Le régime public devrait être un milieu de travail de choix pour offrir des soins à la population. Les conséquences immédiates de la Loi 2 sont déjà prévisibles, parmi lesquelles figurent la détérioration des conditions de travail et l’exode des médecins vers le privé ou vers d’autres provinces. Comment interpréter les intentions d’un gouvernement qui, d’une main, impose des « mesures de contrôle » visant à freiner l’exode vers le privé, et, de l’autre, accepte la vaste majorité des demandes de désengagement des médecins spécialistes tout en annonçant la couverture des chirurgies réalisées au privé après un an d’attente — alors même que les blocs opératoires du réseau public demeurent sous-utilisés (1) ?
MQRP reconnaît la nécessité d’une réforme sérieuse de la rémunération des médecins, omnipraticiens et spécialistes. Une telle réforme devrait être basée sur les données probantes, favoriser l’intégration des médecins aux objectifs globaux de santé du système et valoriser la qualité des soins plutôt que la simple performance chiffrée. Elle doit également assurer la cohérence des mesures avec la mission publique et universelle du système de santé québécois.
Dans le contexte de l’adoption de la Loi 2, MQRP formule cinq axes de
recommandations concrètes pour renforcer autrement un système public fort, fondé sur la confiance, la collaboration et la démocratie.
Les recommandations de MQRP en réaction à la Loi 2 :
pour renforcer le système public
1. Correction des dérives de la Loi 2
1.1. Suspendre la Loi 2. Il est urgent de cesser l’application de toute mesure
coercitive. Il s’agit d’une réforme importante, qui ne concerne pas uniquement la
rémunération des médecins, laquelle doit faire l’objet d’un dialogue entre les
acteurs concernés. Cette suspension doit ouvrir la voie à un véritable
processus de consultation publique et professionnelle, au-delà du cadre des
négociations avec les fédérations médicales, afin de rebâtir la confiance entre le
gouvernement et les soignants.
1.2. Créer une campagne provinciale de rapatriement des effectifs médicaux au
public. Face à l’exode annoncé vers les systèmes publics des autres provinces
telles que le Nouveau-Brunswick et l’Ontario, ainsi que la croissance
exponentielle de la privatisation de la santé au Québec, la population pourrait
subir une diminution drastique de l’accès aux soins. Le gouvernement doit
inverser la tendance et s’assurer de retenir les médecins dans son giron.
2. Réforme démocratique du mode de rémunération des médecins
et de la gouvernance
2.1. Créer un comité de consultation sur la réforme du mode de rémunération
des médecins, suivant un processus démocratique, décentralisé et guidé par les
avis d’experts.
2.2. Mettre en œuvre les recommandations du comité d’experts sur l’accès aux
soins de première ligne (Breton, Boulanger et Groulx). MQRP estime que le
système de santé a besoin de coopération, pas de commandement. Un
processus participatif doit être mis en place, incluant médecins, professionnels,
gestionnaires, usagers, universitaires et syndicats, pour redéfinir ensemble les
fondements d’un accès universel et équitable aux soins.
2.3. Décentraliser et responsabiliser la gouvernance locale. MQRP rejette la
microgestion des plages horaires par le MSSS et/ou Santé Québec. Les
solutions efficaces émergent du terrain. Plutôt que de centraliser les décisions
dans de gigantesques structures technocratiques telles que Santé Québec, il faut
redonner du pouvoir d’action aux milieux cliniques, aux directions locales et aux
équipes communautaires. Une gouvernance locale forte, soutenue par des
moyens stables, est le meilleur garant de l’équité et de la qualité des soins.
2.4. Favoriser la liberté d’expression professionnelle des médecins et des
soignants. Un régime public fort repose sur la transparence et le dialogue. Les
médecins et soignants doivent pouvoir exprimer leurs opinions sur le système de
santé librement et publiquement.
2.5. S’inspirer des meilleures pratiques des autres systèmes pour améliorer
l’accès aux soins. Tel que rapporté cette semaine par plusieurs médecins (2), d’autres systèmes de santé comparables obtiennent de meilleurs résultats (ex.
Colombie Britannique, Ontario) en termes de dispensation de soins à leurs
populations.
3. Utilisation optimale des ressources publiques
3.1. Exiger une pleine utilisation des salles d’opération publiques de chaque
CISSS avant d’autoriser les permis en CMS sur le territoire. Le réseau est
très loin de la cible des 85% de taux d’utilisation des blocs opératoires, affichant
cet été un taux d’environ 66% selon les données mêmes de Santé Québec (3).
Pourquoi financer les marges de profits des CMS à hauteur de 15% alors qu’on
pourrait faire financer nos salles au public à moindre coût ?
3.2. Annuler le remboursement automatique par la RAMQ au privé après un
délai d’attente d’un an. Alors que le régime public fonctionne sous le signe de
l’austérité (1,5 milliards de dollars sont recoupés en services depuis l’instauration
de Santé Québec (4)) et que des chirurgies sont annulées car on refuse de payer des 15 minutes de temps supplémentaire au personnel soignant (5), il est impensable de financer les chirurgies au privé en mode « bar ouvert ».
3.3. Utiliser les fonds publics existants pour payer le personnel soignant qui
opérera les patients sur la liste d’attente. MQRP implore le ministre d’utiliser
rapidement les sommes dédiées au rattrapage des listes d’attente dans le réseau
public.
3.4. Analyser la pertinence des soins offerts par le régime public. MQRP est
signataire de la Déclaration de Montréal sur les soins de santé pertinents de
2024 (6).
4. Amélioration des conditions de pratique dans le système de
santé public
4.1. Réviser les indicateurs de performance dans une logique de qualité, plutôt
que de volume. L’approche punitive fondée sur des cibles arbitraires est
incompatible avec la qualité des soins. Les indicateurs doivent être co-construits,
contextualisés et orientés vers la santé des populations.
4.2. Protéger la mission universitaire et la formation de la relève médicale. Les
facultés de médecine et les médecins professeurs ne peuvent être soumis à des
impératifs de productivité qui ne considèrent pas les activités d’enseignement et
de recherche. La formation est un investissement public, pas une dépense,
surtout dans un contexte de déficit de médecins dans la province (7).
4.3. Valoriser et promouvoir la pratique au public auprès des étudiants et
résidents en médecine. Dans les dernières années, les cliniques privées au
Québec courtisent ouvertement les étudiants et résidents. En contrepartie, le
gouvernement doit rendre plus attrayant.
4.4. Réduire la bureaucratie médicale. L’amélioration de l’efficacité passe par la
réduction des tâches administratives des médecins. Il faut faciliter la délégation
des tâches non médicales comme les formulaires, les fax et les suivis, numériser
et interconnecter les systèmes cliniques pour éliminer les redondances, simplifier
et uniformiser les formulaires d’assurance et autres documents administratifs,
reconnaître et comptabiliser le temps administratif des médecins, ainsi que
mettre en place des outils de communication sécurisés entre les cliniques et les
établissements.
4.5. Investir dans les infrastructures publiques, équipes soignantes et
ressources. Les obstacles à l’accès sont souvent matériels et humains :
manque de personnel, outils informatiques défaillants, contraintes administratives
absurdes, etc. Pour améliorer l’accessibilité aux soins, les soignants doivent
disposer d’effectifs suffisants et stables pour répondre aux besoins des patients.
Il faut soutenir plutôt que punir.
4.6. Mettre en place de véritables équipes interprofessionnelles. La
réorganisation des soins ne doit pas être centrée sur les médecins. L’intégration
rapide de professionnels dans l’offre publique (psychologie, physiothérapie,
orthophonie, ergothérapie, etc.) est essentielle pour assurer une couverture
réelle des soins de première ligne.
5. Encadrement du privé et application des recours législatifs
existants
5.1. Recourir à l’article 30.1 de la Loi sur l’assurance maladie (LAM) pour freiner
la désaffiliation de médecins. MQRP a rappelé au ministre, durant les
commissions parlementaires du PL83 et du PL106, qu’il possède déjà des leviers
législatifs permettant de préserver l’intégrité du réseau public, sans recourir à de
nouvelles mesures dont l’efficacité semble douteuse.
5.2. Interdire les pratiques d’affiliation et désaffiliation répétées. L’adoption de la
loi n° 83, Loi favorisant l’exercice de la médecine au sein du réseau public de la
santé et des services sociaux, devait mettre fin à la pratique de désaffiliation
temporaire du réseau. Or depuis son adoption, les résultats sont fâcheusement
mitigés : les demandes de omnipraticiens sont refusées, alors que la vaste
majorité des demandes des spécialistes sont acceptées par Santé Québec (8), envoyant des signaux contradictoires à la communauté médicale.
5.3. Interdire la mixité de pratique en télémédecine pour recentrer le temps médical vers le réseau public.
5.4. Imposer un plafond tarifaire aux médecins pratiquant au privé, diminuant
ainsi la possibilité de profit. MQRP propose de limiter les montants pouvant être
facturés par les médecins non participants aux tarifs de la RAMQ.
5.5. Abolir le statut de médecin non-participant à la RAMQ Une autre façon de
limiter l’expansion de la médecine privée serait de suivre le pas d’autres
provinces canadiennes (9) et d’abolir le statut de médecin non-participant et de ne conserver que le statut de médecin désengagé.
Les recommandations de MQRP en réaction à la Loi 2 - pour renforcer le système public
1. Correction des dérives de la Loi 2
1.1. Suspendre la Loi 2.
1.2. Créer une campagne provinciale de rapatriement des effectifs médicaux au public.
2. Réforme démocratique du mode de rémunération des médecins et de
la gouvernance
2.1. Créer un comité de consultation sur la réforme du mode de rémunération des médecins.
2.2. Mettre en œuvre les recommandations du comité d’experts sur l’accès aux soins de première ligne (Breton, Boulanger et Groulx).
2.3. Décentraliser et responsabiliser la gouvernance locale.
2.4. Favoriser la liberté d’expression professionnelle des médecins et des soignants.
2.5. S’inspirer des meilleures pratiques des autres systèmes pour améliorer l’accès aux soins.
3. Utilisation optimale des ressources publiques
3.1. Exiger une pleine utilisation des salles d’opération publiques de chaque CISSS avant d’autoriser les permis en CMS sur le territoire.
3.2. Annuler le remboursement automatique par la RAMQ au privé après un délai d’attente d’un an.
3.3. Utiliser les fonds publics existants pour payer le personnel soignant qui opérera les patients sur la liste d’attente.
3.4. Analyser la pertinence des soins offerts par le régime public.
4. Amélioration des conditions de pratique dans le système de santé
public
4.1. Réviser les indicateurs de performance dans une logique de qualité, plutôt que de volume.
4.2. Protéger la mission universitaire et la formation de la relève médicale.
4.3. Valoriser et promouvoir la pratique au public auprès des étudiants et résidents en médecine.
4.4. Réduire la bureaucratie médicale.
4.5. Investir dans les infrastructures publiques, équipes soignantes et ressources.
4.6. Mettre en place de véritables équipes interprofessionnelles.
5. Encadrement du privé et application des recours législatifs existants
5.1. Recourir à l’article 30.1 de la Loi sur l’assurance maladie (LAM) pour freiner la désaffiliation de médecins.
5.2. Interdire les pratiques d’affiliation et désaffiliation répétées.
5.3. Interdire la mixité de pratique en télémédecine.
5.4. Imposer un plafond tarifaire aux médecins pratiquant au privé
5.5. Abolir le statut de médecin non-participant à la RAMQ
Notes
1- Cette année, 423 des 488 demandes, soit 86%, ont été acceptées. Archambault, H. (2 octobre 2025). Médecins au
privé : une chirurgienne gagne en cour contre Santé Québec. Le Journal de Montréal.
https://www.journaldemontreal.com/2025/10/02/medecins-au-prive-une-chirurgienne-gagne-en-cour-contre-sante-quebec
2- Sioui, M. (29 octobre 2025). Médecin spécialiste, la fille du ministre Carmant songe à quitter le Québec. Le Devoir.
https://www.ledevoir.com/politique/quebec/929118/medecin-specialiste-fille-ministre-carmant-songe-quitter-quebec
3- Boily, D., & Gentile, D. (11 juin 2025). Chirurgies : Santé Québec veut faire fondre les délais d’ici 2027.
Radio-Canada. https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2171029/chirurgies-attente-liste-hopitaux-orthopedie-caq
4- Levesques, Fanny. (15 janvier 2025) Compressions de 1,5 milliard : « Une mission difficile, mais pas impossible », assure Dubé, La Presse.
https://www.lapresse.ca/actualites/sante/2025-01-15/compressions-de-1-5-milliard/une-mission-difficile-mais-pas-i
mpossible-assure-dube.php
5- Cousineau, M. (13 février 2025). 12 000 opérations annulées depuis septembre au Québec. Le Devoir.
https://www.ledevoir.com/actualites/sante/807138/12-000-chirurgies-annulees-depuis-septembre-quebec
6- Collège québécois des médecins de famille (3 avril 2024). Déclaration de Montréal sur les soins de santé
pertinents, CQMF. https://www.cqmf.qc.ca/2024/04/03/declaration-de-montreal-sur-les-soins-de-sante-pertinents
7- Desautels, K. (2025, 28 octobre). Les médecins de famille travaillent assez, montrent des données. Le Devoir.
https://www.ledevoir.com/actualites/sante/928743/medecins-famille-travaillent-assez-montrent-donnees
8- Archambault, H. (2 octobre 2025). Médecins au privé : une chirurgienne gagne en cour contre Santé Québec. Le
Journal de Montréal.
https://www.journaldemontreal.com/2025/10/02/medecins-au-prive-une-chirurgienne-gagne-en-cour-contre-sante-quebec
9- Forcier, M. L. E. M. B. (7 décembre 2024). Une mesure insuffisante pour soutenir le contrat social entre les médecins, l’État et la société. Le Devoir.
https://www.ledevoir.com/opinion/idees/825427/idees-mesure-insuffisante-soutenir-contrat-social-entre-medecins-etat-societe
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