Par les Artistes pour la Paix
Écoutons d’abord son éloge prononcé par le ministère de la Culture et des Communications :
Mireille Dansereau s’est taillé une place unique dans l’histoire du cinéma québécois. Elle a ouvert la voie à des générations de réalisatrices grâce à sa détermination et à son audace, en offrant comme modèles des œuvres authentiques, pertinentes et singulières. Possédant une habileté rare à fusionner avec subtilité le documentaire et la fiction, cette pionnière explore dans ses films les enjeux intimes comme sociaux. Le rapport au corps féminin, la famille, la relation mère-fille ou le suicide sont autant de thèmes abordés dans son œuvre vaste et variée, révélant une profonde sensibilité et une grande intégrité artistique.
Recevoir le prix Albert-Tessier représente pour Mireille Dansereau « une reconnaissance au Québec de [son] travail de 55 ans de cinéma ». « À mon retour de Londres, j’ai choisi de rester au Québec et de faire mes films en français, en dépit des offres européennes. » Mireille Dansereau attire l’attention comme cinéaste dès son premier court métrage Moi, un jour…, sélectionné au Festival du film de Montréal et présenté lors d’Expo 67. Ce film pose les premiers jalons thématiques de son œuvre cinématographique, dont la quête de liberté des femmes dans une société en changement. Puis, elle obtient une maîtrise du Royal College of Art de Londres en 1969. Au cours de ses années d’études en Angleterre, elle réalise 2 films, dont Compromise, lequel lui vaudra le premier prix du Festival international du film étudiant à Londres, ce qui est exceptionnel à l’époque pour une femme étudiant en cinéma.
De retour au Québec, elle cofonde en 1971 l’Association coopérative de productions audiovisuelles. En plus d’être la seule femme à participer à la fondation de cette organisation, elle devient l’année suivante la première Québécoise à réaliser un long métrage de fiction avec La vie rêvée, récompensé de plusieurs prix, à Toronto et sur la scène internationale. Ce film, qui porte un regard féministe tout nouveau sur la société québécoise des années 1970, lance véritablement la carrière de la réalisatrice. Avec lui s’amorce la création d’une longue série d’œuvres qui ne feront que confirmer la signature distinctive de cette figure majeure du septième art au Québec, faisant s’entrecroiser images de vie réelle, fictionnelle et instants de poésie.
Parmi ces œuvres, notons L’arrache-cœur (1979), dans laquelle elle aborde la relation mère-fille, thème récurrent dans sa filmographie, également exploré dans le moyen métrage Entre elle et moi (1992), exposant son rapport avec sa propre mère. Preuve de l’immense talent de la cinéaste à créer des films de grande qualité, aussi intelligents que touchants, les deux œuvres ont récolté des récompenses, notamment la première avec un prix d’interprétation pour la comédienne Louise Marleau au Festival des films du monde. Son film Le sourd dans la ville (1987), adaptation du roman éponyme de Marie-Claire Blais (APLP hélas décédée) met en scène une femme de famille aisée quittant son milieu pour s’installer dans un hôtel miteux. Ce film obtiendra une prestigieuse mention spéciale du jury œcuménique de la quarante-quatrième Mostra de Venise.
Bien d’autres œuvres importantes ont ponctué sa carrière de cinéaste féministe, l’une des premières au Québec : J’me marie, j’me marie pas (1973), 4 entrevues avec des femmes expliquant leur relation complexe avec les hommes, la maternité et leur féminité, de même que Les seins dans la tête (1994), Les cheveux en quatre (1996) et Vu pas vue (2018), dans lesquelles la réalisatrice explore le thème du corps féminin.
La cofondatrice de Réalisatrices équitables, entreprise qui défend la place des femmes dans le domaine du cinéma depuis 2007, est en outre à l’origine de films expérimentaux et novateurs, dont Les marchés de Londres (1996), créé à partir d’images tournées lors de ses études en Angleterre. Cette œuvre lui vaudra notamment d’être de nouveau invitée au Festival international du film de Venise et primée à Toronto.
Quel message Mireille Dansereau souhaite-t-elle transmettre à la relève ? « N’attendez pas des années que les autres vous disent que vous avez fait un bon film. Continuez envers et contre tous. Construisez votre propre confiance en vous », recommande-t-elle.
Mireille Dansereau a creusé une œuvre personnelle d’avant-garde, bien avant The Hours avec Meryl Streep, Nicole Kidman et Julianne Moore, La leçon de piano de Jane Campion, les documentaires Femme(s) d’Anastasia Mikova et Yann Arthus-Bertrand, Scandale avec Margot Robbie et Charlize Theron, Je vous salue salope, de Guylaine Maroist et Léa Clermont-Dion, She said, des Américaines Maria Schrader, Carey Mulligan, Zoe Kazan sur les deux journalistes du New York Times, Megan Twohey et Jodi Kantor, qui à force de démarches auprès de femmes victimes les ont persuadées de briser le silence sur Harvey Weinstein et l’ont mis hors d’état de nuire. Mais la dénonciation n’est pas le moteur de Mireille qui, comme « À tout prendre » de Claude Jutra, explore plutôt l’intimité des relations humaines, avec une poésie exempte de voyeurisme.
Intéressant de noter que Madeleine Dansereau, sa mère, première femme joaillière du Québec est la créatrice de la médaille de l’Ordre du Québec : information trop peu connue.
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