Édition du 26 mars 2024

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Économie

Les travailleurs et travailleuses de l’automobile face à la crise

Après des années d’opposition au transport public et à la construction de voitures économes en essence, les Trois Grands de l’automobile se font encore concurrence sur le marché international pour vendre des produits dont les gens ne veulent pas.

Maintenant, ils se plaignent qu’ils sont à court d’argent et ils plaident pour leur propre renflouement. Si vous écoutez les débats, toute la question est de savoir si l’industrie doit survivre ou être autorisée à disparaître.

Les travailleurs et les travailleuses de cette industrie se font souvent servir certains mantras sur la façon d’atteindre l’égalité dans le sacrifice, ce qui suggère qu’il est temps de rouvrir les contrats, de réduire nos salaires, nos avantages sociaux et de laisser se détériorer nos conditions de travail. Pourtant, même avec toutes les mises à pied et les rachats, il y a encore plus de 500.000 travailleurs et travailleuses dans cette industrie. Environ 125 000 travaillent sur des lignes d’assemblage et environ 415 000 travaillent dans l’industrie des pièces d’automobiles. Aux États-Unis, les travailleurs de l’automobile et des industries connexes totalisent 3,1 millions de personnes.

Plus de concessions en perspective ?

Le président des « Travailleurs unis de l’Automobile », Ronald Gettelfinger témoigne au nom des Trois Grands, mais il affirme qu’il veut tenir bon contre toute concession, en déclarant que le contrat de 2007 était historique. Ce contrat a été historique en effet, car un salaire et des bénéfices marginaux réduits au 2/3 ont été introduits pour les nouveaux employé-e-s. Ce fut un énorme pas en arrière et les avantages ont été introduits pour les nouveaux employés…

En fait, les Trois Grands et toutes les autres entreprises américaines se plaignent de ce que la couverture des soins de santé de leur force de travail leur coûte cher. Selon Labor Notes, General Motors est le plus grand acheteur privé de soins de santé des États-Unis, offrant une couverture à un million de personnes en 2004, pour un coût de 5,3 milliards de dollars. Le chef de la direction, Rick Wagoner a affirmé qu’il payait davantage pour ce poste que pour l’acier. Pourtant, pour l’ensemble de plaintes sur les pensions offertes aux travailleurs et à leur famille en soin de santé, les Trois Grands prétendent que cela ajoute 1500 $ au prix de chaque véhicule. GM n’a pourtant pas voulu défendre la couverture universelle des travailleurs comme cela se fait au Canada.

La solution ne repose pas sur le rapiéçage d’un système de santé inefficace et dépassé, mais sur l’extension immédiate de l’assurance maladie publique à l’ensemble de la population des États-Unis. Un tel programme permettrait de réduire les énormes profits aspirés par les compagnies d’assurance et de fournir aujourd’hui même une meilleure couverture aux deux tiers du coût.

Un deuxième domaine où les Trois Grands prétendent qu’ils ne peuvent plus se permettre de continuer à payer, ce sont les pensions des travailleurs et travailleuses retraités (même s’ils n’appliquent pas ce refus aux hauts gestionnaires de l’entreprise.)

Contrairement à la situation des soins de santé, où un plan a été présenté au Congrès (HR676), la discussion sur la façon de subvenir aux besoins des retraités ne fait que commencer. Une solution est bien évidemment de réorganiser radicalement la sécurité sociale, en fournissant des prestations suffisamment élevées afin que les régimes de retraite privés ne soient plus nécessaires.

Immédiatement, toutefois, les pensions pourraient être étendues à l’ensemble de l’industrie des transports, augmentant ainsi le nombre de personnes couvertes tout en conservant sensiblement la maîtrise des coûts jusqu’à ce qu’un plan universel et sans but lucratif puisse être instauré.

Qui peut résoudre la crise ?

Les travailleurs et les travailleuses de l’Automobile ne sont pas responsables de la crise de cette industrie et ils ne devraient pas payer pour les erreurs des gestionnaires. Les travailleurs de l’Automobile des États-Unis sont très productifs, mais nous n’avons pas la possibilité de prendre les décisions sur ce que nous produisons. La plupart d’entre nous savons comment nous pourrions faire un meilleur travail – les rencontres d’équipes dans nos usines sont des réunions qui visent à donner des conseils aux gestionnaires, mais ces derniers peuvent toujours agir à leur guise. La gestion prend toutes les décisions sur la seule base de la rentabilité.

Comme travailleurs, consommateurs et membres de la communauté, nous avons une plus grande perspective. Beaucoup d’entre nous savent que, bien que les SUVs et camions soient des produits très rentables pour les entreprises, ces véhicules grands consommateurs d’essence ne sont pas plus sécuritaires que les voitures plus petites, ni plus économes en carburant, ni favorables à l’environnement. Finalement, ces voitures gloutonnes en essence ont été produites en surabondance pour le marché.

Nous ne sommes pas d’accord avec notre syndicat qui, pour sauver nos emplois, prétend qu’il est nécessaire de soutenir des normes de dépense de carburant inférieures à celles qui existent. Nous ne pensons pas que nous avons à choisir entre nos emplois et notre santé. Nous avons le droit à un travail décent, à des emplois décents et à un environnement sain pour nous et pour les générations futures.

Nous aimerions proposer un autre modèle de gestion pour le renflouement

Mettez les travailleurs qui conçoivent et produisent au centre.
Finissons-en avec l’équipe des gestionnaires et élisons une équipe de production et de recherche. Avec l’apport des consommateurs, des urbanistes et des chercheurs en environnement, nous pourrons développer une industrie du transport capable de nous réoutiller pour les besoins du 21e siècle.

Convertissons les entreprises produisant des pièces d’auto en entreprises fournissant des emplois verts. Nous pouvons développer l’énergie solaire, éolienne et géothermique. Les entreprises produisant des essieux pourraient être converties en entreprises produisant des éoliennes, une production qui n’est pas développée aux États-Unis.

Travailleurs et travailleuses de l’automobile, syndiqués et non syndiqués, ne faisons pas que nous défendre et défendre nos familles, mais créons plus d’emplois pour chacun d’entre nous.

Nous voulons continuer à contribuer à notre société, mais pas seulement en participant à la production. Nous visons plutôt à ce que cette dernière soit socialement utile.

Il y de nombreuses raisons pour lesquelles les travailleurs et travailleuses dans les autres entreprises et lieux de travail voudraient se rassembler et prendre en charge la planification comme j’ai suggéré que l’on pourrait le faire. Nous sommes ceux et celles qui créent, transportent et vendent ce qui est produit. Les gestionnaires de la direction des Trois Grands ont démontré leur incapacité à planifier. Et il n’y a pas de raison pour permettre à l’économie de stagner. Nous allons retrousser nos manches et faire le travail !


Dianne Feeley est travailleuse à la retraite du secteur de l’automobile de Détroit.

tiré du site Solidarity : http://www.solidarity-us.org/

Traduction : Bernard Rioux

Mots-clés : Économie

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