Édition du 3 décembre 2024

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Sauver le climat, battre Harper et changer le monde

La décision concernant le développement du projet Northern Gateway est attendue la première semaine de juin. Le niveau du suspense est nul. Tout le monde le sait, Stephen Harper serait l’unique Canadien à soutenir le projet qu’il irait de l’avant malgré les référendum perdus, les oppositions citoyennes et autochtones, en niant les responsabilités canadiennes et les impacts de l’expansion de l’industrie des sables bitumineux sur les changements climatiques. Comme il le disait si bien à Barack Obama récemment sur le pipeline Keystone XL : « Nous n’accepterons PAS un ’non’ comme réponse ! »

Alors, est-ce la fin de l’histoire ? Non ! Cette même première semaine de juin 2014, un processus sans précédent visant la création d’une Assemblée des mouvements sociaux du Québec, du Canada et des Premières Nations sur le Climat s’initiera à Montréal, là même où se déplacera en partie l’attention pro-oléoduc gouvernementale puisqu’au moins deux projets majeurs doivent désormais traverser le Québec.

Les documents de présentation du processus d’Assemblée sont clairs ; l’Assemblée voudra directement s’attaquer à la question du développement des sables bitumineux, principal responsable des augmentations faramineuses d’émissions de gaz à effet de serre canadiennes.

Le péril climatique

Depuis le premier rapport du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) en 1990, il est clair que les émissions de gaz à effet de serre provoquées par la combustion de pétrole, de gaz et de charbon bouleversent le climat mondial. Les changements climatiques ont même déjà commencé, avec une augmentation de 0,8°C par rapport à la période précédant la révolution industrielle. À l’heure actuelle, le monde se dirige non pas vers 2°C d’augmentation, mais plutôt vers une augmentation vertigineuse de 4°C à 5°C, prévient l’Agence internationale de l’énergie.

Harper dans le déni

Pendant ce temps, le gouvernement Harper refuse de reconnaitre l’urgence du problème et d’offrir des solutions pour assurer le respect de cibles climatiques crédibles. Au contraire, il s’est attaqué aux processus qui devraient normalement protéger l’environnement, d’où l’importance de se mobiliser massivement, et vite, autour de cette question.

Par son projet de loi omnibus C-38, il a réduit nettement les évaluations environnementales des nouveaux projets de sables bitumineux et d’autres projets fortement émetteurs. Il a remis en question l’intégrité territoriale des Premières nations dans son deuxième projet de loi mammouth C-45. Il a ensuite cherché à déstabiliser les groupes environnementaux en leur faisant subir des vérifications comptables disproportionnées et une surveillance digne d’un roman de George Orwell. Alors que les règles pour limiter les émissions du secteur du pétrole et du gaz se font toujours attendre, le gouvernement Harper accorde année après année des subventions de 1,4 G$ aux pétrolières.

Une alliance extraparlementaire pour sauver le climat

Les conservateurs sont tellement attachés à la croissance des sables bitumineux pour réaliser leur programme économique extractiviste qu’ils nient carrément que les changements climatiques soient un réel problème. Les autres partis apparaissent plutôt timides sur la question et ne se pressent pas pour introduire, comme cela se fait dans certains pays nordiques, des plans de sortie du pétrole.

La balle est donc essentiellement dans le camp de la société civile qui lancera donc le 6 juin un processus sans précédent réunissant les forces de l’Est et de l’Ouest, avec les communautés autochtones au sein d’une alliance extraparlementaire large pour, d’une part, forcer le parti conservateur à modifier son approche et, d’autre part, forcer les autres partis, s’ils souhaitent prendre la place de Harper, à adapter leurs plateformes pour répondre au problème climatique. La rencontre de juin culminera par une rencontre plus large encore, prévue au sein du Forum social des peuples où plus de 10 000 personnes sont attendues, du 21 au 24 aout à Ottawa.

Le climat : un enjeu stratégique pour les mouvements sociaux

L’Assemblée sur le climat sera la toute première initiative regroupant des forces de partout à l’échelle du territoire canadien. Groupes écologistes, autochtones, associations citoyennes, jeunes, scientifiques, tous ceux et celles qui sont en marche sur cet enjeu seront présents.

Le mouvement environnemental canadien est très dynamique et inspirant, mais il ne peut à lui seul porter le combat contre les changements climatiques. Ainsi la seconde innovation de l’Assemblée sera d’impliquer dans cette lutte les autres éléments du mouvement social. Les renforts des travailleuses, des travailleurs, des étudiantes et des étudiants, de la population autochtone, de citoyennes et de citoyens de tous les secteurs de la population au Canada sont nécessaires.

L’automne dernier, Naomi Klein rappelait aux membres du nouveau syndicat UNIFOR que lutter contre les changements climatiques revient à lutter pour des mesures qui sont des revendications historiques du mouvement syndical et communautaire.

L’Assemblée sur le climat proposera donc de faire de la lutte aux changements climatiques un outil pour donner un nouveau souffle aux luttes actuelles et au combat historique de la société civile en faveur de la justice sociale. Considérant la stratégie unique du gouvernement Harper pour le pétrole, ce nouveau souffle pourra fragiliser l’alliance entre l’industrie pétrolière et le gouvernement Harper.

Le cœur de la bête

Adopter la lutte aux changements climatiques comme pierre angulaire d’une stratégie contre Harper ne peut que paver la voie à un avenir où les gouvernements qui choisiraient de défendre une vision étriquée de l’action publique, de la citoyenneté et de la démocratie, et qui tenteraient de faire primer les intérêts corporatifs sur le bien commun, seraient évincés du pouvoir et maintenus à l’écart.

Bien sûr, cette lutte ne sera pas chose aisée. Après tout, elle vise le cœur de la bête : le libre-marché, la dérèglementation, le néolibéralisme, l’extractivisme. De puissants lobbys et des groupes d’intérêt se dresseront. Mais cette stratégie est le chemin le plus direct vers le retour de la justice sociale et du respect de la nature comme valeurs phares du débat public.

La lutte contre les changements climatiques est celle contre un système au cœur du gouvernement fédéral actuel. Et bien au-delà du citoyen Harper ou du Parti conservateur, quand nous ébranlerons ce système, nous changerons le monde.

Michel Lambert

Directeur général d’Alternatives.

http://journal.alternatives.ca

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