Édition du 3 décembre 2024

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International

Stop à la talibanisation du Sud-Asiatique, protégeons les femmes !

Vous pensez au diable et il apparaît ! (…) les combattants talibans sont ainsi apparus sur les écrans de télévision et dans la géopolitique mondiale. Cette fois ils sont venus présenter un traité de paix qui au lieu de l’amener a soulevé des réactions négatives partout dans le monde. La paix en échange de la charia.
Cela ressemble bien à un contrat pour perdants.

Amrita Naudy-Joshi, coordonnatrice du « South Asian Women’s Network »
Countercurrents.org, 29 avril 2009.
Traduction : Alexandra Cyr.

Mise en contexte de la traductrice :
Fin mars dernier, le gouvernement pakistanais a conclu un accord de paix avec les Talibans du district de Swatt. Ils acceptaient de cesser les attaques contre l’armée et leur pénétration dans le pays et le gouvernement leur concédait le pouvoir sur l’administration de la justice du district soit l’application de la charia. Cet article s’y réfère explicitement.

Alors que les Talibans bénéficient d’une attention soutenue de la part de la communauté internationale, leur signature sur ce traité qui légalise le traitement barbare des femmes, n’a pas attiré l’attention ni soulevé le niveau d’alarme qu’il aurait dû. Pourtant, le monde a été témoin du sort réservé aux Afghanes au moment du pouvoir taliban ; comment elles sont devenues un butin de guerre, ont été asservies et exploitées sous ce régime de lois draconiennes. En même temps que l’installation talibane de « l’apartheid de genre » gagne malheureusement du terrain au Pakistan, d’autres femmes de d’autres pays de la région subissent la pression de la montée des intégrismes religieux. Il est temps de dépasser le simple constat de l’horreur.

En Asie du Sud, la démocratie a fait quelques apparitions mais pour ce qui est des droits des femmes, ils y sont attaqués par presque tous. Dans presque tous les pays de la région c’est le fondamentalisme qu’on doit accuser et singulièrement les fondamentalismes religieux. L’histoire est pleine d’exemples sur les liens directs entre les fondamentalismes religieux et le manque de droits des femmes. Quelle que soit la religion, les fondamentalistes mettent toujours l’accent sur une interprétation singulière des textes qu’ils revendiquent être la seule véritable interprétation. Donc, ils s’opposent vigoureusement à toutes les autres, spécialement à celles plus ouvertes et plus diversifiées sur le plan philosophique. Ils utilisent souvent la propagande pour imposer leur vision à leurs co-religionnaires. Le patriarcat comme agent de contrôle absolu et de prise de décision dans la famille et en dehors, siège au cœur de tous ces fondamentalismes. C’est ainsi qu’ils imposent aux femmes un code strict de comportements et l’esclavage, les enferment dans la maison en même temps qu’elles deviennent les gardiennes de la morale et de l’honneur de la famille.

Les Talibans sont le meilleur exemple de cette position religieuse fanatique. Avec l’étalage public de leur misogynie, ils placent pour ainsi dire, les femmes aux arrêts à domicile. Ils ont fini par être perçus comme les porte drapeaux de l’oppression des femmes. Peu après leur prise du pouvoir en Afghanistan, en 1996, ils ont nié aux femmes leur identité, leur droit de parole et leur mobilité en édictant des règles strictes leur interdisant l’accès à l’école, à l’université et au travail. Ils leur ont aussi interdit de sortir de la maison sans être accompagnée par un homme ou un garçon de la famille. Ils leur ont imposé le port de la burka. Les femmes et les fillettes étaient interdites de soins médicaux prodigués par un homme, alors que les femmes médecins n’avaient pas le droit de travailler ! L’obéissance aux règles était assurée notamment par les lapidations publiques.

Les Talibans justifient leurs lois par leur idéologie purement fondamentaliste de l’Islam. Pourtant, bien des érudits religieux ont critiqué leur interprétation de la charia soulignant entre autre, que rien dans l’Islam n’interdit aux femmes de participer à la vie publique. Il semble que les cinquante-cinq membres de la Conférence islamique refusent de les reconnaître. Les Frères musulmans égyptiens, bien connus pour leur ultra conservatisme, condamnent leurs lois.

Ailleurs dans le Sud asiatique, les zélés se font aussi valoir. Bien des incidents sont survenus, dont la lapidation de jeunes femmes pour avoir commis le « crime » de se remarier une fois veuves. Mais le Bengladesh porte la honte de l’affaire Taslima Nasreen. Elle parle de la colère des fondamentalistes de ce pays lorsqu’elle a publié son livre, « Lajja ». [1] Elle y expose les persécutions que subissent les minorités religieuses de son pays, aussi bien que l’oppression des femmes toujours au nom de la religion. Ils ont édicté une « fatwa » contre elle, promettant une récompense à quiconque l’assassinerait. Sous leur pression, le gouvernement a émis un mandat d’arrêt contre elle, invoquant « l’offense à la religion ». Elle a même été menacée et attaquée en Inde par des groupes fondamentalistes qui se disaient « blessés » par ses propos. Des groupes de la droite Indu en ont profité pour faire valoir leurs positions misogynes. Un récent exemple d’attaques contre les femmes a eu lieu à Bengalore. Une publicité condamnait un groupe de femmes parce qu’elles seraient sorties avec des hommes, auraient bu de l’alcool et porté des vêtements occidentaux. Donc, tous les signes de la soi-disant « dégénérescence » de ces femmes méritent punition, selon les intégristes. (…)

Toutefois, au-delà des doctrines religieuses extrémistes, les femmes du Sud asiatique vivent dans une culture patriarcale dominante qui les tient sous contrôle. La violence contre elles est répandue dans tous les pays de la région. Depuis des siècles les coutumes, les traditions et les religions sont reconnues comme sièges de convictions bien enracinées contre les femmes, les tenant dans des rôles marginaux et leur imposant des identités dévalorisantes.

La vague de mondialisation et de multiculturalisme qui nous a submergéEs ces dernières années, n’a pas réduit l’emprise du patriarcat. Les préjugés contre les femmes continuent de fleurir dans toutes les classes sociales, les castes et les groupes ethniques. La violence familiale, le viol, l’obligation de dots, le harcèlement sexuel au travail et bien d’autres formes de violence sexuelle, sont la commune mesure. En fait, ce sont des manifestations évidentes de la perception sociale des femmes.

Le Sud asiatique est reconnu comme un haut lieu du commerce sexuel des femmes et des filles et de la violation de tous leurs droits. Le « South Asia Human Rights Index » de 2008 montre que Sri Lanka arrive au premier rang pour la violation des droits humains et que le Pakistan est le pire quant à la violence faite aux femmes. Les « crimes d’honneur » [2] et les viols ordonnés par la « jirga » (cour traditionnelle composée d’hommes dont des âgés), se passent encore à ce jour pour les « crimes » tel que l’adultère. Selon l’Index en 2007, au moins 1,305 personnes, dont 792 femmes et 34 filles mineures, ont été victimes de ces « crimes d’honneur ». (Le cas Nukhtaran Mai n’est que celui qui a fait les manchettes internationales). Même si les droits des femmes sont garantis par des gouvernements démocratiques ou quasi-démocratiques, le fossé entre l’intention et la réalité est vraiment très large. La discrimination ancrée dans la culture a réussi à s’infiltrer dans l’administration de la justice et la protection des droits des femmes et à l’affecter négativement.
Partout dans le monde des femmes ont gagné des droits après de longues luttes politiques et sociales. Des déclarations comme celles de l’ONU sur l’élimination de toutes les formes de discrimination contre les femmes ont été élaborées pour les protéger contre la violence, garantir leur droit à la vie, à la liberté et les affranchir. Pourtant ces conventions sont ignorées par les États et par les fondamentalistes qui se réfugient de concert derrière la coutume et la religion qui prennent racine dans les règles patriarcales. Le Sud asiatique devient rapidement un haut lieu mondial du recul des femmes. Dans cette région, elles continuent à perdre leur identité à cause du fondamentalisme rampant. Nous devons arrêter la vague avant qu’elle ne nous engloutisse.


[1Lajja :la honte, roman, traduit du Bengali par C.B. Sultan, Stock ed. 1994.

[2Coutume qui oblige les hommes d’une famille à tuer une femme de la maisonnée si l’une d’elle a transgressé les règles des rapports avec les hommes. (note de la traductrice).

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