Édition du 30 avril 2024

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Comment les corporations se sont appropriées le congrès

Dans l’article ci-dessous, le travailleur social et syndicaliste étatsunien Shamus Cooke, met en lumière le système de retour d’ascenseur tel qu’il s’applique aux U.S.A. À lire l’article, on se rend compte que le même système s’applique également ici au Québec.
Source : Global Research, 15 septembre 2010 Traduction : Diane Dicaire

À l’approche des élections de novembre, la majorité des Américains n’auront qu’une pensée : « On s’en fout ! ». Cette apathie n’est pas due à l’ignorance, comme certains l’avancent. Plutôt, le désintéressement de ce système à deux partis de la part de la classe ouvrière implique l’intelligence de la situation : des millions de personnes ont compris que ni les Démocrates, ni les Républicains ne représentent leurs intérêts au Congrès.

La question qui se pose dès lors est la suivante : pour qui ce système bipartisan travaille-t-il réellement ? La réponse a été fournie récemment par le New York Times, qui donnait à la nation un aperçu d’initié sur la façon dont les corporations « lobbient » (lire : achètent) les politiciens du Congrès. Cet article explique comment les corporations géantes - depuis Walmart jusqu’aux fabricants d’armes ont changé leur fusil d’épaule quant à l’embauche de leurs lobbyistes, passant de la sélection de Démocrates à celle de Républicains en prévision de l’augmentation de sièges détenus par de futurs élus républicains, suite aux élections de novembre.

« Les lobbyistes, les conseillers politiques et les recruteurs disent tous que le taux salarial actuel pour des Républicains - surtout pour les représentants à la Chambre, anciens ou actuels - a augmenté significativement au cours des quelques dernières semaines, lequel va de 300 000$ voire même jusqu’à 1 000 000$ pour des postes au secteur privé (lobbyistes corporatifs). » (9 septembre 2010)

Les représentants au Congrès récemment retraités sont les lobbyistes idéaux : ils ont encore de bons amis au Congrès dont plusieurs leurs doivent encore quelques faveurs politiques, ils ont des liens avec des présidents et des rois et ils ont aussi un statut de vedette qui favorise les relations publiques des corporations.

Souvent, ces congressistes ont accordé des faveurs à la corporation qui les engage ce qui signifie que les corporations récompensent les congressistes pour services rendus lorsqu’ils étaient au pouvoir, en leur offrant des postes de lobbyiste à des salaires millionnaires (ou des sièges aux conseils d’administration corporatifs) qui ne nécessitent que peu ou pas de travail.
Le même New York Times révèle que les salaires des 13 000 lobbyistes (!) qui soudoient présentement le Congrès totalisent 3,5 milliards$. On y explique également comment certaines firmes de lobbying conservent sur leurs listes autant de Démocrates que de Républicains, de sorte à être prêts à toute éventualité lors des élections.

Ce phénomène est légèrement plus que non-démocratique : alors même que des millions de personnes votent pour un candidat, les résultats sont rapidement manipulés et contrôlés avant même que l’élection n’ait eu lieu.
Il est intéressant de noter que le journal corporatiste Wall Street Journal a écrit un article semblable en 2008,lorsque les Démocrates ont commencé à dominer la scène politique à Washington.

« L’industrie du lobbying à Washington qui atteint quelque 3 milliards $ a commencé à se délester de personnel Républicain (politiciens) et a commencé à faire main basse sur les opérateurs (politiciens) et de firmes entières Démocrates, une tendance qui a commencé avant même que ne soient comptés les votes et que Barack Obama ne soit élu président. » (5 novembre, 2008)

Cet article était pertinemment intitulé : « Les lobbyistes placent les Démocrates en tête suite au changement de courant »
L’argent corporatif coule d’un parti à l’autre, afin que les mêmes buts soient toujours atteints : la hausse des profits corporatifs. Les sommes qu’on lance à la tête de ces politiciens sont aberrantes : Associated Press rapportait que la très corporatiste Chambre de commerce a dépensé « ...presque 190 millions$ depuis qu’Obama est devenu président en 2009 » (21 août 2010)

Ces chiffres expliquent la différence « plus profonde » entre Démocrates et Républicains - l’argent. Chaque parti est une machine qui lutte pour prendre le pouvoir parce que ce pouvoir entraîne avec lui des sommes d’argent énormes. Plus longtemps un parti est au pouvoir, plus il a de relations, plus sa valeur nette augmente auprès des corporations, plus il y a de récompenses à distribuer aux divers niveaux du parti. Il y a effectivement une réelle et dure bataille entre les partis Républicain et Démocrate afin de monopoliser cet argent.

Il y a cependant un « groupe d’intérêt » pour lequel les ex-congressistes ne travaillent pas : le mouvement syndical. Pourtant les syndicats dépensent des millions pour faire élire des Démocrates et encore d’autres millions pour se faire entendre d’eux après qu’ils sont élus.

Mais les syndicats ne peuvent pas concurrencer les banques quand il s’agit de dépenser. Ils ne peuvent non plus offrir des retraites-cadeau à coups de millions aux Sénateurs qui se retirent. Les plans de retraite des congressistes démontrent où est leur esprit pendant qu’ils sont au gouvernement et aux intérêts de quelles corporations ils veillent. Les syndicats ne peuvent donc plus continuer à prétendre que les Démocrates sont les « amis » des travailleurs. Le monde syndical n’a que peu de résultats pour le soutien qu’il accorde à cette amitié dysfonctionnelle qui dure depuis des décennies : l’allégeance syndicale tout comme les emplois, la rémunération et les avantages sociaux fondent comme peau de chagrin - une stratégie perdante s’il en est une.
L’approche « moindre des deux maux » signifie de mauvais politiciens pour représenter les syndicats, peu importe qui gagne. En fait, le « moindre-mal » démocrate est devenu de plus en plus mauvais avec les années, à tel point que le parti démocrate d’aujourd’hui est plus conservateur que le parti Républicain de l’époque Nixon.

On en est arrivé au point où - dans certains états - des gouverneurs Démocrates sont appuyés par les syndicats même après avoir promis de s’en prendre aux salaires et avantages des travailleurs du secteur public ! Afin de sortir de ce cercle vicieux et sans issue, les syndicats pourraient unir leurs efforts pour former des coalitions faisant la promotion de candidats travaillistes indépendants, financés à 100% par les syndicats et dédiés à 100% aux intérêts de la classe ouvrière. Autrement, tous les chemins mènent... aux lobbyistes corporatifs.


M. Cooke, citoyen étatsunien, est travailleur social, syndicaliste et auteur pour le journal « Workers Action » (Action ouvrière)
Adresse de cet article (original en anglais) : www.globalresearch.ca/index.php?context=va&aid=21052

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