Édition du 23 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Politique canadienne

Ciblons les profiteurs canadiens de la guerre en Colombie

Nous publions un extrait de la brochure du Projet Accompagnement Solidarité Colombie. (www. pasc.ca)

La guerre sale qui ravage la Colombie depuis des décennies et cause, encore de nos jours, massacres, déplacements forcés, tortures, assassi­nats politiques et emprisonnement des dissident-e-s n’est pas un conflit local, étranger au Canada. De nombreuses compagnies canadiennes, principalement dans le secteur minier et pétrolier, sont actives en Colom­bie. Plusieurs de leurs projets d’exploitation des ressources naturelles sont présentés par le gouvernement canadien comme étant des projets de dé­veloppement dont bénéficient les colombiens et colombiennes. Pourtant, si nous analysons la réalité sur le terrain, nous sommes vite confronté-e-s à la face cachée de ces investissements : destruction environnementale, mi­litarisation des régions, répression politique, violations des droits humains, des normes du travail, des droits syndicaux, sociaux et territoriaux, etc.

Nous unissons nos voix aux organisations sociales colombiennes pour cla­mer haut et fort : « il s’agit d’une guerre impérialiste » financée et alimentée par les intérêts économiques du Nord. « Notre » agence canadienne de développement international (ACDI) s’y implique pour modifier les cadres législatifs en faveur des entreprises d’ici ; « notre » gouvernement conser­vateur signe un accord de libre-échange pour dorer l’image d’un État pa­ramilitaire et le couvrir du sceau démocratique ; « nos » entreprises y re­vendiquent la « sécurité de leurs investissements » qui se traduit par des brigades militaires chargées de la protection des mines et des oléoducs ; « notre » production agricole subventionnée y est écoulée à bas prix, détruisant l’économie paysanne ; des troupes parami­litaires « nettoient » le territoire (massacres et déplacements forcés) ; des tueurs à gage payés par le gouvernement colombien éliminent les leaders syndicaux, etc. Nous dénonçons cette guerre qui continue à enrichir une oligarchie nationale à la solde des intérêts étrangers en saccageant la di­gnité et la vie des communautés colombiennes.

L’armée colombienne au service des compagnies étrangères :

Selon un article de l’hebdo colombien Semana (18 juin 2011), 11% des effectifs de l’armée nationale colombienne sont assignés à la protection des activités minières et pétrolières, soit près de 30 000 militaires colom­biens qui collaborent avec un nombre inconnu de gardes de sécurité privé et de mercenaires à la solde de sociétés militaires privées. Selon l’ancien ministre des Mines, Rodrigo Rivera, dans certains départements de la Co­lombie, c’est plutôt 80% de la force militaire qui est orientée vers la sécurité des activités pétrolières (Caracol, 9 août 2011).

Pour toutes ces raisons, le PASC lance une campagne pour surveiller les agissements des entreprises canadiennes en Colombie et dénoncer la ma­nière dont leurs projets sont implantés par la violence ou grâce à celle-ci. C’est dans cette perspective que le PASC entend cibler les compagnies canadiennes et leurs actionnaires que nous considérons être des « profi­teurs de guerre ».

Parce que le silence nous rend complice : CIBLONS LES PROFITEURS CANADIENS DE LA GUERRE EN COLOMBIE !

Le gouvernement canadien à la défense des Profiteurs

Le Canada défend « ses intérêts » avec vigueur afin de « sécuriser les investissements canadiens » et de « développer son marché ». Au sein de cette stratégie impérialiste, soulignons cinq interventions canadiennes qui ont un impact direct sur les conditions de pauvreté et les droits sociaux des colombiennes et colombiens :

Réforme du code minier colombien en faveur des entreprises étrangères

Le nouveau code minier semble fait sur mesure pour les entreprises canadiennes. Coïncidence ? Évidemment que non puisque nul autre que l’Institut canadien de recherche en énergie (ICRE) fût mandaté pour l’élaborer ! Ce dit « projet d’aide internationale » a été réalisé grâce aux fonds accordés par l’Agence canadienne de développement international (ACDI) et aux contributions de sponsors privés tels que les multinationales BP Canada Energy, Cargill, Chevron Canada, Conoco, Dow Chemicals, Mobil, Shell, Total Fina ELF, UNOCAL, etc. Pour rédiger cette législation minière, l’ICRE a embauché le cabinet Martinez-Cordoba et associés. Ce cabinet d’avocats représentait à l’époque plus de la moitié des compagnies minières canadiennes inscrites au registre national des entreprises d’exploitation minière. Suite à la loi 685 qui donne vie au nouveau code minier, les investissements étrangers dans ce domaine ont augmenté de 500% entre 2002 et 2009. Les avocats des compagnies minières canadiennes semblent avoir bien fait leur devoir : près de la moitié des projets d’exploration minière en Colombie sont sous le contrôle d’entreprises enregistrées au Canada.

Privatisation du secteur des télécommunications

En 1995, l’ACDI offrait une subvention de 4 millions de $ à la firme consultante Destrier Management Consultants (Ottawa) pour « contribuer au processus

de libéralisation du secteur des télécommunications en Colombie ». Le financement public de ce projet de privatisation s’est également manifesté via les 130 millions de $ offert par Exportation et Développement Canada – EDC – à la compagnie Nortel pour ses opérations de liquidation de l’entreprise d’État TELECOM. 

Financement et appui au Plan Pacifico

Le Plan Pacifico cible la région pacifique de la Colombie et plus précisément le département du Choco, avec l’objectif d’accroître l’exploitation des ressources naturelles de cette région ainsi que les échanges commerciaux internationaux. Le tronçon de l’autoroute panaméricaine, le port en eaux profondes, les mégaplantations de palme africaine (pour la production d’agrocarburants) et le « mapping » des ressources biogénétiques sont parmi les activités prévues par ce plan. En 1995, l’ACDI octroyait une subvention de 241 861$ à la firme Radarsat International Inc. (Ottawa) pour des services de conseil et d’assistance technique au gouvernement colombien dans la mise sur pied du Plan Pacifico.

Signature d’un Accord de libre-échange

La signature de l’Accord de libre-échange entre le Canada et la Colombie ne poursuivait pas tant des objectifs de nature économique : il s’agissait avant tout d’un appui politique au régime d’Alvaro Uribe à un moment où ce dernier échouait à signer un tel accord avec le grand frère américain. Aucun autre gouvernement n’a osé signer un accord économique avec la Colombie pendant le mandat de l’ex-président Alvaro Uribe, reconnu mondialement pour son soutien à la stratégie paramilitaire et sa guerre contre les organisations sociales. L’Accord a été signé en 2008, il a été adopté par le parlement en 2010 et est entré en vigueur le 15 août 2011. Les États-Unis ont depuis emboîté le pas.

Promotion et financement de partenariat entre ONG canadiennes et entreprises minières canadiennes

Fin septembre 2011, la ministre canadienne de la Coopération internationale annonçait un nouveau programme de financement pour promouvoir les partenariats entre compagnies minières canadiennes et ONG canadiennes.

La Colombie figure parmi les 3 projets pilotes de cette nouvelle politique de l’ACDI qui vise à promouvoir « le dialogue entre les collectivités et le secteur privé ». Notons que d’autres programmes similaires sont déjà gérés par l’ACDI. C’est le cas du projet « Énergie, Environnement et Population » par lequel les bénéficiaires reçoivent des subventions publiques allant jusqu’à 500 000$ pour participer à la création d’une « vision commune entre les gouvernements, le secteur de l’hydrocarbure et les peuples autochtones concernant le développement du potentiel en hydrocarbures ». C’est aussi le cas du Projet « Secteur minier - Renforcement des capacités des Autochtones » destiné à favoriser l’acceptation des projets miniers par les nations autochtones d’Amérique. Le nouveau programme semble néanmoins nécessaire puisque les minières canadiennes ont très mauvaise presse. Selon une étude du Canadian Center for the Study of Resource Conflict, les sociétés canadiennes sont responsables à elles seules de 33 % des conflits liés à l’extraction minière dans le monde.

Parmi les incidents attribués aux minières canadiennes, « 60 % sont des conflits avec les membres des communautés locales et 40 % touchent différentes formes de détérioration de l’environnement. Enfin, 30 % de ces « incidents » (…) mettent en cause des agences de sécurité privée. » L’Association minière canadienne (lobby du secteur minier) s’est empressée de saluer cette initiative gouvernementale qui, en plus de fournir une nouvelle source de financement public pour les compagnies minières déjà multimilliardaires, permettra à ces dernières de redorer leur image et de faciliter leur acceptation par les communautés locales.

Ainsi sous couvert de « responsabilité sociale des entreprises » le secteur privé, avec la complicité du gouvernement canadien, tente habilement d’utiliser les ONGs pour « pacifier » les régions dans la mire de leurs projets.

Les activités suivantes des Forces Armées canadiennes, de la GRC et du SCRS visent directement la Colombie :

 La Colombie figure parmi les membres du Programme d’instruction et de coopération militaire (PICM) du Canada pour le cycle 2011-2014.
 Les forces maritimes de l’Armée canadienne participent au Joint Interagency Task Force South (JIATF-S) une coordination militaire pour la dite « guerre à la drogue ». Le Canada appuie la JIATF-S en fournissant des navires de guerre, des sous-marins et des aéronefs de patrouille maritime CP-140 Aurora.

Dans le cadre de son Programme d’aide au renforcement des capacités antiterroristes (PARCAT), le Canada verse 694 000 $ pour le projet « Régime juridique contre le terrorisme en Colombie » qui vise à renforcer la législation antiterroriste en Colombie. Le PARCAT prévoit également la participation de la Direction du Programme d’aide à l’instruction militaire (DPAIM) qui offre des formations à des membres des Forces armées colombiennes sur les nouvelles technologies et la gestion de l’information.

La GRC collabore avec la police nationale colombienne pour mener des enquêtes contre des organisations dites « terroristes » et des trafiquants de drogue.

La GRC fournit également différentes formations à la police nationale colombienne.

 Le SCRS et la GRC collaborent avec les services de renseignement colombien pour la collecte d’informations.
 En 1999, première année du Plan Colombie, la Défense canadienne vendait plus de 40 hélicoptères Huey Bell CH-135 au département d’État américain. 33 de ces hélicoptères ont été redirigés vers la Colombie dans le cadre du Plan Colombie.

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