Édition du 12 mars 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Amérique centrale et du sud et Caraïbes

Équateur

Présidence de Correa, d’implacables leçons pour la gauche ?

(Cet article a été écrit pour la revue Inprecor)

On peut l’imaginer facilement : le tremblement de terre qui a frappé le 16 avril 2016 la côte Pacifique de l’Équateur n’a pas manqué de laisser de lourdes traces. Et pas seulement en termes de pertes humaines (près de 700 morts, 6 000 blessés et 30 000 sinistrés) ou de dégâts matériels (entre 3 et 4 milliards de dollars nécessaires pour la reconstruction), mais aussi en termes sociaux et politiques. Car à travers les innombrables effets que ce séisme a produits sur la gestion du pays, on peut apercevoir en filigrane bien des tensions et contradictions qui hantent les politiques actuelles du gouvernement du Président Rafael Correa.

Ainsi, si le gouvernement a pu se mobiliser rapidement pour l’organisation de premiers secours et l’assistance aux populations sinistrées, il n’en a pas moins été obligé de mettre en place une panoplie de mesures fiscales venant renforcer celles déjà en voie d’être prises pour contrer les effets de la crise due à la baisse du prix du pétrole [1]) et dont certaines sont loin de faire l’unanimité. Qu’on songe à ce propos – alors qu’est prévue une baisse de plus de 4 % du PIB pour l’année 2016 – à la hausse de la TVA de 12 % à 14 % (taxe à la consommation). Ou encore à la retenue d’une journée de salaire pour ceux qui gagnent plus de 1 000 dollars par mois (et de 2 et 3 jours pour ceux qui gagnent plus de 2 000 et plus 3 000 dollars, etc.) ainsi qu’à une taxe de 0,9 % pour ceux dont le patrimoine dépasse le million de dollars. Sans oublier – beaucoup moins souvent évoquées – l’ouverture de négociations avec le FMI pour obtenir de nouvelles lignes de crédit ainsi que la vente possible de biens publics.

Au-delà de la portée réelle de ces mesures prises en contexte de récession profonde, il n’a pas manqué de critiques pour rappeler qu’elles ne touchaient que de manière très marginale les grosses fortunes ou les grandes entreprises  [2] et pesaient surtout sur les consommateurs intermédiaires, tout en ouvrant la porte à des mesures néolibérales lourdes de conséquences à moyen et long termes, comme l’endettement auprès d’institutions financières internationales (FMI), ou la vente de biens étatiques. Il n’y a rien donc de très original dans ces décisions sinon un amalgame de mesures mi-chair mi-poisson, dont on a bien des raisons de douter de l’efficacité annoncée et qui tranchent fortement avec les aspirations initiales de la « révolution citoyenne » dont Rafael Corrrea se faisait avec enthousiasme le héraut lors de son premier mandat  [3].

Comment Correa a-t-il réussi à arriver au pouvoir ?

Pour comprendre ce qui s’est passé dans l’Équateur de Correa, pour saisir la nature des changements économiques et sociaux qui ont vu le jour ainsi que le rôle que la gauche a pu y jouer ou y joue encore, il faut aller bien au-delà de ces quelques mesures prises sur le coup d’une situation d’urgence exceptionnelle. Il faut revenir à l’histoire de ce pays et prendre la mesure des formidables bouleversements économiques, mais aussi sociaux et politiques qui à partir des années 1990 ont transformé en profondeur ce petit pays de l’Amérique andine. Car c’est à ce moment-là que les Autochtones du pays – regroupés dans la CONAIE – vont faire brutalement irruption sur la scène sociale et politique de l’Équateur. En alliance avec une coordination de mouvements sociaux urbains allochtones (CMS), et en se dotant en 1996 d’un bras politique, Pachakutik Nuevo Pais  [4], ils vont non seulement engager une lutte décidée et massive contre les politiques d’ajustement structurel ou de dollarisation annoncée de l’économie équatorienne en voie de néolibéralisation rapide, mais aussi et surtout exiger d’être reconnus comme des acteurs à part entière, avec tous les droits économiques, sociaux et politiques qui leur reviennent en tant que peuples ou nations autochtones.

Ce fut, pour ce petit pays où pourtant 40 % de la population sont des autochtones, une sorte de formidable tremblement de terre avant l’heure. Un tremblement de terre social et politique qui se traduira par sept soulèvements massifs (1990, 1992, 1994, 1997, 1998, 2000, 2001), deux renversements de gouvernement réussis (Abdala Buccaram en février 1997 et Jamil Mahuad en janvier 2000) et une participation malheureuse au gouvernement du Président Lucio Gutierrez (2003-2005), qui avait pourtant semblé être le point culminant de ces volontés d’affirmation sociale et politique progressiste et autochtone. Loin en effet de s’engager, comme il l’avait promis à ses alliés autochtones dans un programme de réformes structurelles, ce dernier se rangea brutalement au côté de Washington et se lança dans des politiques si antipopulaires qu’il réussit à coaliser à son encontre un très grand nombre d’opposants qui le forcèrent à démissionner en catastrophe, 24 mois plus tard.

C’est donc dans un contexte de crise institutionnelle persistante que Rafael Correa – candidat à la présidence du pays à la tête d’un regroupement de partis de gauche et centre-gauche Alianza Pais – se présenta aux élections avec l’appui des Autochtones et l’emporta (avec 56,8%) contre le représentant de la droite et magnat de la banane, Alfredo Noboa.

Il reste que dès ce moment-là peuvent se noter – en pointillé – les ambigüités qui hantent le projet d’Alianza Pais et qui au fil des deux mandats du Président Correa (2006-2013 et 2013-2017) apparaîtront chaque fois plus nettement. Surtout si on les met en perspective avec les immenses aspirations de changements qui ont taraudé l’Équateur des années 1990 et qui, non seulement ont revêtu une forme insurrectionnelle, mais aussi ont questionné – au nom du « buen vivir » autochtone et des idéaux égalitaires de la gauche – tant l’ordre néolibéral que les rapports sociaux coloniaux, capitalistes et patriarcaux qui continuaient à marquer de leur sceau la société équatorienne.

En effet, Rafael Correa se définit comme un humaniste et un chrétien de gauche et se présente comme le partisan d’une politique d’intégration régionale, tout en s’opposant à la dollarisation ainsi qu’à la dette illégitime et à un traité de libre-échange (TLC) avec les États-Unis. Plus encore, il a voulu instituer une « révolution citoyenne » et pour cela, venir en aide aux secteurs les plus démunis de son pays en mettant en place une Constituante renforçant les droits collectifs (y compris ceux de la nature) et la plurinationalité de l’État (2008)  [5]. Il a ainsi pris des chemins parallèles à ceux d’Hugo Chávez et Evo Morales et apparaît comme faisant partie en Amérique latine du camp des pays les plus progressistes. Mais malgré cela, il reste que son projet de fond va s’apparenter davantage à un projet de modernisation du pays qu’à un projet de transformation sociale et politique vraiment orienté à gauche. Et cela d’autant plus que la formation politique sur laquelle il s’appuie, Alianza Pais, a certes reçu au départ le soutien électoral du mouvement populaire et autochtone équatorien mais sans lui être lié de manière organique, en restant en dehors de lui et en ne tardant pas à se trouver en opposition directe avec les revendications et aspirations de certains de ses secteurs les plus actifs, en particulier autochtones.

Ces ambigüités premières peuvent d’ailleurs s’apercevoir très clairement au niveau du modèle économique qui a été peu à peu privilégié – un modèle qui pourrait nous servir ici de prisme grossissant pour juger de ce qu’il en est de la nature exacte de cette fameuse « révolution citoyenne » promue par Rafael Correa. Et cela, au-delà même des étiquettes contradictoires (populiste ou socialiste) que ses détracteurs ou défenseurs n’ont pas tardé à vouloir lui accoler, le plus souvent sans grande rigueur.

Un modèle économique « post-néolibéral »…

Il faut néanmoins le reconnaître d’emblée : après des années de politiques néolibérales (1990 et début 2000), le gouvernement Correa a été à l’origine d’une véritable relance économique du pays ; relance dont le carburant premier... a été l’entrée massive de devises (provenant de la rente pétrolière en hausse), et le fer de lance... la construction de routes et de grands travaux d’infrastructure (gare autoroutière, aéroport, tramway, métro, etc.).

Plus encore, le projet économique de « transformation de la matrice productive », qui s’impose surtout à partir du deuxième mandat de Correa, a réussi sans aucun doute à stimuler la production de la plupart des branches économiques du pays, notamment l’agriculture, la pêche et le tourisme. Et il l’a fait non seulement en favorisant au passage une certaine autonomie énergétique (par la construction de barrages hydroélectriques), mais aussi et surtout en cherchant à développer une troisième voie originale entre le secteur public et le secteur privé : la voie des coopératives.

Mais comme au Venezuela, le secteur des coopératives s’est trouvé en concurrence directe avec le secteur capitaliste traditionnel et n’est pas parvenu à s’y substituer, ne serait-ce que minimalement, conduisant dès lors à un résultat paradoxal : alors que d’un côté, on peut noter un investissement public qui augmente constamment depuis 2007 et dépasse même en 2013 et 2014 l’investissement privé, on observe de l’autre une concentration accrue du secteur privé dans les domaines clefs de l’économie, comme les télécoms, les supermarchés, l’automobile, les boissons, etc. On s’aperçoit aussi que les revenus des grandes entreprises occupent une part de plus en plus importante dans le PIB, au détriment des petites et bien sûr des « sociétés mixtes ». Ainsi les 1 000 plus grandes entreprises qui participaient au PIB pour 57,74 % en 2011, y parviennent pour 71,36 % en 2014  [6].

Ce phénomène est particulièrement évident au niveau de l’agriculture où, si l’on a officiellement soutenu la petite production agricole vivrière, on a aussi et surtout en même temps poussé au développement d’une agriculture d’exportation (par exemple production de fleurs, de brocolis, etc.), favorisant sans ambages la constitution de grandes monocultures fort peu écologiques (accaparement de l’eau, utilisation de produits chimiques, etc.) et cautionnant au passage des conditions de travail moyenâgeuses pour les salariés du secteur, en majorité des femmes, travaillant à la journée (ce qui est pourtant interdit), ne bénéficiant ainsi ni de la sécurité sociale ni de la protection de syndicats  [7].

Ce type de développement aurait pu néanmoins faire illusion pendant quelque temps encore si les prix du pétrole – le talon d’Achille d’une économie en grande partie rentière – ne s’étaient pas brutalement effondrés, entraînant ainsi une contraction appréhendée de l’économie en 2016, après une évolution du PIB de +0,4 % en 2015 (mais avec une baisse de 1,1% par habitant), contrastant avec les +7,9 % de 2011  [8]. Le cours du brent (représentant les 2/3 des échanges de pétrole dans le monde) passe ainsi d’une moyenne de 110 $ le baril de février 2011 à juillet 2014 à une moyenne de 50 $ en 2015 puis à 30,69 $ en janvier 2016 et 38,32 $ en mars 2016. Avec son lot de conséquences apparemment inéluctables pour l’Équateur  [9] : comme le gouvernement a vu brutalement fondre ses recettes, il a été tout naturellement poussé à accélérer son cours extractiviste, en se tournant vers l’exploitation d’autres biens primaires comme les ressources minières, et en particulier l’or  [10]

…sans remise en cause du capitalisme !

En fait, ce type de développement économique impulsé par l’État n’a nullement remis en cause l’essence inégalitaire et capitaliste de la société équatorienne. Il convient à ce propos de regarder de près la transformation des conditions de vie des populations les moins privilégiées de l’Équateur en les comparant au reste du continent. Les statistiques de l’Institut national des statistiques et des recensements (INEC) montrent à ce propos une baisse importante du taux de pauvreté, passant de 35,09 % en 2008 à 22,49 % en 2014 pour remonter ensuite à 23,28 % en 2015, et cela même si la disparité reste flagrante entre le monde urbain et le monde rural, avec en 2015 respectivement des taux de 15,7 % et 39,3 %.

Mais la comparaison avec les autres pays d’Amérique latine ne permet pas pour autant d’affirmer clairement que cette baisse est due aux seules politiques sociales du gouvernement. En effet, sur la période 2000/2014, dans tous les pays latino-américains le phénomène est le même, pour les gouvernements néolibéraux comme les gouvernements progressistes. D’ailleurs la CEPAL dans son panorama social de l’Amérique latine de 2013, note explicitement que cette baisse concernant la pauvreté touche tous les pays [11]

Après les années noires de la décennie 1980 et dans une moindre mesure 1990, et après la chute spectaculaire du niveau de vie et la hausse tout autant spectaculaire de gigantesques inégalités, le redressement des données sociales est tout à fait « normal », en particulier dans un contexte de retour de la croissance. La différence marquante entre les régimes dits « progressistes » comme le Venezuela, l’Équateur et la Bolivie réside plutôt dans l’utilisation de la rente pétrolière ou gazière. Dans ces trois pays, elle a servi aussi, en particulier au Venezuela, à développer des politiques sociales, notamment dans les domaines de la santé et de l’éducation.

Mais sur le fond, ces politiques d’assistance ne rompent pas avec la logique capitaliste du système. Non seulement elles se contentent de bonifier le système institutionnel en place sans en changer la structure de fond, mais encore elles restent dépendantes très largement du cours des matières premières et surtout elles créent une clientèle redevable à la politique sociale du gouvernement. Elles ne résolvent pas non plus le problème de l’emploi qui reste le monopole du patronat, et dans une moindre mesure de l’employeur public qu’est l’État.

Quant aux revenus moyens disponibles en Équateur, l’INEC remarque qu’entre 2000 et 2015, ils ont été multipliés par 6 pour les « capitalistes des branches productives » et seulement par 4 pour les « travailleurs productifs salariés » et par 3 pour les « travailleurs des entreprises extractivistes ». Il n’y a donc pas de véritable renversement de tendance quant à la répartition de la richesse. En ce qui concerne les inégalités sociales, la Banque mondiale fait d’ailleurs remarquer que, depuis 2006, tous les pays latino-américains connaissent une baisse des inégalités tirée par la forte diminution de la pauvreté ; les pays plus inégaux restant les pays d’Amérique centrale mais aussi le Brésil, dirigé par le PT, et la Colombie. Dans la zone andine, Pérou et Équateur font jeu égal au niveau de la réduction des inégalités pendant cette période.

Il y a enfin un dernier phénomène majeur sur lequel il faut s’arrêter : l’existence d’une dette externe importante, expression même de la dépendance des économies latino-américaines vis-à-vis des grandes puissances capitalistes du Nord. En Équateur, la dette publique est passée de 10,235 milliards de dollars en 2009 à 32,752 en 2015. Pourtant Correa avait engagé dès 2007 un bras de fer contre l’alliance FMI-Banque mondiale. Il avait réussi à renégocier la dette et obtenu d’effectuer des remboursements sur une somme divisée par 4. Grâce à cette opération, la BCE indiquait que si en 2009 le service de la dette (amortissements et intérêts) s’élevait à 3,87 milliards de dollars (dont 0,35 d’intérêts) il n’était plus que de 0,95 milliard en 2010. Mais il est largement reparti à la hausse pour atteindre 3,16 milliards de dollars en 2015, dont 1,07 d’intérêts. Il reste que, en raison de l’épuisement de ses ressources bancaires suite à la crise pétrolière, l’Équateur n’a plus accès aux prêts bancaires internationaux et seule la Chine prête, mais à des taux d’intérêts de 2 à 3 fois supérieurs à la moyenne [12]. Nouvelle donnée cependant : sentant le pays en situation de fragilité, le FMI vient de négocier un prêt avec l’Équateur, une semaine après le tremblement de terre du 16 avril 2016.

De nouvelles dépendances

Dix ans après la première victoire de Correa en 2006, que reste-t-il des aspirations au changement qu’incarnait si fortement l’idée de révolution citoyenne ? Indéniablement un ensemble de mesures sociales non négligeables, avec à la clef un net renforcement des services publics, particulièrement au niveau de la justice, de la santé et de l’éducation  [13]. Par exemple dans la programmation budgétaire des années 2013-2017, l’équivalent de 1,16 milliard d’euros sera dépensé pour créer de nouvelles universités. Mais sans pour autant que la structure socio-économique du pays ait fondamentalement changé, ni non plus qu’aient été amoindris les mécanismes de dépendance économique. Le secteur bancaire, privé, accuse une forte augmentation des profits pendant que les secteurs industriel et agricole n’ont cessé de se concentrer pour le bénéfice d’une poignée de grandes entreprises. La bourgeoisie de Guayaquil et dans une moindre mesure de Quito continue à détenir la plupart des leviers économiques du pays. Et si le premier pourvoyeur de ressources, le secteur pétrolier, a indéniablement chuté en particulier depuis 2014/2015, le gouvernement a fini par tout faire pour tenter de le remplacer par l’extraction de matières premières tout en étendant au maximum le territoire des concessions pétrolières en Amazonie. Avec tout ce que cela peut impliquer en termes de dégâts environnementaux appréhendés.

Car la politique extractiviste du gouvernement n’a pas questionné de plein fouet le rôle joué par les multinationales étrangères. Elle s’est contentée – ce qui, il est vrai, n’est pas rien – d’exiger des redevances beaucoup plus importantes que par le passé, mais en leur laissant le champ libre pour l’exploitation des ressources et en leur permettant de passer par-dessus les droits inhérents des populations (bien souvent autochtones) vivant sur les terrains convoités, grâce notamment à un article de la Constitution évoquant « l’intérêt supérieur de la nation ». Une Constitution qui pourtant avait été écrite pour mieux protéger les droits des nations autochtones de l’Équateur.

Or on le sait, ces multinationales n’hésitent pas à polluer durablement l’environnement pour extraire à moindre coût les précieux minerais. C’est notamment le cas de l’or extrait dans le sud de l’Équateur pour lequel le cyanure est largement utilisé et rejeté dans les cours d’eau ou disséminé dans les nappes phréatiques. En fait, ce modèle extractiviste ressemble largement à celui en vogue à la fin du XIXe et au début du XXe siècle. La différence principale réside dans le montant de la compensation attribuée aux gouvernements locaux, supérieure à ce qui existait auparavant. Mais le fond reste le même : dépossession de terres ancestrales, contamination systématique, évacuation des populations résidentes, enrichissement des compagnies étrangères, dégradation durable de l’écosystème, sans parler des conditions de travail épouvantables imposées aux travailleurs embauchés sur place.

La dépendance prend ainsi une double dimension : dépendance vis-à-vis de la spéculation internationale quant au prix des matières premières sur lequel l’Équateur n’a aucune prise alors qu’il a tant besoin des revenus réguliers pour se procurer des biens de première nécessité ; mais aussi dépendance vis-à-vis de ce qu’on doit bien appeler la confiscation de la gestion du sous-sol national par de puissantes compagnies étrangères [14].

Outre les conséquences de cette double dépendance, il y en a une autre plus subtile qui est en train de s’immiscer dans le pays. Elle prend la forme d’une bande de prêteurs sur gages, FMI et Banque mondiale en tête, prêts à sauter sur le pays dès que la conjoncture devient défavorable ; ce qui est d’ailleurs en train de se produire avec la contraction violente de l’économie que connaît l’Équateur depuis 2014/2015. Sentant le filon, l’Union européenne s’apprête à signer un accord de libre-échange avec l’Équateur, comme annexe de celui signé avec la Colombie et le Pérou, dont certains articles permettent aux multinationales européennes d’investir dans le pays dans des conditions extrêmement avantageuses et obligeant le pays à ouvrir au marché ses services publics.

Ainsi l’Équateur de Correa n’a pas connu de changements structurels véritables. Certes l’augmentation des investissements publics (notamment dans les infrastructures de transports et l’éducation) comme celle des redevances exigées des multinationales pour exploiter le sous-sol, peuvent atténuer temporairement quelques-unes des sources de mécontentement les plus criants du système. Elles n’en modifient pas pour autant sa nature, ni ne s’attaquent aux formes les plus tragiques de la dépendance dont souffre tant l’Équateur.

Ce constat est d’ailleurs largement confirmé par Correa lui-même. « Le modèle d’accumulation, nous n’avons pas pu le changer drastiquement. Nous avons amélioré les choses, avec le même modèle d’accumulation, avant de le changer. Car notre but n’est pas de nuire aux riches, mais de créer une société plus juste et équitable. » [15]

Les choses sont claires : ni transformation sociale radicale ni anticapitalisme, mais des politiques « post-néolibérales » s’inscrivant dans le cadre d’un capitalisme toujours bien présent. Rien de moins, rien plus ! N’est-ce pas ce qui explique cette déclaration de Correa faite le 3 mai 2016 à propos d’une liste de privatisations de biens publics pour faire face aux effets désastreux du tremblement de terre : « nous devons changer cette richesse en liquidités » ?

Une situation sociale tendue

Depuis la dernière réélection de Correa à la présidence de la République, le 17 février 2013, les mobilisations sociales à l’encontre des politiques gouvernementales se sont grandement amplifiées.

L’orientation « pro-extractivisme » du gouvernement a en effet exacerbé les luttes menées par des populations autochtones inquiètes de voir des multinationales s’installer sur leurs territoires. Et si plusieurs dirigeants du mouvement indigène ont été gagnés, à des degrés divers, aux politiques gouvernementales (Carlos Viteri, Ricardo Ulcuango…), il n’en est rien des populations des villages directement confrontées à l’exploitation minière qui se retrouvent en conflit ouvert avec le pouvoir d’État. Un cas typique en la matière est celui des violentes confrontations dans la région d’Intag autour du projet d’exploitation du cuivre de Llurimagua en septembre 2014. Protestant contre la concession d’une partie de la vallée à l’entreprise chilienne Codelco, une partie des populations décide d’en bloquer l’accès. Ce qui conduira le gouvernement à envoyer l’armée pour occuper le site puis à arrêter les militants indigènes.

Dans les autres couches de la société, c’est la question de la réglementation du travail qui va cristalliser le mécontentement. Dès 2012, la division par trois du salaire des stagiaires en entreprise et la possibilité offerte aux entreprises de réduire le temps de travail avec diminution de salaire en cas de difficulté poussent la FUT (Fédération unitaire des travailleurs) à mobiliser. D’autant plus que cette première réforme est suivie de plusieurs autres retouches de cette réglementation, notamment en 2015 avec la généralisation de la flexibilité du travail  [16], la suppression de 40 % des retraites correspondant à la part versée par l’État et une restriction des droits syndicaux et de grève.

En août 2015, plusieurs organisations syndicales, indigènes et étudiantes élaborent une plateforme revendicative en 13 points. Le président Correa refuse d’en discuter considérant que ce sont des revendications catégorielles. Pourtant, nous trouvons dans ces revendications l’exigence d’une réforme agraire, le refus de l’augmentation des tarifs de transports publics, l’exigence d’une loi sur l’eau la protégeant des privatisations et des multinationales, etc.

Les mobilisations sont fortes, comme cette marche le 13 août 2015, qui regroupe près de 100 000 personnes dans les rues de Quito. La grève et les manifestations couvrent tout le pays pendant plus d’une semaine.

Et cela malgré le fait que le gouvernement n’ait pas hésité à faire largement usage de la répression, modifiant au passage son arsenal juridique, notamment par le biais du décret 16 du 4 décembre 2013, qui criminalise la contestation sociale (les occupations d’entreprise, les blocages de route étant considérés comme des actes terroristes).

En fait, cette cassure entre le mouvement social et le gouvernement est le fruit d’un virage politique qui s’est accentué depuis fin 2012. Depuis lors, le « buen vivir » se réduit chaque fois plus à la croissance économique à tout prix. Pendant que la « révolution citoyenne » se voit ramenée à la promesse d’une allégeance obligatoire aux seules institutions représentatives, calquée sur le schéma de la démocratie parlementaire que nous retrouvons dans les pays occidentaux.

La fragmentation de la gauche

On comprendra que devant un bilan aussi contrasté, la gauche équatorienne, qui avait au départ appuyé – presque toutes tendances confondues – les aspirations au changement social dont la « révolution citoyenne » paraissait être le symbole, ait peu à peu connu des processus de distanciation et de division, en restant aujourd’hui passablement partagée quant au jugement à porter sur cette révolution.

Le cas d’Alberto Acosta est à ce sujet révélateur, lui qui fut président de l’Assemblée constituante équatorienne tout en étant une des figures fortes de la gauche au sein d’Alianza Pais : en 2008 il a démissionné avec fracas de ses fonctions (pour désaccord avec le Président Correa quant à la durée de l’Assemblée constituante), en cherchant par la suite à regrouper autour d’un projet véritablement alternatif (anti-extractiviste, favorable au « buen vivir », etc.) les forces encore éparses d’une nouvelle gauche. Mais pour l’instant sans grand succès, en restant passablement isolé, tout au moins en termes électoraux  [17].

Mais Alberto Acosta n’est pas le seul. On pourrait dire la même chose de secteurs importants du mouvement autochtone et de certains mouvements sociaux allochtones, syndicaux (FUT) ou urbains (groupes écologistes, féministes, etc.) qui se sont très vite confrontés, chacun à leur manière, aux limites et diktats de la gestion gouvernementale correiste, surtout au cours de son deuxième mandat. Car c’est là une autre dimension problématique de cette « révolution citoyenne ». En même temps qu’on s’attachait en son nom à façonner une « nouvelle matrice productive », on développait vis-à-vis des mouvements sociaux des formes de contrôle de plus en plus envahissantes et serrées : soit en créant de toutes pièces des organisations sociales pro-gouvernementales rivalisant avec les organisations déjà en place (comme la CUT créée en novembre 2014), soit en développant auprès des secteurs les plus défavorisés des rapports de type directement clientélistes, soit en s’engageant auprès des opposants les plus notoires dans des politiques directement répressives  [18]

On se trouve ainsi en Équateur, en ce milieu de l’année 2016 et à un an des élections présidentielles de 2017, devant un curieux panorama politique où – avec l’épée de Damoclès de la crise et de la reconstruction au-dessus de tout un chacun – rien de très clair politiquement parlant ne semble se dessiner à l’horizon. Alors que la droite reprend vigueur et fourbit ses armes autour d’un possible candidat rassembleur comme le banquier de Guayaquil, Guillermo Lasso, Alianza Pais reste à la recherche d’un candidat galvanisant puisque jusqu’à présent Rafael Correa n’a pu obtenir des tribunaux qu’on lui reconnaisse le droit de se présenter une nouvelle fois à la présidence (il ne pourra le faire qu’en 2022)  [19]

Deux candidats paraissent donc prêts à entrer en lice : Lenin Moreno, ancien vice-président de 2009 à 2013 aux sensibilités plus consensuelles et Jorge Glatz (l’actuel vice-président) plus lié aux milieux d’affaires de Guayaquil, mais sans pour autant que l’on puisse départager à l’heure actuelle les chances exactes des deux.

Du côté de la gauche oppositionnelle et non gouvernementale, rien n’est encore définitivement décidé, même si Pachakutik Nuevo Pais vient de se doter d’un nouveau coordinateur plus à gauche (Marion Santi) et si les noms de Enrique Ayala Mora, ex-recteur de l’université Andina Simon Bolivar, et de Paco Montoya, ancien général et ex-maire de Quito, sont le plus souvent avancés pour servir de figures de ralliement et tenter de faire mieux qu’Alberto Acosta en 2013.

Tout reste donc incertain, avec un seul constat assuré : celui de forces de gauche profondément divisées et fragmentées. Poussant certains – stimulés en cela par l’offensive d’une droite chaque fois plus agressive – à défendre bec et ongles les conquêtes gouvernementales, mais sans aucun recul ni sens critique digne de ce nom. Pendant que d’autres – ayant rompu à un moment ou à un autre avec le gouvernement – ont tendance à « diaboliser » sa gestion, de manière réactive et sans nuances, se montrant souvent incapables de proposer des pistes de rechange concrètes et constructives, encore moins des alternatives pensées sur le long terme [20]

Des leçons pour la gauche ?

Quelles leçons en tirer, pour la gauche équatorienne et plus généralement pour la gauche latino-américaine qui se trouve devoir faire face en même temps à une offensive tous azimuts menée par une droite arrogante et vindicative, en particulier en Argentine, au Venezuela et au Brésil ?

En fait pour répondre à une telle question, il faut se souvenir du contexte dans lequel, tout comme la révolution bolivarienne au Venezuela et indigène en Bolivie, la « révolution citoyenne » en Équateur, a démarré au milieu des années 2000 et soulevé d’immenses espoirs de changements.

Il s’agissait alors, dans le sillage d’expériences politiques (post chute du mur de Berlin), de donner naissance à des expériences collectives et novatrices de changement social capables tout à la fois de dépasser les apories et impasses des expériences dites socialistes du passé, et de mettre un terme aux effets dévastateurs des politiques néolibérales qui s’étaient abattues sur l’Amérique latine et avaient provoqué, comme en Équateur, de véritables crises institutionnelles. D’où leur label révolutionnaire fièrement revendiqué : citoyenne, bolivarienne, indigène ! D’où cette attention nouvelle portée à la condition autochtone, ou aux expériences de gestion participative et à ses exigences démocratiques impératives. D’où cet intérêt indéniable pour des processus constituants porteurs de nouveaux droits (y compris pour la nature) et générateurs d’un contrat social qui pourrait être entièrement renouvelé. D’où enfin les chemins inattendus que chacune de ces expériences a pu concrètement prendre, au fil de mobilisations populaires et d’élections ou réélections imprévues et sur lesquelles nombre d’observateurs avaient fini par jeter un regard passablement ouvert, tant, en ces temps de néolibéralisme conquérant, on pouvait facilement y voir des signes d’espoirs et de renouveau politique indéniable.

Il n’en demeure pas moins que la révolution citoyenne de l’Équateur – à l’égal de ces autres ébauches de processus de transformation sociale en Bolivie et au Venezuela – a eu tendance à faire l’impasse sur certains acquis de fond qui faisaient pourtant partie de l’héritage historique de la gauche. Et parmi ceux-ci, il y a la prise en compte de la question centrale des rapports de production économique capitaliste ainsi que de celle du type de propriété qu’ils impliquent et des inéluctables conflits qu’ils génèrent [21]

Si quand on est de gauche, l’on doit bien entendu tenir compte des réalités nouvelles qui naissent au fil d’une histoire en perpétuelle transformation, et si par conséquent on doit être attentif aux nouveaux rapports de forces en présence tout comme être partie prenante des combats inédits stimulés par de nouveaux et dynamiques mouvements sociaux (féministes, écologistes, autochtones, etc.), on ne peut pas pour autant oublier le poids déterminant des rapports de production capitaliste qui n’en continuent pas moins à exister et à rebrasser dans un curieux maelstrom toutes les autres formes d’inégalités et de dominations (coloniales, patriarcales, etc.) héritées du passé.

Les oublier : c’est un peu ce qu’a eu tendance à faire cette gauche gouvernementale latino-américaine qui, une fois au pouvoir, a relégué aux oubliettes ces implacables questions, finissant ainsi par reprendre le chemin, mais aussi et surtout les ornières et les voies sans issue du « nationalisme-populaire » latino-américain le plus traditionnel.

N’est-ce pas la situation dans laquelle se trouve aujourd’hui l’Équateur de Correa ? Et n’est-ce pas à cela que la gauche – quand elle évoque comme elle le fait aujourd’hui « la fin d’un cycle » ou « l’épuisement d’un projet de développement social et économique » – devrait s’employer à réfléchir en profondeur ?


4 juin 2016
* Les deux auteurs sont spécialistes de l’Amérique latine et ont récemment séjourné en Équateur. Patrick Guillaudat est syndicaliste SUD, militant du Nouveau parti anticapitaliste (France) et de la IVe Internationale. Pierre Mouterde, sociologue, est militant de Québec Solidaire. Ils ont publié dernièrement Hugo Chávez et la révolution bolivarienne – Promesses et défis d’un processus de changement social, M éditeur, Montréal 2012.


[1Il y était prévu, entre autres choses, d’augmenter les taxes sur les cigarettes, l’alcool, les boissons gazeuses et sucrées ainsi que sur la téléphonie fixe et mobile.

[2Notamment celles qui se sont enrichies à travers les grands travaux promus depuis 2006.

[3Voir à titre d’illustration la déclaration faite le 28 septembre 2008 par Rafael Correa, suite à la victoire du « oui » au référendum constitutionnel : « Aujourd’hui l’Équateur s’est prononcé pour une nouvelle nation. Les vieilles structures ont été détruites par cette révolution citoyenne. »

[4Littéralement, « le retour des bons temps, nouveau pays ».

[5Au-delà de certaines limitations qui lui sont propres, cette nouvelle Constitution représente néanmoins d’indéniables avancées pour les droits fondamentaux. Le problème réside plutôt dans le fait d’avoir la volonté politique d’en faire concrètement appliquer les principes.

[6Données recueillies par Alberto Acosta sur les bases des résultats de la BCE (Banque centrale d’Équateur) et de la Superintendancia de Compañias

[7Voir à ce propos la minutieuse enquête menée par François Houtard à propos de deux entreprises équatoriennes (BrownvilleInvestment et Corola N.V.), présentées comme modèle par le gouvernement Correa de sa « nouvelle matrice productive », et spécialisées l’une dans la production de brocolis, l’autre dans leur conditionnement pour l’exportation aux États-Unis, en Europe, au Japon et en Israël. Le tout, en sachant que ces pays vers lesquels on exporte ces brocolis en produisent déjà, et que le capital de ces deux entreprises équatoriennes se trouve à Panama et dans les Antilles néerlandaises. Cette enquête aurait pu ainsi avoir pour titre : « Comment construire le socialisme du 21e siècle avec le capitalisme du 19e siècle ». Voir http://cadtm.org/El-brocoli-amargo

[8Données économiques de la CEPAL (Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes – ONU)

[9Le pétrole extrait en Équateur est considéré de moins bonne qualité et est descendu jusqu’à 14 $ le baril.

[10Dans une interview au quotidien le Monde du 9 décembre 2015, il affirme sans ambages : « Nous avons dit clairement que nous allions utiliser jusqu’à la dernière goutte de pétrole pour sortir au plus vite de la pauvreté. »

[11Cette remarque vaut pour les autres sources statistiques, comme celles de la BID (Banque interaméricaine de développement). Il en va de même avec la baisse du taux de chômage.

[12La Chine est devenue un partenaire économique de premier plan pour l’Équateur. Mais pas toujours de la façon dont on l’imagine. Ainsi les Chinois achètent 60 % du pétrole équatorien, mais sans que celui-ci arrive pour autant en Chine. Car une fois acheté par eux, le pétrole est revendu aussitôt à une compagnie offshore équatorienne, et cela dans des conditions très avantageuses pour cette dernière (2 % de royalties plus 5 dollars par baril) qui le revend alors à des compagnies pétrolières américaines. De leur côté, avec les dollars obtenus par cette vente, les Chinois achètent du pétrole iranien dont le transport vers la Chine coûte beaucoup moins cher que s’ils avaient à le faire transiter depuis l’Équateur. 

[13Les inscriptions dans le système public d’éducation ont augmenté pour atteindre les 80 % pendant qu’elles ont baissé dans le système d’éducation privé à 20 %. De leur côté, les investissements dans l’éducation ont été multipliés par 3. On a réussi à universaliser la fréquentation du niveau primaire (à 97 %). Au niveau du secondaire il y avait 40 % d’inscription en 2006 et depuis on a réussi à atteindre les 65 %. Il y a donc eu une bonne amélioration, même si un tiers de la population n’arrive pas à accéder à l’éducation secondaire et qu’il y a encore des différences importantes pour les peuples autochtones et les afro-équatoriens.

[14Voir le cas exemplaire d’OCCI, qui, selon les termes du contrat qui le liait à l’État équatorien, ne pouvait pas vendre sa concession à une entreprise tiers (canadienne). Elle le fit pourtant en toute impunité au temps du Président Palacios (2005-2006) et reçut malgré tout l’appui du tribunal arbitral de la Banque mondiale qui trancha en sa faveur. L’État équatorien dut ainsi payer 1, 5 milliard de dollars d’amende à l’OCCI.

[15Telegrafo du 15 janvier 2012.

[16L’ancien ministre du travail, Francisco Vacas, estimait dans une interview à El Comercio du 21 février 2016, que « la flexibilité permet aux entreprises d’embaucher ». Un discours qui ne nous est pas inconnu…

[17Alberto Acosta s’est présenté aux élections de 2013 comme candidat à la présidence et contre Rafaël Correa, sur une plateforme clairement campée à gauche et fortement imprégnée de préoccupations écologiques. Il n’a cependant récolté que 3 % des suffrages.

[18En particulier lors de la grève générale et les grandes manifestations d’août 2015 sévèrement réprimées par le gouvernement Correa. Mais on pourrait évoquer l’arrestation, le 18 décembre 2015, du leader autochtone Carlos Perez Guartembel ainsi que l’expulsion du pays de sa compagne Manuela Picq, suite au non-renouvellement de son visa par les autorités. Voir aussi la fermeture de la « Fundacion Pachamama » en décembre 2013, spécialisée dans la défense des peuples autochtones ainsi que fin 2014 la menace d’expulsion de la CONAIE de son siège historique à travers la révocation unilatérale du contrat de prêt à usage établi en 1991, et contre laquelle se dressèrent publiquement 450 intellectuels latino-américains.

[19Il vient d’annoncer officiellement qu’il ne se représenterait pas comme candidat, même si le collectif « Rafael toujours avec toi », jouant sur les volontés d’union nationale surgies dans le sillage du tremblement de terre, avait repris du service et menait campagne pour tenter de modifier le dernier jugement de la Cour constitutionnelle et lui permettre ainsi de se présenter.

[20Ainsi par rapport à la loi sur les médias et la presse que le gouvernement de Correa a cherché à faire passer et qui s’attaquait aux grands monopoles médiatiques, la gauche s’est opposée avec vigueur sur le mode réactif, mais sans prendre la peine d’en faire ressortir les aspects positifs et d’amender les articles discutables.

[21Voir à ce propos la judicieuse mise en perspective historique effectuée récemment par Horacio Gonzales (sociologue et directeur de la Bibliothèque nationale d’Argentine) rappelant dans l’article intitulé « El Estado y el Jardín » (L’État et le jardin) dans Pagina 12 du 9 décembre 2015 « le reproche que Marx adressait à la Commune de Paris, elle qui au milieu de tant de passions, de tant de mobilisation, de tant de ferveur exprimée dans les rues, n’avait même pas songé à toucher aux plus minimes des intérêts de la banque Rothschild, qui a fonctionné normalement. Tant de barricades et aucun acte expropriateur ».

Pierre Mouterde

Sociologue, philosophe et essayiste, Pierre Mouterde est spécialiste des mouvements sociaux en Amérique latine et des enjeux relatifs à la démocratie et aux droits humains. Il est l’auteur de nombreux livres dont, aux Éditions Écosociété, Quand l’utopie ne désarme pas (2002), Repenser l’action politique de gauche (2005) et Pour une philosophie de l’action et de l’émancipation (2009).

Sur le même thème : Amérique centrale et du sud et Caraïbes

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