Édition du 14 mai 2024

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Politique québécoise

C’est au tour de la nation Atikamekw d’avoir des démêlés avec Québec

Depuis quelques jours, les barricades se multiplient en Haute-Mauricie en rapport avec la coupe de bois sur les territoires ancestraux de la nation Atikamekw.

Tribune libre de Vigile

Quand on y regarde de près, il y a relation entre la façon dont est mené ce dossier et la façon avec laquelle le gouvernement gère la crise étudiante. C’est une idéologie qui dirige les actions du gouvernement.

Les Atikamekws se reconnaissent comme un peuple paisible et disent qu’il faut qu’ils soient rendus à bout pour ainsi ériger des barricades. Les Chefs de la nation Atikamekw, messieurs David Boivin, Paul-Émile Ottawa et Christian Awashish viennent d’émettre ce communiqué conjoint :

"Aux leaders politiques et économiques du Québec, inquiétude et indifférence sont les réactions manifestées à notre campagne visant la protection de nos droits sur le Nitaskinan, notre territoire ancestral. Nous comprenons les inquiétudes. Elles sont légitimes et peuvent être facilement calmées si le gouvernement du Québec accepte d’entamer avec nous une négociation quant à notre place dans le développement des ressources naturelles du Nitaskinan.

Car notre intention n’est pas de s’opposer au développement économique. Au contraire, nous sommes en faveur d’un développement économique qui respecte les principes de développement durable et, surtout, qui tient compte de nos droits et de nos intérêts. Comme toutes les autres nations du monde, nous voulons nous aussi prospérer et offrir un avenir meilleur à nos enfants et petits-enfants.

L’indifférence manifestée à l’égard de nos actions nous amène à nous interroger sur le sérieux accordé à nos droits, nos intérêts, voire à notre existence. Nous ressentons cruellement le qualificatif de « peuple invisible » qu’avait utilisé le scénariste québécois Richard Desjardins en parlant de la nation algonquine. Souvent, nous ressentons ce phénomène d’un peuple que l’on oublie et que l’on refuse de voir.

C’est donc avec un espoir de changement que nous amorçons cette campagne qui vise notamment à bloquer les opérations forestières de l’entreprise Kruger et d’autres entreprises forestières privées opérant en haute Mauricie. À titre de Chefs élus de la Nation Atikamekw, nous sommes présents et nous portons les aspirations de notre peuple pour des conditions meilleures. Le principal souhait que nous avons, c’est que le gouvernement du Québec accepte de prendre un virage draconien afin de renouveler notre relation, afin qu’elle devienne une véritable relation « de nation à nation ».

Nous attendons ce geste depuis plus de douze ans, c’est-à-dire depuis la publication du Rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones. Dans ses toutes premières pages, d’un rapport faisant plus de 1000 pages, la Commission affirmait que « les Canadiens rejettent le paternalisme du passé et reconnaissent que les Autochtones sont les mieux placés pour définir leurs intérêts et en assurer la promotion ». Or, que ce soit au niveau fédéral ou au niveau provincial, nous sommes toujours victimes du même système paternaliste et colonialiste qui nuit au développement de notre peuple. Encore aujourd’hui, le gouvernement du Québec octroie des permis d’exploitation de notre territoire, sans aucunement tenir compte de nos droits qui font pourtant l’objet de négociations territoriales depuis plus de 32 ans.

Cette réaction crée certainement une grande surprise chez plusieurs, puisque la nation atikamekw est surtout connue pour son caractère calme, un sens aigu de bonté et, bien sûr, son magnifique sens de l’humour. Il en aura donc fallu beaucoup pour nous faire sortir de nos gonds et ériger des barricades. Nous tenons toutefois à préciser que ces actions ne sont pas faites contre les Québécois, mais visent essentiellement le gouvernement du Québec. Nous aurions aimé utiliser d’autres moyens, moins nuisibles pour les travailleurs et la population en général. Devant le mur d’intransigeance du gouvernement, il semble que nous n’avions pas d’autres choix. Cela étant, nous sommes convaincus que nos demandes sont raisonnables et qu’une entente Atikamekw-Québec permettrait la construction d’un nouveau partenariat bénéfique à nos deux nations.

Comme les Québécois, nous formons une nation unie, fière de notre histoire et de notre identité. Nous poursuivrons nos actions tant et aussi longtemps que nos demandes ne feront pas l’objet de réponses. Ces demandes consistent essentiellement à la création d’une relation de nation à nation, l’établissement d’une formule de cogestion du territoire et la mise en place de mécanismes permettant aux communautés atikamekw de tirer profit des activités d’exploitation du territoire.

En somme, nous demandons la négociation d’une entente semblable à celle de la « Paix des Braves » conclue avec la Nation Crie en 2003. Ce type d’entente politique et économique peut être conclue indépendamment des négociations territoriales visant la conclusion d’un traité.

Nos actions sont aussi conformes à la Déclaration de l’ONU sur les droits des peuples autochtones, qui reconnaît notamment le droit au « consentement libre et éclairé » des peuples autochtones affectés par des activités d’extraction sur leur territoire. Elles seront menées de manière pacifique et ordonnée.

Nous demandons le respect intégral de nos droits inhérents, reconnus en droit canadien et en droit international. Concrètement, nous voulons notamment conserver l’accès, sans entrave, à nos territoires ancestraux, favoriser l’harmonisation des opérations forestières et de nos activités traditionnelles, retirer des bénéfices de l’exploitation des ressources, ainsi que devenir des partenaires du développement, ce qui nous permettra de développer notre économie et mettre fin à nos situations chroniques de pauvreté."

David Boivin

Chef, Conseil des Atikamekw de Wemotaci

Paul-Émile Ottawa

Chef, Conseil des Atikamekw de Manawan

Christian Awashish

Chef, Conseil des Atikamekw d’Opitciwan

Cette aspiration pour un Québec plus juste et sans pauvreté ne peut que rejoindre les aspirations de tous les Québécois.

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