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Amérique centrale et du sud et Caraïbes

Penser le reflux des gouvernements progressistes latino-américains. Quelques leçons pour la gauche

À propos du livre Fin de partie ? Amérique latine : les expériences progressistes dans l’impasse (1998-2019) de Franck Gaudichaud, Jeffery Webber et Massimo Modonesi, Paris, Éditions Syllepse, 2020, 200 p.

Paru dans la revue Contretemps
24 novembre 2020

Patrick Guillaudat

Voir également notre dossier sur le bilan des gouvernements progressistes latino-américains.

Fin de partie ? Coyoacán

L’essai Fin de partie ? Amérique latine : les expériences progressistes dans l’impasse (1998-2019) tombe à pic. En effet, il résonne en écho aux questionnements actuels qui traversent la gauche, que ce soit sur la démocratie, les modèles de développement économique, l’écologie ou les réponses aux inégalités sociales. Rien d’étonnant à ce que la gauche ait tourné son regard vers les expériences latino-américaines du début du XXIe siècle. Elle espérait y trouver des réponses politiques aux errements divers qu’elle traverse, notamment en Europe.

Cet ouvrage, écrit par trois intellectuels militants, c’est-à-dire engagés aux côtés des mouvements sociaux, part d’un constat contenu dans le titre : le progressisme latino-américain a mené à une impasse. Franck Gaudichaud, Jeffery R. Webber et Massimo Mondonesi tirent un bilan sans concession en trois chapitres. Leur livre est un ensemble cohérent ou chaque auteur réalise sa partie. Partant d’une analyse concrète de l’évolution des régimes concernés par le terme de « progressisme latino-américain », cet ouvrage passe ensuite à une analyse détaillée des rapports de force internationaux pour terminer par un regard critique sur les débats que ce moment historique a soulevé au sein des intellectuels latino-américains.

Tout d’abord Franck Gaudichaud dresse un rappel historique et analytique des régimes dits « progressistes », depuis le Venezuela d’Hugo Chávez en passant notamment par le Brésil de Lula, l’Argentine des Kirchner, la Bolivie d’Evo Morales ou l’Équateur de Rafael Correa. Les trajectoires sont analysées en montrant les avancées réelles qu’ont représentées pour les populations les plus pauvres les politiques sociales mises en œuvre dans ces pays, menées en rupture avec le credo néolibéral de baisse des dépenses publiques. Rapidement ces gouvernements sont arrivés aux limites de ce système de réorientation des politiques publiques menées par l’État, surtout quand ces pays ne se sont pas attaqués à la racine du mal : l’exploitation capitaliste, aggravée ici par la dépendance de ces pays du Sud assujettis de fait à la puissance des pays impérialistes du Nord, que ce soit les USA ou l’Union Européenne.

Dans un ouvrage collectif paru en 2013, intitulé Amériques Latines : émancipations en construction, l’auteur avait déjà pointé les contradictions à venir en écrivant que « les gouvernements actuels, (…) rappellent une fois de plus que les gauches peuvent gagner le gouvernement, sans que le peuple ne gagne pour autant le pouvoir, ni que cela ne signifie un processus de rupture ». Sept ans plus tard, on peut affirmer que cette absence de rupture s’est retournée contre les peuples latino-américains, comme le prouvent les coups d’État réussis au Brésil avec la destitution de Dilma Roussef ou le renversement d’Evo Morales en Bolivie en 2019. Mais aussi, parfois, sans avoir besoin de l’irruption de ruptures violentes avec l’ordre ancien, comme le montrent la trajectoire actuelle de l’Équateur qui s’est totalement soumis aux exigences du FMI ou l’effondrement du Venezuela de Nicolás Maduro. L’énumération des retours en arrière montre à elle seule que le progressisme latino-américain, porteur d’espoir il y a quelques années, est largement en crise.

Franck Gaudichaud caractérise en partie l’arrivée de ces régimes (au début des années 2000) comme la concrétisation – au niveau politique – d’une rupture entre « ceux d’en bas » et les pouvoirs en place, rupture portée par la vague de mobilisations populaires qui a secoué le continent dès le milieu des années 1990, combinée à l’irruption d’un « projet progressiste mis en œuvre « par en haut » ». L’auteur nous rappelle d’abord qu’à la charnière des XXe et XXIe siècles, entre le mouvement des piqueteros et des usines récupérées en Argentine, les guerres de l’eau et du gaz en Bolivie, les révoltes indigènes en Équateur, les mouvements des sans-terres au Brésil, etc., le continent traversait une zone de fortes turbulences sociales.

Pendant cette période de contestation de l’hégémonie néolibérale, les mouvements sociaux remettaient en cause le credo du marché libre, sans contrôle, et contestaient la corruption et les inégalités croissantes. Pour déboucher sur le terrain politique, ces mouvements sociaux ont, par leur dynamique et leur puissance, favorisé l’émergence de partis ad ’hoc, le MAS en Bolivie, Alianza País en Équateur, le PT au Brésil ou le MVR (ancêtre du PSUV) au Venezuela. Franck Gaudichaud montre que cette nouveauté politique se déroule dans un cadre international précis : l’après chute du Mur de Berlin et son cortège de reniements, de désillusions et d’incertitudes dans l’avenir d’un projet émancipateur. C’est ce qui explique en partie la diversité des origines des partis qui ont porté ce projet progressiste, collés sur leur réalité nationale, mais aussi voulant marquer une rupture avec la gauche traditionnelle.

Mais durant l’exercice d’un pouvoir nouvellement conquis, ce projet progressiste a été avant tout une politique de redistribution partielle des ressources, sans réelle rupture avec l’ancien monde. Au contraire, le tournant vers l’extractivisme dans tous les pays disposant d’un sous-sol riche en minerais et en hydrocarbures, notamment le Venezuela, l’Équateur et la Bolivie, a renforcé la dépendance de ces pays au marché mondial, soumission d’autant plus dramatique que les gouvernements concernés, suite à la baisse des cours de certaines matières premières, ont accentué l’exploitation de leur sous-sol pour compenser les pertes de rentrées de devises, au mépris de leurs engagements en direction des peuples indigènes ou du respect de l’environnement. Les exemples pris dans ce chapitre sont édifiants.

Pourtant, derrière cette apparente uniformité des politiques macroéconomiques, le progressisme latino-américain a fait preuve de créativité pour tenter de sortir du carcan du capitalisme néolibéral en s’appuyant, jusqu’à un certain point, sur la combativité des mobilisations populaires. Les questions de la démocratie participative, des relations entre le genre humain et la nature, le coopérativisme, ont donné lieu à de longs débats au sein de l’espace des mouvements sociaux, avancées parfois sanctuarisées par leur traduction en articles de loi dans les nouvelles constitutions du Venezuela, d’Équateur ou de Bolivie.

Mais Franck Gaudichaud montre aussi que les réponses limitées apportées par le pouvoir politique, se transforment en contradictions en heurtant des aspirations populaires demeurées insatisfaites. Dans cette période de l’entre-deux, le progressisme latino-américain ne fait pas le choix d’approfondir le processus de transformation et d’affrontement avec les dominants. Son attitude face aux mobilisations populaires et aux mouvements sociaux varie de la tentative de canalisation, comme au Venezuela et en Bolivie, en passant par la cooptation et en allant jusqu’à l’affrontement direct comme au Brésil et plus récemment au Nicaragua.

Après avoir regardé de près les contraintes externes (très fortes) et internes de chacun de ces processus, que ce soit la dépendance extérieure aggravée avec la politique du « tout extractivisme », la division internationale du travail, les pressions impériales, etc., Franck Gaudichaud termine sa partie par une analyse fouillée des dérives autoritaires de chacun de ces régimes. Mais de manière très dialectique, il montre que cette évolution produit deux mouvements distincts.

D’abord, il amorce un possible retour de la droite néolibérale aux affaires, ce qui s’est largement confirmé et, de l’autre, il ouvre la porte à une émancipation possible d’une partie des mouvements sociaux d’avec ces régimes. La résurgence de luttes d’ampleur, comme en Équateur, au Nicaragua, au Chili ou en Bolivie, notamment avec le mouvement féministe et celui des peuples indigènes, montre que la « fin de partie » n’est pas encore sifflée, ces conflits annonçant plutôt l’amorce de la possible reconstruction d’un futur.

Le deuxième chapitre de Jeffery R. Webber est indispensable à la compréhension des contradictions du progressisme latino-américain. Si le milieu universitaire a tendance à parler de « pays émergents », c’est souvent pour faire oublier les liens profonds, même distendus, de dépendance qui régissent encore les économies latino-américaines. Dans cette partie, Jeffery R. Webber aborde de front la question des nouvelles modalités de domination impérialiste en insistant sur plusieurs points essentiels.

Tout d’abord, il revient sur les années du néolibéralisme triomphant pour mieux insister ensuite sur les continuités ultérieures avec cette période noire du continent. Il montre que le début du XXIe siècle se caractérise par le boom de l’agrobusiness, modifiant non seulement les rapports de sociaux de production dans les campagnes mais marquant en même temps au fer rouge l’écosystème. Face à ce virage, le secteur industriel s’est rapetissé au point de ne plus représenter que la moitié de ce qu’il représentait dans les années 1970. L’auteur nous fait remarquer que « la tendance n’a pas changé sous les gouvernements progressistes ».

Plus grave, le boom des matières premières a favorisé le renforcement de l’exploitation du sous-sol, et ce qui caractérise le progressisme latino-américain ne repose pas tant sur cette fuite en avant, commune à tous les pays du continent, que sur l’utilisation de la rente. Ici elle est le moteur des politiques sociales, permettant un transfert d’argent et de services vers les classes populaires, à la différence des pays conservateurs. Mais, et ce sera une des clefs de compréhension de la crise de ces gouvernements progressistes, Jeffrey R. Webber insiste sur le fait que « les États compensatoires, en conséquence, ont rompu avec des éléments spécifiques de la boîte à outils de la politique néolibérale orthodoxe en termes d’échelle de la dépense sociale, mais ont laissé les bases structurelles de l’économie intactes ».

Certes, les formes de la dépendance ont fortement évolué, néanmoins la chute des prix des matières premières a rappelé cette soumission encore bien présente des économies du continent au capitalisme mondial, organisé par les grandes puissances étatiques et financières. L’auteur revient sur deux modifications géopolitiques qui permettent de comprendre cette évolution. D’abord, suite à l’échec de la « principale initiative économique des États-Unis dans la région, (,…), la promotion de la Zone de Libre-échange des Amériques (ZLEA) », les USA ont multiplié les accords bilatéraux pour consolider leurs relations avec les États latino-américains alliés.

En même temps, ils ont recentré leurs efforts sur le contrôle des pays du golfe du Mexique, Amérique centrale, Caraïbes et Mexique. Il s’agissait de maintenir l’hégémonie US dans la région et la lutte antidrogue a été un alibi central justifiant la présence militaire nord-américaine sur le continent. Ensuite, autre phénomène, la Chine en Amérique latine a réussi à être un investisseur privilégié dans certains pays en ciblant ses investissements sur les matières premières et certains secteurs industriels clefs.

L’auteur montre que cette concurrence entre les principales puissances économiques mondiales ne s’est pas traduite par un renforcement des relations et de la coopération entre les pays latino-américains, qui aurait pu accélérer une intégration régionale et améliorer le rapport de force du continent face aux deux « superpuissances ». Malheureusement, les tentatives d’intégration régionale, comme la CELAC (Communauté des États latino-américains et caribéens) ou l’ALBA (Alliance Bolivarienne pour les peuples de notre Amérique) ont échoué en raison de l’hétérogénéité politique des régimes du continent et du rôle joué par le Brésil qui « s’est comporté comme un sous-impérialisme ». La conclusion de cette partie est sans appel. Profitant de la conjugaison de la crise mondiale de 2008 et de la chute des prix des matières premières initiée en 2012, les USA comme la Chine ont saisi cette double opportunité pour renforcer leur influence régionale.

Après les analyses fouillées contenues dans les deux premières parties de l’ouvrage, d’une part l’analyse de l’évolution des régimes progressistes et d’autre part celle du contexte régional de domination impérialiste, la troisième partie nous éclaire sur la manière dont ces régimes ont été appréhendés par les intellectuels latino-américains. Massimo Modonesi montre que si l’anti-néolibéralisme est consensuel au sein de la gauche intellectuelle dans la caractérisation du progressisme latino-américain, rapidement les divisions vont s’exacerber autour de l’analyse du sens et de l’interprétation de ce dernier, donnant lieu à l’explosion de qu’il appelle un « arc-en-ciel des critiques de gauche ».

Ces positionnements, souvent hérités des fractures antérieures au sein de la gauche, se sont remodelés à la lumière de l’émergence de nouvelles problématiques, comme l’écologie, les droits des peuples indigènes, le féminisme, la critique du développement, etc. Tous ces débats se situent dans un contexte où le chavisme (et le processus bolivarien) tient un rôle central, de par la radicalité de son discours et de sa politique, obligeant les intellectuels de gauche à se positionner face à lui.

Mais, à partir de ces expériences progressistes, un autre sujet va parcourir ces débats intellectuels, celui du « populisme » tel que théorisé par Ernesto Laclau. Massimo Modonesi montre son influence, en particulier en Bolivie où la stratégie politique du MAS au pouvoir, tend à entrer dans ce moule théorique. Il insiste sur le fait que dans cette perspective, l’État joue un rôle central « comme un instrument en vue d’un développement des forces productives qui permet d’entrevoir un éventuel futur socialiste, mais également comme catalyseur du développement, garant de l’équilibre social, expression de l’universalisme et affirmation de la nation ». La crise vénézuélienne de 2015, comme l’ensemble des tensions internes des régimes relevant du progressisme latino-américain, va provoquer des dissensions importantes au sein de ce groupe d’intellectuels critiques.

D’un côté, ceux qui soutiennent ces régimes en perdition, rappelant les réussites économiques et sociales, et qui expliquent les difficultés de ces gouvernements par l’absence d’une nouvelle culture contre-hégémonique et par la présence impérialiste. De l’autre, cet « arc-en-ciel » avec aussi bien la « critique rouge », anticapitaliste, qui se situe sur le terrain des classes sociales, que la « critique verte » des écologistes et des mouvements paysans-indigènes qui s’exprime contre les projets extractivistes et pour le respect de la nature et des droits des peuples indigènes.

Toutes ces orientations se retrouvent, débattent et s’entrecroisent, en abordant les notions de progrès, de développement, de démocratie, de vivir bien ou de buen vivir, de justice sociale. Mais toutes tirent un bilan extrêmement critique du progressisme latino-américain qui, malgré les améliorations évidentes en ce qui concerne le niveau de vie des peuples, a rapidement évolué vers un centralisme autoritaire, le clientélisme, la corruption et les retours en arrière, en particulier avec de nouvelles alliances entre les pouvoirs politiques, les dominants et les représentants de l’agro-business et des multinationales.

Massimo Modonesi avance une hypothèse, en caractérisant les gouvernements progressistes latino-américains du XXIe siècle comme des « révolutions passives », en s’appuyant sur les théories gramsciennes de l’autonomie et de l’hégémonie, « permettant « d’aller au-delà de la formule de gouvernement progressiste ». Après être revenu longuement sur le césarisme de ces régimes, qui a rendu impossible la construction d’une contre-hégémonie réelle, il conclut que les révolutions passives en décadence annoncent « la fin d’un cycle, d’une époque qui s’achève inexorablement ». Modonesi prolonge son ouvrage paru en 2017, Revoluciones pasivas en América.

Mais dans Fin de partie ?, ce concept développé par Gramsci aurait mérité un développement plus important dans la mesure où il a connu de multiples interprétations dans l’histoire et qu’il reste mal connu en France. Il est évident que le terme de « progressisme latino-américain » n’est pas satisfaisant et ne permet pas de cerner les différences pourtant notables entre les régimes qu’il regroupe sous cette appellation (du chavisme au lulisme). Reste à savoir si cette imprécision largement utilisée peut être remplacée efficacement par le concept de révolution passive.

***

Il est évident qu’un livre qui réussit le projet ambitieux de dresser un bilan d’expériences multiples et multiformes sur tout un continent, ne peut qu’ouvrir la voie à de nouvelles réflexions.

Parmi elles, une première réside dans l’analyse des politiques sociales. S’il est communément admis que les pays progressistes latino-américains ont réduit leur taux pauvreté, les politiques sociales mises en œuvre dans ces pays, à l’exception du Venezuela, ont largement repris les principes de traitement de la pauvreté édictés par la Banque Mondiale. Cette institution prône la mise en place de programmes dits de Transferts Monétaires Conditionnés censés sortir de la misère une partie de la population, sous condition, en les responsabilisant individuellement. Cela a été appliqué par les gouvernements progressistes en Équateur, en Bolivie au Brésil, etc.

Pourtant, cette politique n’est pas fondée sur l’octroi de droits pour toutes et tous. Il s’agit plutôt de charité, conditionnée, le plus souvent encadrée par la puissance publique. Ces programmes ne résolvent en rien la question de l’absence de services publics de qualité. On le voit avec la pandémie du Covid-19 qui met à nu l’extrême fragilité des systèmes de santé, y compris dans les pays « progressistes ». Cela maintient aussi les bénéficiaires dans le cycle d’exclusion sociale. A la lumière d’une réflexion sur les formes de lutte contre la pauvreté, on peut poser la question de leur degré de rupture avec les politiques néolibérales.

Une deuxième réflexion, peu abordée par les critiques des régimes « progressistes » latino-américains, concerne l’évolution des rapports de classe et donc de pouvoir au sein des entreprises. Ils sont, globalement restés inchangés (à l’exception partielle du Venezuela), voire même se sont dégradés aux dépens des salarié.e.s comme en Équateur et au Brésil. Comment construire une nouvelle hégémonie si la bourgeoisie garde l’essentiel de son pouvoir économique et financier ?

Troisième réflexion, complémentaire de la précédente : celle du rapport de la couche au pouvoir avec la bourgeoisie. L’exercice du pouvoir donne le vertige, disait Louise Michel, de même que l’existence sociale détermine la conscience, pour paraphraser Marx. Or, la participation à la direction d’institutions étatiques ou para-étatiques qui fournissent des privilèges de fonction, sans contrôle réel « par celles et ceux d’en bas », ne peut que produire des effets pervers. Effets qui expliquent aussi, mais pas exclusivement, le virage des régimes progressistes vers l’agrobusiness ou l’extractivisme.

Il s’agit d’un processus d’intégration progressive à la classe capitaliste d’une fraction de l’élite politique au pouvoir, soit via la direction d’entreprises, publiques ou privées, soit via la participation active à la circulation du capital (création de sociétés financières, d’import-export, etc…), soit par la corruption directe. Ces privilèges sont obtenus grâce à la rente de situation de cette nouvelle élite politique, couche sociale qui tend à se cristalliser avec le temps passé au pouvoir et à s’identifier avec les valeurs de la bourgeoisie. C’est très nettement le cas de la « bolibourgeoisie » au Venezuela.

Autant d’éléments non exclusifs qui, mis bout à bout, montrent les limites du progressisme latino-américain. Mais malgré les crises de ces régimes, une leçon essentielle que l’on tire de la lecture de ce livre, c’est que la vague de mobilisations sociales qui parcourt actuellement le continent montre que la « fin de partie » n’est pas encore jouée, même si un cycle est en train de se clore.

Le point de vue de ce livre est bien loin des discours simplificateurs, avec d’un côté les apologistes de tout poil réduisant la crise des régimes progressistes à l’offensive de l’impérialisme US, et de l’autre tous ceux et celles qui, apeurés par l’irruption des peuples sur la scène politique, identifient ces gouvernements à des quasi-dictatures « populistes ».

Nous avons affaire ici à un travail qui part de la réalité concrète, des actions des divers gouvernements « progressistes » comme des dynamiques des mouvements populaires, ce qui permet aux auteurs de nous faire comprendre les contradictions de ces régimes de manière dialectique. Il s’agit d’un regard dynamique, ancré dans le mouvement réel des évènements, permettant de réfléchir à une stratégie politique qui puisse redonner un espoir à ceux et celles qui luttent pour un avenir débarrassé des injustices sociales.

Dans cette optique, cet ouvrage montre que sans l’auto-organisation des classes populaires, l’illusion de la construction d’une société nouvelle par le seul prisme de la « prise » des institutions étatiques est vouée à l’échec. Pour parvenir à ce monde de demain, la conclusion précise qu’« il est indispensable de faire les bilans critiques des principaux processus ayant marqué l’histoire récente de « notre Amérique » et, particulièrement, de comprendre les limites, obstacles et contradictions des expériences progressistes et national-populaires ».

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