Édition du 3 décembre 2024

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États-Unis

Pourquoi Tim Walz a-t-il été choisi ?

Kamala Harris a mis en place une primaire virtuelle pour l’aider à choisir son colistier. Tim Walz a soulevé l’enthousiasme comme aucun autre.

John Nichols, The Nation, 6 août 2024
Traduction, Alexandra Cyr

L’ancien sénateur Paul Wellstone avait l’habitude de dire qu’il représentait « l’aile démocratique du Parti démocrate ». Ce sénateur progressiste du Minnesota voulait se distinguer des « Nouveaux démocrates » assez compromettants qui cherchaient à sortir le Parti de son alignement sur l’économie et la justice sociale pour le diriger vers des positions plus centristes et plus compatibles avec les visées des entreprises. Après son décès dans un crash d’avion en 2002, juste avant une élection où on s’attendait qu’il soit élu pour un troisième mandat et peut-être devenir un combattant contre la guerre en Irak durant la campagne présidentielle de 2004, sa famille a créé le Camp Wellstone pour l’entrainement d’une nouvelle génération de leaders progressistes.

Un des diplômés de cette époque, après une formation de deux jours et demi sur « les campagnes électorales et les élection » était un enseignant de géographie de 41 ans, coach de football de la petite ville de Mankato au Minnesota. Son nom ? Tim Walz. Il était aussi conseiller des enseignants.es pour le programme Gay-Straight Alliance à l’école, sergent commandant décoré de la Garde nationale qui s’était impliqué en politique en 2004 comme coordonnateur de district pour l’organisation « Vets for Kerry » qui soutenait la candidature de John Kerry à la présidence en 2004.

Ce n’était pas le CV classique en politique, mais T. Walz est un courageux. Avec sa formation du Camp Wellstone, il a annoncé son improbable candidature contre le détenteur républicain du siège de sénateur (du Minnesota) avec six mandats d’affilé, M. Gil Gutknecht, lors des élections de mi-mandat de 2006. Il s’est présenté dans un district rural où les Démocrates bataillaient depuis des années. Il a fait une campagne sans prétention, modeste, style « Minnesota Nice » qui charme les électeurs.trices tout en mettant de l’avant un programme de bon sens, qui a convaincu les travailleurs.euses et les fermiers.ères de revenir aux positions électorales de Franklin Roosevelt, Harry Truman, Hubert Humphrey, Walter Mondale et P. Wellstone. Ce fut une des plus grandes surprises de l’élection de 2006. Il a gagné sa première campagne par une marge de 53 à 47 et est parti pour Washington.

18 ans plus tard après deux mandats au poste de Gouverneur du Minnesota, T. Walz a gagné une autre campagne, il est devenu le candidat démocrate au poste de vice-président des États-Unis.

Après que le Président J. Biden se soit retiré de la course le mois dernier, la Vice-présidente, Mme Kamala Harris, a pris la relève. Elle avait très peu de temps pour finaliser l’autre candidature qui ferait campagne avec elle contre le Républicain D. Trump et son colistier J.D. Vance. Elle pouvait aller dans deux directions pour faire son choix. L’une d’elle était, avec si peu de temps avant de lancer la campagne d’automne, de vite choisir dans la liste des Démocrates importants. L’autre était d’ouvrir la démarche pour permettre à beaucoup de candidats.es de s’engager dans une campagne virtuelle de deux semaines pour se présenter au Parti et à ses membres. Cela demandait une bonne dose de confiance pour ouvrir ainsi le processus et c’est ce qu’elle a fait. Et cela lui a permis de pouvoir sélectionner quelqu’un.e qui ne soit pas de l’intérieur du Parti et prédictible.

Cette décision (sur la méthode) a rendu la candidature de T. Walz possible. Mais, comme en 2016, il devait se faire valoir. Des candidats plus connus particulièrement le Sénateur de l’Arizona, Mark Kelly, ancien astronaute et époux de l’ancienne représentante Gabby Gilffords qui a été blessée gravement dans un attentat à sa vie en 2011, de gouverneurs d’États où le vote est incertain ce qui sera critique en novembre prochain, qui étaient pourtant dans le peloton de tête. Par la suite, la gouverneure du Michigan, Mme Gretchen Whitmer a refusé la candidature de même que le gouverneur de la Caroline de Nord, M. Roy Cooper.

M. Kelly a été critiqué parce qu’il a refusé de voter en faveur d’une loi prioritaire pour les organisations syndicales et ouvrières au Congrès, la loi PRO Act. Un candidat qui était soutenu par plusieurs syndicats, le gouverneur du Kentuckey, M. Andy Beshear n’a jamais réussi à atteindre une notoriété nationale. Finalement, il restait T. Walz et Josh Shapiro, le télégénique gouverneur de la Pennsylvanie, l’ultime État qu’il faut gagner dans cette présidentielle. Il a des liens étroits avec Barak Obama et il bat tous les records en Pennsylvanie. M. Shapiro était donc devenu le favori du Parti. Même s’il avait été critiqué pour ses comparaisons douteuses et troublantes entre les protestataires étudiants.es contre la guerre à Gaza et les membres du KKK, pour son appui aux bons scolaires (fonds remis aux parents pour qu’ils payent l’école qu’ils ont choisi pour leurs enfants en dehors du secteur public. N.d.t.) ses stratégies politiques centristes, les commentateurs.trices l’ont louangé et présenté comme le seul choix logique.

T. Walz s’y est pris autrement. Il n’avait pas le choix. Le Minnesota n’est pas un État au vote incertain. Les Démocrates y ont gagné les présidentielles depuis Jimmy Carter en 1976. Même si les élections ont toujours été bien plus aléatoires qu’aucun.e commentateur. trice ne l’imagine, il n’y a aucune raison de penser que la situation pourrait changer cette année. Même s’il aurait pu faire appel aux électeurs.trices de l’État voisin du Wiskonsin où le vote est incertain, T. Walz devait avoir des arguments spéciaux pour défendre sa candidature. Même si comme le dit le représentant démocrate Mark Pocan : « tous les chemins mènent vers le Midwest et qui peut mieux nous aider à nous y guider que les Minnesotains.es eux-mêmes et elles-mêmes ».

Il s’est donc présenté comme il l’avait fait durant la campagne de 2016 : plein d’entregent avec un discours sans ambiguïtés, des mieux préparé pour mettre à jour les mensonges, l’extrémisme et bien sûr les bizarreries de l’actuel Parti républicain. Durant la campagne virtuelle à la vice-présidence, il est apparu sur MSNBC et est allé au cœur des enjeux par rapport à D. Trump et spécialement son colistier, J.D.Vance : « Ce sont des hurluberlus, ils veulent éliminer des livres et être dans nos salles d’examens, (…) Ne dorez pas la pilule, ce sont des idées bizarres ».

Cette réponse est devenue virale alors que les Démocrates de toutes allégeances commencent à identifier les candidats.es républicains.es et leurs politiques comme bizarres. Son habileté à créer de ces courtes phrases d’attaque avec autant de résonnance en un seul segment de nouvelles sur le câble, a permis à beaucoup de Démocrates et probablement à Mme Harris d’y regarder à deux fois. Les progressistes ont particulièrement aimé cette présentation d’un gouverneur avec deux mandats en poche, qui a soutenu les droits à l’avortement, qui prend fait et cause en faveur de Américains.es LGBT+, qui a spectaculairement abandonné ses positions qui lui avaient valu les louanges de la NRA, en réponse à des fusillades dans les écoles, qui est fièrement devenu un avocat du contrôle des armes à feu, qui a soutenu l’organisation syndicale des travailleurs.euses, qui a pris fait et cause également pour des politiques progressistes en faveur de l’agriculture, qui a soutenu la hausse d’impôt et de taxes pour les plus riches et qui a une vision large de ce que le gouvernement peut faire pour rendre la vie des Minnesotains.es et des Américains.es meilleurs.es.

Tim Walz a résumé sa philosophie dans une publicité de deux minutes lors de sa campagne au gouvernorat en 2018. Il complétait son sixième mandat comme représentant mais se présentait pour la première fois à un poste qui concerne tout l’État. Il a célébré la diversité dans l’État et sa place de leader de la nation, son appui à des politiques progressistes. À ceux et celles des deux Partis qui décrètent qu’il « n’y a qu’un seul choix, les coupes de budget » il offre une alternative : « C’est une politique d’accusations, une offre de coupes de budgets. Les citoyens.nes de notre État savent qu’il y a mieux  ». Avec son langage à l’emporte-pièce qui met en lumière ses talents d’orateur, il a rappelé aux Minnesotains.es : «  Notre sang (versé) à Gettysburg a sauvé l’Union. Notre acier a servi à construire les tanks qui ont libéré l’Europe. Nos fermiers ont accompli la révolution verte pour nourrir le monde. Notre imagination a transformé la médecine. Ce qu’on décrit souvent comme « le miracle du Minnesota » n’est que ce que nous faisons ici ».

Et en empruntant un page ou deux à Wellstone, il conclut : «  Nous avons donné la preuve que quand nous nous sommes tous et toutes ensemble en un seul Minnesota, nous pouvons faire n’importe quoi. Si Washington ne donne pas le ton, nous le ferons. Dans cet État, nous ne craignons pas l’avenir. Et quand nous nous soutenons, nous gagnons ».

Après ma publication sur Twitter il y a quelques jours, presque un million de personnes l’ont visionnée. Les médias sociaux étaient en fait pleins de clips viraux à son sujet : à cheval à la foire de l’État avec sa fille, donnant des idées pour réparer sa voiture, attachant le soulier d’un.e enfant et signant une loi qui fracasse tous les codes : fournir les déjeuners et les diners à tous les enfants sans exception dans les écoles de l’État. Dans le peu d’espace laissé aux candidats pour faire impression, T. Walz en a laissé une bonne. Des dirigeants.es syndicaux.ales avec une grande influence, comme Shawn Fain du syndicat des travailleurs de l’auto ont commencé à parler de lui comme un véritable allié de la classe ouvrière. Plusieurs de progressistes du Congrès qui ont travaillé avec lui le soutiennent. Lorsque le sénateur indépendant du Vermont, B. Sanders, qui a été élu au Sénat en même temps que P. Wellstone, s’est exprimé à Mankato et Minneapolis la fin de semaine dernière, il a déclaré à la radio publique que T. Walz était le candidat le mieux placé pour défendre les travailleurs.euses du pays : «  J’ai eu la chance de parler avec votre gouverneur il y a quelques jours, il m’a impressionné. J’espère que la vice-présidente nomme un candidat à la vice-présidence qui sera capable de s’en prendre aux intérêts des puissantes entreprises. Je pense que T. Walz peut le faire ».

K. Harris a entendu tout cela. Et elle a reconnu quelque chose de très important en politique. C’est une vraie chance quand un.e candidat.e commence une campagne sans être connu.e même pas à l’intérieur d’une organisation nationale et que très vite c’est l’envolée, l’excitation dans la base d’un Parti qui s’engage dans une campagne de 100 jours pour le futur de la démocratie américaine. Tim Walz l’a fait d’une manière dont aucun de ses adversaires n’étaient capables. Et K. Harris a eu la sagesse et la confiance nécessaire pour faire de ce diplômé du Camp Wellstone son colistier alors que personne ne le voyait venir. Cela a maintenant le potentiel de construire le genre campagne transformative et progressiste qu’il faut avoir pour gagner en novembre prochain.

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