Édition du 26 novembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Québec

Réfléchir

Avec les nouvelles en continu et les réseaux sociaux, il semble que nous souffrons d’amnésie collective. Autour du vendredi 13 mars, nous sommes entrés en confinement, car on nous disait qu’il fallait aplatir la courbe de contamination. On voulait éviter l’effet exponentiel de la maladie, car une personne contaminée peut en contaminer trois qui peuvent chacune contaminer trois nouvelles personnes. Le 11 mai, les écoles vont rouvrir progressivement, alors la question essentielle à se poser si l’on réfléchit sérieusement : est-ce que la situation initiale a changé ?

1) Le virus est-il disparu ? Non. Comment empêche-t-on sa transmission autrement que par le confinement ? Par des mesures sanitaires strictes.

2) A-t-on des mesures sanitaires strictes mises en place ? Non. Comment évite-t-on un regain de contamination ? Par un plan.

3) Le gouvernement a-t-il établi un plan strict de mesures sanitaires dans son plan de déconfinement ? Non. Comment développe-t-on un plan efficace ? Par la pédagogie et l’information, on s’assure que les travailleurs peuvent suivre des règles claires, planifiées à l’avance et qu’ils ont les protections adéquates, tels les gants et les masques.

4) Le plan de déconfinement a-t-il été planifié et expliqué minutieusement ? Non. Comment s’assure-t-on l’adhésion au plan par les citoyens ? Par la démonstration qu’on s’appuie sur les informations scientifiques les plus récentes sans idéologie ou programme politique.

Que nous dit la science ? Déjà, l’institut national de santé publique du Québec (INSPQ) sur son site affirme : « Les jeunes de moins de 20 ans représentent 20 % de la population québécoise. Même s’ils devenaient tous infectés grâce à un retour à l’école, le Québec serait loin d’avoir suffisamment d’individus immuns pour profiter d’une immunité de groupe. Par contre, il est certain que l’infection des enfants contribuerait à une transmission substantielle de la COVID-19 à leurs parents et aux autres adultes qui les entourent et pourrait ainsi entraîner un grand nombre d’hospitalisations(1) » . Les principales victimes sont les personnes âgées pour le moment. Sait-on si d’autres personnes peuvent être frappées ? Des trentenaires et quarantenaires sont parfois très gravement touchés(2) . En Grande Bretagne, on sonne l’alarme sur des cas d’enfants qui pourraient avoir de fortes réactions inflammatoires possiblement en lien avec le virus(3) . Moins de 5% de la population a été exposée pour l’instant, toujours selon l’INSPQ, donc ces cas vont aller en augmentant. Affirmer que les enfants ne sont pas touchés est faux, affirmer que les adultes sans comorbidités sont en sécurité est aussi faux.

Sait-on si l’on reste immunisé pour de bon ? Non. Sait-on si le virus disparaît pendant l’été ? Non. On peut juste le souhaiter, mais pas le présumer. Peut-on développer une « immunité collective » en l’absence d’un vaccin ? Pour ce faire, il faudrait qu’environ 70% des gens attrapent le virus(4) . Certains seront asymptomatiques, autour de 10% auront de graves complications et le taux de mortalité pourrait être de 1%. Si on estime à 70% sur une population de 8 millions, on aura donc 5 600 000 personnes atteintes, 560 000 gravement malades et plus de 50 000 décès (l’autrice de ses lignes n’est pas statisticienne ni épidémiologiste, elle essaie juste d’illustrer la situation) Combien de lits a-t-on pour les soins intensifs ? 1000(5) . Idéalement, pour que l’on puisse traiter tous les cas graves, il faudrait qu’il n’y ait pas plus de 1000 malades aux soins intensifs par mois. En 560 mois, on devrait réussir à tous les soigner. Mais, pour cela il faudrait grandement aplatir la courbe. Pour l’instant, le seul moyen efficace connu pour aplatir la courbe est… le confinement.

On veut repartir l’économie, dit-on. A-t-on pensé à quel prix ? Possiblement un demi-million de personnes qui ne pourraient pas travailler pendant plusieurs semaines, parfois quelques mois. Un demi-million de personnes qui devraient être hospitalisées aux soins intensifs et dont on devrait payer, collectivement, les soins. En comparaison, on reçoit, par an, 50 000 nouveaux arrivants et on trouve que c’est beaucoup. La Covid toucherait 10 fois plus de personnes gravement. Il y aurait 100 000 malades de plus que les 400 000 personnes assistées sociales dont on se plaint qu’elles coûtent cher. 7 personnes sur 100 pourraient passer un sale quart d’heure. A-t-on le goût de jouer à ce genre de loto ?

Oui, il y a de la violence domestique, certains enfants ne mangent pas à leur faim, ils s’ennuient, dépriment, sont anxieux, auront peut-être des carences dans leur éducation, mais ce ne sont pas des arguments scientifiques qui peuvent justifier le retour à la normale. Ne soyons pas hypocrites : quand la situation est normale, il y a de la violence domestique, des enfants négligés, des décrocheurs et beaucoup de problèmes de santé mentale. La différence est qu’on y est d’ordinaire complètement indifférents, car, si c’était réellement des préoccupations capitales pour la société, aurait-on laissé passer le filet social et la sécurité collective dans le hachoir depuis 1995 ? Il y a de grandes inégalités sociales. Déconfiner changera-t-il ces faits sociaux ? Pas le moins du monde. Les riches seront encore riches et les pauvres encore pauvres. Le virus fait-il de l’analyse sociologique ? Se laisse-t-il attendrir par l’injustice ? Pourrait-on le convaincre par de bons raisonnements ? Non, non et non. Le virus ne fait qu’une chose. Il contamine et tue. Est-ce que la situation initiale a changé ? Non. Voilà pourquoi, avant d’agir il faut réfléchir, car les conséquences en sont mortelles, il se pourrait que nous soyons à nouveau forcés en confinement et, qu’en plus, les morts s’amoncellent. Les calculs pour une réélection en 2022, les revenus publicitaires des journaux, la cote de popularité sur Facebook ou Twitter n’ont rien à faire dans l’équation. Nous ne devons pas faire des statistiques comptables, mais vitales.

(1) [https] ://mobile.inspq.qc.ca/publications/2983-immunite-groupe-covid19 ?fbclid=IwAR2PbeYTCJTS2sklbDSnGej4emKnv-bpQjpgTLPwSOvDLjBVTyff-CVW4QI
(2)https://www.lapresse.ca/covid-19/202004/27/01-5271122-une-autre-mauvaise-surprise-de-la-covid-19-des-caillots-de-sang.php
(3) https://www.theguardian.com/world/2020/apr/27/nhs-warns-of-rise-in-children-with-new-illness-that-may-be-linked-to-coronavirus?CMP=fb_gu&utm_medium=Social&utm_source=Facebook&fbclid=IwAR1LzItTZhD8lpzeDXjv5YjQsU1dMDHeBU4OZJA5uvz5RBFfksk0Ai3Z1vo#Echobox=1587989039
(4) GIDEON MEYEROWITZ-KATZ, Here’s Why Herd Immunity Won’t Save Us From The COVID-19 Pandemic, Science alert, 30 mars 2020.
(5) https://www.quebecscience.qc.ca/sante/nombre-lits-soins-intensifs-quebec-covid19/ ou

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par les responsables.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Sur le même thème : Québec

Sections

redaction @ pressegauche.org

Québec (Québec) Canada

Presse-toi à gauche ! propose à tous ceux et celles qui aspirent à voir grandir l’influence de la gauche au Québec un espace régulier d’échange et de débat, d’interprétation et de lecture de l’actualité de gauche au Québec...