Édition du 11 novembre 2025

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États-Unis

« Une décision extraordinairement déstabilisante » : Trump dénoncé pour son appel à reprendre immédiatement les essais nucléaires

Le président Donald Trump a ordonné au Pentagone de reprendre les essais d’armes nucléaires pour la première fois depuis 1992. Il a fait cette annonce juste avant de rencontrer le président chinois Xi Jinping afin de discuter des relations commerciales.
Le Dr Ira Helfand, ancien président de Physicians for Social Responsibility et militant de premier plan contre la prolifération nucléaire, estime que la Maison-Blanche doit « clarifier » les intentions de Trump, et exhorte les pays à se réengager en faveur du désarmement nucléaire.
« Cette idée est parfois rejetée comme irréaliste. Je pense que ce qui est irréaliste, c’est de croire que nous pouvons continuer à maintenir ces arsenaux nucléaires colossaux en espérant que rien de grave ne se produira », déclare Helfand. « Notre chance finira par tourner. »
L’annonce de Trump intervient à seulement quelques mois de l’expiration, en février 2026, du dernier grand traité de contrôle des armements nucléaires entre les États-Unis et la Russie — le Nouveau Traité de réduction des armes stratégiques (New START).

30 octobre 2025 | tiré de democracy now !
https://www.democracynow.org/2025/10/30/nuclear_weapons

NERMEEN SHAIKH : Nous commençons l’émission d’aujourd’hui en abordant les relations entre les États-Unis et la Chine, ainsi que la menace du président Trump de reprendre les essais d’armes nucléaires. Le président Trump et le président Xi Jinping se sont rencontrés en Corée du Sud et ont convenu d’une trêve commerciale d’un an. Mais cet accord commercial a été éclipsé par l’annonce de Trump selon laquelle les États-Unis allaient reprendre les essais nucléaires pour la première fois depuis 1992. Juste avant sa rencontre avec Xi, Trump a écrit sur Truth Social :« En raison des programmes d’essais d’autres pays, j’ai ordonné au Département de la Guerre de commencer à tester nos armes nucléaires sur une base d’égalité. Ce processus commencera immédiatement. »

AMY GOODMAN : On ignore à quoi le président Trump faisait référence. Ni la Russie ni la Chine n’ont testé d’arme nucléaire depuis des décennies ; la Corée du Nord a effectué son dernier essai en 2017. Trump a brièvement parlé à des journalistes après sa rencontre avec Xi, avant de repartir vers les États-Unis.

PRÉSIDENT DONALD TRUMP :
Cela concernait les autres. Ils semblent tous faire des essais nucléaires.
JOURNALISTE 1 : La Russie ?
TRUMP :
Nous avons plus d’armes nucléaires que quiconque. Nous ne faisons pas d’essais, nous les avons arrêtés il y a de nombreuses années. Mais puisque d’autres en font, je pense qu’il est approprié que nous le fassions aussi.
JOURNALISTE 2 : Des détails sur les essais, Monsieur ? Où et quand ?
TRUMP :
Ce sera annoncé. Vous savez, nous avons des sites d’essais. Ce sera annoncé.

AMY GOODMAN : La menace de Trump de reprendre les essais nucléaires intervient quelques mois avant l’expiration du dernier grand traité de contrôle des armements nucléaires entre les États-Unis et la Russie, le New START, qui expirera en février prochain.
Nous accueillons maintenant le Dr Ira Helfand, expert des conséquences médicales de la guerre nucléaire, ancien président de Physicians for Social Responsibility (lauréat du prix Nobel de la paix en 1985). Il siège également au comité directeur de la campagne Back from the Brink. Il nous parle aujourd’hui depuis Winnipeg, au Canada, où il participe au 5e Sommet de la jeunesse pour la paix nucléaire.
Dr Helfand, bienvenue à Democracy Now ! Vous avez dû être choqué hier soir quand, juste avant cette rencontre très médiatisée entre Trump et Xi, le président a annoncé sur les réseaux sociaux qu’il allait recommencer les essais nucléaires — affirmant qu’il fallait le faire « sur une base égale » avec la Russie et la Chine. Pouvez-vous expliquer de quoi il parle ? Ces pays, comme les États-Unis, n’ont pas effectué d’essais depuis des décennies.

DR IRA HELFAND : Bonjour Amy. En réalité, je ne peux pas expliquer de quoi il parle, car cela n’a aucun sens. Comme vous l’avez souligné, la Russie et la Chine n’ont pas testé d’armes nucléaires depuis des décennies. Ce qui importe le plus maintenant, c’est que la Maison-Blanche clarifie les propos du président Trump.
Si nous devons réellement reprendre les essais d’explosions nucléaires, c’est une décision extraordinairement déstabilisante, qui accroîtra encore davantage le risque déjà énorme de glisser vers un conflit nucléaire. Mais il faut clarifier cela car, en l’état, la déclaration ne correspond pas à la réalité mondiale.

NERMEEN SHAIKH : Et, Dr Helfand, que signifieraient ces essais, si cela se réalisait comme Trump le dit ?

DR IRA HELFAND  : Encore une fois, ce n’est pas clair. S’il parle de reprendre les essais d’explosions nucléaires, ils ne seraient probablement pas atmosphériques — car cela est interdit par un traité signé et ratifié par les États-Unis en 1963 — mais souterrains.
Le danger principal serait politique : une telle décision déclencherait inévitablement des réponses d’autres puissances nucléaires et accélérerait dramatiquement la course aux armements, déjà très dangereuse aujourd’hui.
Peut-être que l’unique intérêt de cette déclaration est d’attirer l’attention sur un fait : le problème nucléaire n’a pas disparu, contrairement à ce que beaucoup aimeraient croire. Nous faisons face à la menace nucléaire la plus grave depuis la fin de la guerre froide — peut-être même plus grave qu’à l’époque.
Et cela alors que la meilleure science disponible montre que même une guerre nucléaire limitée, par exemple entre l’Inde et le Pakistan, pourrait déclencher une famine mondiale tuant un quart de l’humanité en deux ans. Nous devons reconnaître cette réalité et modifier notre politique nucléaire, qui repose encore sur l’idée que ces armes nous protègent — alors qu’elles représentent en réalité la plus grande menace à notre sécurité.
Pour les citoyen·nes américain·es en particulier, cela signifie qu’il faut soutenir des initiatives comme Back from the Brink, qui appelle les États-Unis à cesser ces échanges de menaces avec leurs adversaires nucléaires et à négocier un accord vérifiable et contraignant entre les huit États dotés de l’arme atomique, afin d’éliminer progressivement leurs arsenaux selon un calendrier convenu — et qu’ils puissent ensuite adhérer au Traité sur l’interdiction des armes nucléaires.
Cette idée est parfois qualifiée d’« irréaliste ». Ce qui est vraiment irréaliste, c’est de croire que nous pouvons conserver d’immenses arsenaux nucléaires sans qu’un jour, quelque chose ne tourne mal. Nous avons eu de la chance à maintes reprises.
Cette année seulement, cinq des neuf puissances nucléaires ont été engagées dans des conflits militaires actifs. L’Inde et le Pakistan se sont affrontés — cela aurait pu facilement dégénérer en guerre nucléaire, avec des conséquences dévastatrices pour la planète entière. Nous continuons d’éviter le pire par chance, mais cette chance finira par s’épuiser. Et nous devons le reconnaître : la seule façon de garantir notre sécurité, c’est d’éliminer ces armes une bonne fois pour toutes.

NERMEEN SHAIKH : Dr Helfand, un mot sur le moment de la déclaration de Trump, qui est survenue quelques jours seulement après que la Russie a annoncé avoir testé avec succès un missile à capacité nucléaire, capable selon elle de percer les défenses américaines. Pensez-vous que Trump réagissait à cela, sans comprendre la différence entre une arme « à capacité nucléaire » et un essai d’explosion nucléaire ?

DR IRA HELFAND  : C’est tout à fait possible, et le calendrier le suggère. Mais encore une fois, la Maison-Blanche doit clarifier la déclaration car, en l’état, elle constitue une instruction explicite de commencer des essais sur les sites d’essai, ce qui sous-entend des essais explosifs. Je soupçonne que ce n’est pas ce que le président voulait dire — mais à ce stade, qui peut le savoir ?

AMY GOODMAN : Oui, il s’agissait d’un missile à capacité nucléaire, non pas armé nucléairement. Enfin, il parle de faire cela « immédiatement », en donnant des ordres à ce qu’il appelle le Département de la guerre. Mais n’est-ce pas le Département de l’Énergie qui est responsable de l’arsenal nucléaire ? Et des dizaines de scientifiques nucléaires ne sont-ils pas en congé forcé en raison de la fermeture du gouvernement ? Qui entretient cet arsenal dangereux ?

DR IRA HELFAND : C’est une autre incohérence frappante dans cette déclaration. Ce n’est pas le Pentagone — qu’il a appelé « Département de la guerre » — qui conduirait les essais nucléaires, mais bien, comme vous l’avez dit, le Département de l’Énergie.
Encore une fois, cette déclaration est confuse, déroutante et demande des éclaircissements urgents, car en l’état, elle est déstabilisante. Elle accroît les tensions et les risques, alors que nous n’avons pas besoin de cela.

AMY GOODMAN : Et cela ouvre la porte à d’autres pays, n’est-ce pas, pour qu’ils reprennent eux aussi les essais ?

DR IRA HELFAND

 : Absolument. Il n’y aurait rien que les États-Unis puissent faire de plus dangereux pour leur propre sécurité que de reprendre les essais nucléaires. Cela donnerait un feu vert à d’autres pays pour faire de même et entraînerait une instabilité mondiale encore plus grande.

AMY GOODMAN : Dr Ira Helfand, merci beaucoup d’avoir été avec nous — ancien président de Physicians for Social Responsibility, lauréat du prix Nobel de la paix en 1985, membre du comité directeur de la campagne Back from the Brink. Il nous parlait depuis Winnipeg, au Canada, où il participe au
5e Sommet de la jeunesse pour la paix nucléaire.

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