Il ne reste que 16 jours avant la date prévue pour cette sortie. Aucun accord n’est intervenu à ce jour quant aux relations commerciales (entre les 2 parties) après le Brexit.
C’était la seconde fois que Mme May essuyait une telle défaite face à ce que les députés.es ont qualifié de « vote significatif ». En janvier, sa proposition avait été rejeté par une majorité de 230 voix. 432 députés.es ont exercé ce plus grand vote négatif de toute l’histoire du pays.
Mardi, c’était la 4ième pire défaite que ce gouvernement ait subit. Contre Mme May et sa proposition on trouve 75 députés.es conservateurs.trices qui veulent un Brexit « dur » et les 10 députés.es du Democratic Unionist Party (d’Irlande du nord n.d.t.) de qui dépend la majorité du Parti conservateur.
Après sa défaite de janvier, Mme May a promis à la Chambre qu’elle irait chercher plus de concessions de la part de l’Union européenne. Un nombre appréciable de membres du Parti conservateur, dont à peu près un tiers de ses députés.es, sont maintenant organisés.es dans le European Research Group (ERG) et sont opposés à la section de l’entente entre Mme May et l’UE qui inclut un arrangement (backstop) sur la frontière irlandaise. Cette partie de l’entente prévoit que les règles douanières entre l’Irlande du nord et la République d’Irlande seront conformes à celles de l’UE avec un minimum de différences entre l’Irlande du nord et le reste du Royaume uni.
Aux cours des semaines qui ont suivi, Mme May n’a pas réussi à présenter quelque chose de mieux. Lundi, quelques heures avant le vote, elle a annoncé des nouvelles concessions après des discussions de dernière minute avec le Président de la Commission européenne, M. J.C. Juncker, à Strasbourg. Le Daily Mail qui soutient sa proposition de Brexit « doux », soit de maintenir un lien avec le Marché unique européen, a présenté en première page une photo de Michel Barnier (le négociateur de l’UE) embrassant Mme May comme : « une percée dans l’entente sur le Brexit….scellée par un baiser ».
Toutefois, le texte principal est resté inchangé. Il n’y a eu qu’une déclaration unilatérale de la part du gouvernement britannique qui définit, avec des termes alambiqués, l’entente sur cette frontière : « d’instrument interprétatif conjoint ». Il y est précisé que ni le Royaume uni ni l’UE ne concevait que cet arrangement soit permanent. Elle est aussi revenue avec une déclaration conjointe assurant que les 2 parties travailleraient à mettre en vigueur de nouvelles relations commerciales d’ici 2020 en espérant qu’elles rendraient l’entente sur la frontière irlandaise caduque.
Juste avant le vote, le ministre de la justice M. Geoffrey Cox a déclaré au Parlement que même si les nouvelles assurances de Mme May diminuaient « le risque que le Royaume uni puisse être indéfiniment et involontairement enfermé (dans cet arrangement) », le risque qu’il demeure lié à l’UE après le Brexit, « demeurait inchangé ». Si des ententes post-Brexit ne pouvaient être trouvées entre les 2 parties, le Royaume uni n’aurait « plus de moyens internationaux légaux » pour se libérer (des arrangements sur la frontière irlandaise) sans l’accord de l’UE (selon son évaluation).
Les avocats qui travaillent pour l’ERG ont déclaré que les nouvelles assurances « ne changeaient en rien la position dans laquelle se retrouverait Royaume uni advenant qu’il ait à ratifier une entente de retrait ». Pour leur part, les députés.es du DUP ont encore rejeté l’entente parce que : « sans progrès suffisants à ce jour ».
Il n’y avait que la moitié des députés.es en Chambre pour afficher leur mépris à la Première ministre lorsqu’elle a ouvert les débats. Le Financial Times qualifie ainsi la situation : « Mme May a perdu le contrôle du Brexit après que son entente légèrement bonifiée ait été rejetée sans équivoque par 149 voix de majorité. Son autorité est en miettes ».
Après sa défaite elle a confirmé que d’autres votes sur le Brexit allaient suivre le lendemain et jeudi. Un vote « libre » se tiendra mercredi soir qui portera sur la possibilité que le Royaume uni se sépare de l’UE sans aucun accord, un « no deal Brexit ». Elle a dû consentir à ce vote parce qu’une grande partie des Conservateurs.trices qui sont contre l’UE se seraient rebellé contre elle de toute façon. Au cours du débat, Boris Johnson, leader des pro-Brexit a déclaré que : « l’entente de Mme May était au bout du parcours », et que : « ne pas faire d’entente était le moyen le plus sûr » de quitter l’UE.
On s’attend à ce que tous.tes les députés.es de tous les Partis rejettent clairement la sortie sans entente aucune. Donc, un autre vote sera tenu jeudi pour leur permettre de demander un allongement de la période prévue par l’article 50 pour l’application du processus de sortie de l’UE.
Pour l’aile dominante de l’élite en place qui veut demeurer dans l’UE, ce délai est un pas en avant pour un nouveau référendum sur l’appartenance à l’UE qui pourrait revenir sur les résultats de 2016. Par contre, il n’y a pas de majorité en faveur d’un second référendum en ce moment au Parlement. À moins qu’une grande partie des députés.es travaillistes qui ont soutenu le Brexit en impose un pour défier leur chef, Jeremy Corbin.
8 députés.es travaillistes en faveur du maintien du Royaume uni dans l’UE ont récemment quitté leur Parti et formé un Groupe indépendant au Parlement. Leur objectif principal est d’empêcher une crise du Brexit qui mènerait à une victoire du Parti travailliste avec J. Corbyn comme chef (parce qu’il est opposé au maintien). Leur implication se porte sur tout le spectre politique divisé pour s’assurer que le Royaume uni reste dans l’UE.
M. Corbyn a fait tout ce qui lui était possible pour maintenir l’ordre dans cette crise à laquelle fait face l’impérialisme britannique. Il a recherché une solution « d’intérêt national ». Il a insisté après le vote, pour dire que « la proposition d’entente de Mme May est définitivement morte » et que « l’absence d’entente doit être éliminée ». Il a appelé « la Chambre à s’unir » pour empêcher Mme May de « nous menacer avec les dangers d’une absence d’entente alors que nous connaissons bel et bien les dommages que cela ferait à notre économie ».
Il a assuré que le Parti Travailliste déposerait des propositions demandant « la négociation d’une union douanières, l’accès aux marchés et la protection des droits ». Il n’a pas mentionné de second référendum et a timidement suggéré « qu’il est probablement temps d’avoir une élection générale » pour que « le peuple puisse choisir son gouvernement ».
L’impasse au Parlement donne une idée de la faible position de l’impérialisme britannique dans la mondialisation. Dans une entrevue sur Sky News, le conservateur Dominic Grieve qui est en faveur de l’UE, a souligné que la crise à laquelle fait face la classe dirigeante britannique ne pourrait que s’approfondir dans les années à venir. En s’opposant à un Brexit sans entente, il a déclaré : « Ce qui va vraisemblablement arriver lorsque nous sortirons de la situation actuelle, c’est que le débat va reprendre dans sa forme démoralisante dans un Royaume uni affaibli sur la scène internationale, qui n’est plus lié à l’UE, et qui sera en train de supplier dans les négociations de la future relation du pays avec l’UE et avec un Parlement encore profondément divisé. De mon côté, le Parti conservateur est également profondément divisé tout comme le Parti travailliste. Nous ne serions toujours pas en voie d’obtenir une entente et c’est ce que nous devrions éviter ».
Que l’UE n’ait rien offert de significatif à Mme May démontre que les pouvoirs européens ont serré la vis un peu plus. Cela se confirme dans une lettre du Président de la Commission européenne, M. J.C. Junker au Président du Conseil européen, M. Donald Tusk. Elle clarifie que si le Royaume uni était encore dans l’UE fin mai, il serait obligé de participer aux élections européennes prévues pour le 23 mai. Les porte-parole des deux Présidents ont émis un communiqué où il est écrit : « L’Union européenne a fait tout ce qui lui était possible pour arriver à une entente…..Compte tenu de assurances supplémentaires données en décembre (2018), janvier (2019) et hier, il est difficile de voir ce que nous pourrions faire de plus. S’il y a une solution à la présente impasse, c’est à Londres de la trouver ».
Le Brexit est une manifestation de l’effondrement de l’UE en cours. Elle se trouve dans une escalade de la guerre commerciale et des conflits inter-impérialistes. Rien ne peut empêcher l’impérialisme britannique de s’enfoncer encore plus dans le maelstrom mondial.
Dernière heure, The Gardian
14 mars 2019, 18hres 48 heure de Londres
Après l’annonce des résultats du vote (pour le report de la date de tombée pour le Brexit, application de l’article 50), Jeremy Corbin s’est adressé à la Chambre en exigeant que Mme May travaille à un consensus sur le Brexit :
Après ces derniers jours de chaos gouvernementaux, nous avons tous et toutes la possibilité et la responsabilité de travailler ensemble à la recherche d’une solution à la crise qui confronte notre pays et devant laquelle le gouvernement a si tragiquement failli.
Nous avons entrepris d’organiser des rencontres entre députés.es, tous partis confondus, pour trouver un consensus et des compromis qui répondront aux besoins du pays.
Mais, les derniers jours ont aussi conféré une responsabilité à la Première ministre. Premièrement, elle doit faire savoir publiquement, que sa proposition d’entente et que sa position sur la sortie sans entente ne sont plus viables ni l’une ni l’autre. Deuxièmement, elle doit présenter les projets de loi nécessaires pour éliminer la date (de sortie) du 29 mars (2019).
Ce soir, je réitère notre conviction qu’une entente est possible en se basant sur notre plan alternatif qui peut recevoir les appuis nécessaires dans la Chambre. Je réitère aussi notre accord avec une élection générale non pas pour aller chercher des gains électoraux mais comme un moyen réaliste de briser l’impasse dans laquelle nous sommes.
À cette heure, Mme May n’a pas encore répliqué.
Par ailleurs la Commission européenne a pris acte du vote et précisé qu’elle n’allait pas automatiquement permettre le report de la date de sortie.
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