Édition du 23 avril 2024

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International

D’un pays à l’autre

PAKISTAN, AFGHANISTAN ET ÉTATS-UNIS

La semaine dernière le président Obama a reçu avec les honneurs les présidents pakistanais et afghan. L’objectif : arriver à un engagement plus conséquent des hôtes de la Maison blanche dans la guerre contre les talibans qui sévissent des deux côtés de la frontière pakistano-afghane. En fait, la pression était surtout portée sur M. Zardari. Ms Obama et Karzaï le soupçonnant, sinon l’accusant, de mollesse face à ce qui a été décrété ennemi commun.

Si le gouvernement afghan est plus que faible, gangrené par la corruption et les rivalités de clans, celui, dûment élu du Pakistan n’en est pas moins très faible. L’opposition parlementaire lui mène une chaude lutte sur le terrain et elle a obtenu le rétablissement du juge Chaudry dans ses fonctions. Il avait été déchu par l’ex-dictateur P. Moucharaf. Symboliquement, c’est un acte de faiblesse. Il est aussi coincé entre le nationalisme de la population, la pression des Etats-Unis exigeant un engagement intensif dans la guerre contre les talibans et la position de l’armée et son habitude à identifier l’Inde comme ennemi principal .Chaque fois qu’il se rapproche des Etats-Unis il est accusé de trahison par une bonne partie de la population et les Talibans jouent sur cette réalité pour solidifier leur position ; ils se présentent comme les vrais défenseurs de la nation qui passerait aussi par la protection de la religion. Le président pakistanais avait aussi publiquement annoncé qu’il ferait cesser les attaques américaines par drones à la frontière afghane. Ces attaques tuent 98 civils pour 2 combattants dans le meilleur des cas. Or, depuis l’élection de M. Obama, leur rythme a augmenté forçant de la population de la région à fuir. En plus, il a consenti aux Talibans de la vallée de Swat l’autorité sur l’exercice de la justice ce qui a mené immédiatement à l’application de la charia, changé les règles de la vie sociale notamment pour les femmes et les fillettes et poussé une bonne partie de la population en désaccord à fuir.

L’armée est le corps constitué le plus fort du pays. Elle a son propre programme qui vise la conquête du Cachemire où elle s’oppose directement à l’Inde. Elle s’attend donc à ce que ce pays attaque le Pakistan à un moment ou un autre et conséquemment, tient un maximum de troupes sur la frontière est. Jusqu’ici, elle a toujours refusé de déplacer suffisamment de contingents sur la frontière ouest pour lutter contre les Talibans. D’autant qu’elle a des liens importants, idéologiques et politiques, avec eux et ce, depuis bien des années.
La plus grande méfiance existe entre ces trois acteurs. Les Afghans sont convaincus que de des éléments importants de l’État pakistanais sont assez d’accord avec le projet des Talibans. Les Pakistanais pensent que le gouvernement afghan n’est pas assez fort pour faire la guerre sur son propre territoire. De leur côté, depuis bien longtemps les administrations américaines successives sont convaincus que le Pakistan est toujours prêt à prendre une orientation contraire à leurs intérêts : tomber dans le camp communiste du temps de la guerre froide et maintenant dans celui de l’extrémisme. D’où une légende persistante à Washington qui veut que le Pakistan soit toujours sur le point de tomber, de s’effondrer, etc. etc. M. Obama avait exprimé une opinion très négative du gouvernement Karzaï l’estimant complètement « infréquentable » à cause de la corruption et de ses liens avec les seigneurs de la guerre qui siègent dans ce gouvernement.

Il semble bien que le président américain se soit fait une raison (d’état bine sûr !) et il a mis la main à la poche et pas qu’un peu, pour obliger ses partenaires à s’impliquer sérieusement dans cette guerre. En même temps les troupes américaines supplémentaires arrivent en Afghanistan. Il semble bien que le « deal » ait eu de la portée : l’armée pakistanaise a nettement intensifié les combats dans le district de Swat ces derniers jours. La population qui y était encore s’enfuit avec rien et rejoint les camps des personnes déplacées qui augmentent toujours.

Mots-clés : International
Alexandra Cyr

Retraitée. Ex-intervenante sociale principalement en milieu hospitalier et psychiatrie. Ex-militante syndicale, (CSN). Ex militante M.L. Actuellement : membre de Q.S., des Amis du Monde diplomatique (groupe de Montréal), animatrice avec Lire et faire lire, participante à l’établissement d’une coop. d’habitation inter-générationnelle dans Rosemont-Petite-Patrie à Montréal. Membre de la Banque d’échange communautaire de services (BECS) à Montréal.

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