Tel est pourtant bien le cas des 34 prisonniers Mapuches du Chili qui après plus de deux mois de grève de la faim ont en grande partie obtenu gain de cause : désormais ils ne seront plus traduits comme "terroristes" devant les tribunaux chiliens.
Et cette fois-ci, c’est non seulement les prisonniers de Témuco et de Concepcion, mais aussi ceux d’Angol qui ont décidé, "pour des raisons humanitaires", de lever leur grève, estimant que malgré quelques ambiguïtés, l’accord passé entre leurs représentants et le gouvernement de droite du Président Piñera correspondait à une indéniable avancée.
Il faut dire que depuis une dizaine d’années et particulièrement sous le gouvernement de la concertation, les Mapuches du sud du Chili avaient eu fort à faire. Non seulement parce que grandes compagnies minières et forestières venaient sans vergogne occuper leurs terres pour y exploiter les richesses qu’elles recélaient, mais aussi parce que loin de protéger leurs droits, le gouvernement de Michèle Bachelet (oui, celle qui vient de recevoir un prix !) n’avait rien trouvé de mieux que de perfectionner les législations répressives héritées de la dictature pour tenter de stopper les revendications autochtones. Les Mapuches en lutte pour défendre leurs droits et détenus étaient ainsi soumis à une législation spéciale qui, en les considérant a priori comme "terroristes" et en autorisant à leur encontre la présence de témoins masqués, pouvait les condamner à de lourdes peines, du seul fait de représenter une "menace" à l’ordre public.
Montrer le chemin
L’intéressant reste cependant le fait que les prisonniers Mapuches sont arrivés à faire échec à des politiques autour desquelles la grande majorité des élites chiliennes —qu’elles soient de droite ou de gauche— avait fini par s’unir : après tout l’exploitation tout azimut de ressources naturelles (or, forêts, gaz, etc.) par une poignée de grandes entreprises multinationales n’est-elle pas aujourd’hui encouragée par la plupart des gouvernements, et cela quels que soient les dommages causés à l’environnement ou aux droits ancestraux existants ? Et n’est-ce pas ce consensus si paralysant que les militants mapuches sont parvenus à briser ?
Et ils y sont arrivés, en optant pour la lutte collective et en faisant confiance à leur détermination commune tout en s’appuyant sur une solidarité internationale grandissante. Manière de montrer que, quel que soit le pays, la lutte, quand elle est menée de manière unitaire et déterminée, finit toujours par porter fruit. Elle reste l’étincelle qui redonne vie aux possibles historiques. C’est elle qui nourrit et ravive toute démocratie digne de ce nom. Et au Chili nombreux sont ceux qui semblent, face au déficit démocratique grandissant et aux allégations de corruption qui l’accompagnent, prêts dans le sillage de la victoire des prisonniers mapuches à renouer avec elle.
À l’heure où partout dans les Amériques (et donc au Québec, pensez au gaz de schiste !), on se heurte aux menées prédatrices de groupes pétroliers ou miniers particulièrement rapaces et où si souvent cynisme, impuissance et désillusions sont au rendez-vous, c’est là à n’en pas douter une bonne nouvelle. Tout autant, pour sûr que celle de ces 33 mineurs de Copiapo emmurés à 700 mètres sous terre et qu’on s’apprête —après 3 mois d’angoisses et d’espérance— à sortir de leur tombeau de roc.