Édition du 23 avril 2024

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Asie/Proche-Orient

Non, ce n’est pas "la situation". Ce sont les soldats israéliens

Chaque fois que paraît une nouvelle histoire sur un crime commis par les forces de défense israéliennes dans les territoires - hier, c’était l’histoire de Hagar Shezaf sur le garçon qui a reçu une balle dans le dos à Al-Khader ; demain, ce sera une histoire sur la fusillade d’un jeune à Al-Rakiz - nous sommes toujours immédiatement rassurés : Ce ne sont pas les soldats. Ils ne sont pas à blâmer. On ne peut pas les blâmer. C’est la situation.

Tiré de France-Palestine Solidarité.

Mais ce sont les soldats.

Non seulement on peut les blâmer, mais ils doivent être jugés et punis pour leurs crimes. Les absoudre de toute responsabilité et culpabilité est une autre façon de laisser les crimes orphelins, leurs auteurs innocents et la société entière se sentir acquittée.

L’argument en faveur de l’immunité des soldats repose sur l’idée qu’ils s’engagent tous dans les FDI alors qu’ils sont comme des soldats en chocolat - des jeunes innocents qui pensent s’engager dans l’Armée du Salut, des adeptes du Mahatma Gandhi, des disciples de Janusz Korczak. La voyoucratie et le racisme, la haine des Arabes et la violence leur sont étrangers. Ils n’en ont pas été imprégnés à la maison, à l’école ou dans la société dans laquelle ils ont été élevés. Ils arrivent dans l’armée vertueux et purs, comme des amoureux de la justice, de la fraternité et de la paix. Et puis ils s’engagent et d’un seul coup tout change.

Ils deviennent des monstres qui tirent sur des enfants, frappent des vieilles femmes, lâchent des chiens sur des gens, agressent des handicapés. Mais ce sont eux les victimes, si vous ne l’avez pas compris. Ils ne sont coupables de rien, même lorsqu’ils tirent sur des innocents, même s’ils le font sans raison, comme cela arrive avec une fréquence écœurante.

Alors qui est à blâmer ? Ceux qui les ont envoyés là-bas. Les commandants sont à blâmer, mais ils n’ont pas à être jugés pour les actions de leur garde à la porte, qui était après tout un soldat aberrant qui a fait une erreur. Les politiciens sont donc à blâmer. Lesquels ? Le premier ministre et le ministre de la défense actuels ? Qu’est-ce que les gens attendent d’eux ? Eux aussi sont pris dans une situation qu’ils ont héritée de leurs prédécesseurs. Il faut remonter plus loin. C’est la faute de Moshe Dayan. C’est la faute d’Yisrael Galili. Yigal Allon est à blâmer, ou David Ben-Gourion, ou remontons jusqu’au roi David. Personne n’est prêt à assumer le crime.

Alors peut-être que c’est la situation ? C’est une force majeure, un décret céleste. Il n’y a plus personne à blâmer, après tout, et rien à leur reprocher.

Revenons à la vérité. Les soldats israéliens commettent tous les jours des crimes graves, dont certains sont vraiment effroyables. Avant et après Elor Azaria, ces crimes ont été "orphelins" à un degré incroyable. Personne n’est à blâmer pour quoi que ce soit ; personne n’est responsable de quoi que ce soit. Vous pouvez tuer et massacrer sans vous soucier d’être jugé. Par manque de culpabilité et d’intérêt public.

Même lorsqu’ils tirent des dizaines de balles sur deux étudiants soupçonnés d’avoir jeté des pierres, même lorsqu’ils tirent sur un taxi rempli de femmes, même lorsqu’ils ouvrent la porte d’une jeep en mouvement, tirent, tuent et continuent, même lorsqu’une femme atteinte de troubles mentaux et tenant un couteau est abattue sans aucun effort préalable pour l’arrêter, ils ne sont responsables de rien. Ils tuent et parfois aussi assassinent - et ils sont au-dessus de tout soupçon, avec une immunité plus grande encore que celle accordée aux membres de la Knesset.

Les soldats israéliens jouissent de la plus grande immunité en Israël, plus encore que les colons. Tout soldat peut faire ce qu’il veut dans les territoires - à part voler 20 shekels pour un Coca. Pour cela, il sera jugé par l’armée la plus morale du monde, qui prend ce genre de choses très au sérieux.

Il est facile de changer ce système de valeurs malsain. Il faut commencer par les soldats, les auteurs directs des crimes. Tout comme dans le monde criminel, où aucune indulgence n’est accordée aux tueurs à gages envoyés par d’autres, le système du "tout est permis" pour les soldats dans les territoires doit également cesser. Les vies palestiniennes comptent. Et quiconque prend ces vies avec une si terrible facilité, comme cela s’est produit assez fréquemment ces derniers mois, doit être puni.

Si les soldats étaient condamnés à de longues peines de prison pour avoir tué un enfant qui vaquait à ses occupations, pour avoir mutilé un berger ou pour avoir tiré sur une journaliste, les FDI changeraient. Et la situation en matière de sécurité s’améliorerait également.

Traduction : AFPS

Gideon Levy

Journal Haaretz, Israël

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