawapiskat sans notre consentement libre, préalable et éclairé. »

La poursuite d’une stratégie de « construction nationale » axée en grande partie sur la dégradation de l’environnement et le déni des droits des autochtones risque de se heurter à une résistance beaucoup plus forte à mesure qu’elle prendra de l’ampleur et que ses effets s’intensifieront. Il suffit de se rappeler la résistance massive menée par les autochtones en 2020 en réponse aux attaques de la GRC contre les camps de défenseurs des terres Wet’suwet’en. Les perturbations économiques résultant de cette lutte ont provoqué une crise politique pour le gouvernement fédéral de l’époque.

Les travailleurs et travailleuses du secteur public

Il est évident que les mesures d’austérité sévères de Carney et l’érosion supplémentaire des services publics qu’elles entraînent s’accompagneront inévitablement d’une attaque massive contre les travailleurs et travailleuses du secteur public. Cette attaque s’étendra certainement au-delà de la juridiction fédérale et intensifiera la pression sur les travailleuses et travailleurs provinciaux et municipaux à travers le pays. Tout porte à croire que la guerre lancée par Carney contre les travailleurs et les travailleuses du secteur public et leurs syndicats conduira à des luttes de classe très importantes sur ce front. En effet, des conflits de ce type éclatent déjà.

Comme je l’ai déjà suggéré, le budget fédéral imminent sera probablement un moment décisif dans la mise en œuvre d’une austérité extrême et de coupes sombres dans le secteur public. Carney lui-même n’a fait aucun effort pour dissimuler ses intentions à cet égard et s’en est même vanté.

Dans un article publié le mois dernier dans The Guardian, Leyland Cecco rapporte que Carney a déclaré : « C’est à la fois un budget d’austérité et d’investissement. Et cela est possible si nous faisons preuve de discipline. » Bien sûr, le type d’investissement qu’il a en tête n’a rien à voir avec la satisfaction des besoins des communautés.

En août, Adam D.K. King, du Maple, a mis en garde contre des coupes budgétaires fédérales imminentes d’une ampleur historique, soulignant que « l’AFPC et d’autres syndicats du secteur public fédéral avertissent depuis des mois des conséquences potentiellement catastrophiques du plan proposé par le gouvernement libéral visant à réduire les dépenses de 15 % ».

Des coupes aussi massives entraîneraient d’énormes pertes d’emplois parmi les travailleuses et travailleurs du secteur public fédéral, avec des répercussions sur les travailleuses et travailleurs provinciaux et municipaux, car les autres niveaux de gouvernement réagiraient par des coupes budgétaires. Partout au pays, nous voyons déjà les personnes travaillant dans le secteur public se mobiliser en réponse au programme d’austérité qui leur est imposé.

Malgré les assurances de Carney selon lesquelles il représentera « l’intérêt national », son gouvernement mène actuellement une attaque tous azimuts contre les services postaux et les travailleurs et travailleuses qui les assurent. Comme l’a souligné Dru Oja Jay dans The Breach, « les milliardaires ont tout à gagner à démanteler Postes Canada, et leur rôle caché façonne l’ensemble du combat ». En conséquence, les libéraux ont « annoncé leur intention de supprimer la distribution à domicile... de remplacer les postier·es par des boîtes aux lettres communautaires, d’accélérer les livraisons en recourant à des travailleuses et travailleurs précaires sous-traitants et de céder discrètement les itinéraires rentables à des transporteurs privés ».

Alors que les postier·es poursuivent leur lutte, désormais sous la forme de grèves tournantes, et que d’autres travailleurs et travailleuses du secteur public fédéral se préparent à contester les mesures d’austérité qui se profilent, les travailleuses et travailleurs provinciaux de diverses régions du pays ripostent. C’est le prélude à des batailles plus importantes et plus décisives qui s’annoncent.

Une déclaration publiée le 9 octobre par le Syndicat des employé·es de la fonction publique de l’Ontario (OPSEU) nous informe que « le personnel de soutien à temps plein des 24 collèges de l’Ontario est en grève depuis le 11 septembre 2025, avec la sécurité de l’emploi comme principale revendication ». Les 10 000 travailleuses et travailleurs en grève s’opposent aux « réductions proposées, notamment l’automatisation, l’externalisation et les fusions [afin que] les protections obtenues lors de cette ronde soient déterminantes dans la lutte contre les licenciements futurs ».

Quelque 51 000 enseignant·es sont actuellement en grève en Alberta dans ce que la CBC qualifie de « plus grande grève de l’histoire de la province ». Il est tout à fait clair que cette lutte découle également de l’attaque générale contre les services publics et les travailleuses et travailleurs qui les fournissent. Elle reflète « des préoccupations de longue date, notamment en matière de salaires, de classes surchargées et de manque de soutien aux élèves ayant des besoins complexes ».

Pendant ce temps, en Colombie-Britannique, le Times Colonist a rapporté le 9 octobre que « deux syndicats représentant les professionnel·les et les fonctionnaires de la Colombie-Britannique ont intensifié jeudi leur mouvement de grève qui dure depuis plusieurs semaines, afin d’inclure environ 26 000 employé·es de plus de 20 ministères et sociétés et agences provinciales ». Le BC General Employees’ Union (BCGEU) souligne que « les fonctionnaires sont confronté·es à une crise du pouvoir d’achat » et contestent les effets cumulatifs de l’austérité.

Alors que Carney se prépare à intensifier l’attaque d’austérité et les autres éléments de son programme régressif, nous pouvons constater que la résistance est déjà en marche. Les mesures que les libéraux et les autres niveaux de gouvernement chercheront à imposer dans les mois à venir renforceront considérablement la nécessité de riposter.

Les communautés autochtones et les travailleuse et travailleurs du secteur public démontrent déjà les perspectives d’une résistance majeure. Ce qu’il faut toutefois de toute urgence, c’est un effort déterminé pour créer le type de front commun puissant qui puisse aller au-delà des luttes individuelles et construire une résistance unie et coordonnée. Carney et ses acolytes ont élaboré leur plan d’attaque et le moment est venu de préparer une riposte décisive.

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