Édition du 30 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Affaire Woerth-Bettencourt en France

DEHORS !

Ainsi Alain Joyandet et Christian Blanc étaient les maillons faibles… Ils viennent donc de démissionner. Ou d’être démissionnés. Peu importe  ! Le but de la manœuvre est clair  : lâcher du lest pour tenter de sauver Éric Woerth.

Sans se laisser gagner par le cynisme ambiant, il faut bien reconnaître qu’avec son permis de construire illégal pour l’un et ses cigares pour l’autre, Joyandet et Blanc feraient presque figures de «  petits joueurs  » à côté de certains de leurs collègues. Tellement ce gouvernement pue les privilèges et le fric, voire la corruption.

Certes, de tout temps, la grande bourgeoisie a su intégrer dans ses rangs et ses réseaux certains représentants de la classe politique. Il s’agit, pour l’essentiel, de politiciens de droite. Mais, pas exclusivement. Ainsi, pour ne prendre que les deux principaux candidats socialistes (virtuels) à l’élection présidentielle, tant Martine Aubry que Dominique Strauss-Kahn ont su cultiver des liens étroits avec le grand patronat. Grâce à la Fondation Agir contre l’exclusion pour la première et au Cercle de l’industrie pour le second. Mais avec Sarkozy, on change d’échelle  ! Au point que cela en devient politiquement gênant  : chaque jour apporte son lot de révélations sordides sur les liens d’argent et de connivence que la bande au pouvoir entretient avec le monde des (très) grandes fortunes et des directions des (très) grandes entreprises. À tel point que, désormais, tous les moyens sont bons pour circonscrire l’incendie.

Ainsi, l’on n’a pas hésité à faire appel aux «  grandes consciences morales  ». Dans une tribune publiée par le Monde, Simone Veil et Michel Rocard viennent au secours de la classe politique et se lamentent  : «  Mesure-t-on bien les effets dévastateurs du spectacle affligeant qui se donne jour après jour devant l’opinion autour de ‘l’affaire Bettencourt’  ?  » Alors, il faut le redire  : ce qui alimente le «  populisme  », le «  rejet de la politique  » – voire le vote FN – ce n’est pas la dénonciation des scandales… mais les scandales eux-mêmes  !

Et le scandale, c’est Éric Woerth, ex-ministre du Budget et trésorier de l’UMP, qui organise en Suisse des soirées de collecte de fonds auprès de contribuables particulièrement fortunés, adeptes de la fraude fiscale… contre laquelle le même Woerth fait mine, ensuite, de mener bataille. Le scandale, c’est l’embauche, par Liliane Bettencourt, de Florence Woerth (13 000 euros mensuels, plus une prime de fin d’année de 50 000 euros) quand son mari est à la tête d’une administration qui, bouclier fiscal oblige, verse à l’employeur de sa femme un chèque de «  remboursement  » de 30 millions d’euros.

Le scandale, c’est que la «  troisième fortune de France  » peut frauder le fisc sans risques puisque, contrairement aux affirmations d’Éric Woerth et de ses supporters, elle n’a fait l’objet d’aucun contrôle fiscal depuis 1995  ! Le scandale, c’est – si l’on comprend bien… – que le couple Bettencourt était fort généreux, distribuant des enveloppes à de nombreux politiciens (de droite). Il se dit même que Balladur et Sarkozy figuraient parmi les bénéficiaires attitrés… Mais il est vrai qu’à voir le zèle du pouvoir politique à protéger leur fortune, il s’agit moins de générosité que de fructueux placements… Et le scandale des scandales est que tout ce joli monde nous vante les vertus de la rigueur et des sacrifices  !

Pour Sarkozy et ses communicants, la cause est entendue  : si Éric Woerth est au centre de la tourmente, c’est parce qu’il «  porte la réforme des retraites  ». Ainsi, donc, l’affaire «  Bettencourt-Woerth  » ne serait qu’un complot politico-médiatique destiné à entraver les courageuses réformes du gouvernement  ! C’est là, bien sûr, un artifice, un rideau de fumée destiné à masquer ce qui peut encore l’être. Mais il y a bien un rapport. Qu’il défende avec acharnement les intérêts privés d’une contribuable très fortunée ou bien que, via la «  réforme des retraites  », il cherche à faire payer la crise aux couches populaires, le job et la vocation d’Éric Woerth sont bien toujours les mêmes  : défendre les intérêts de la grande bourgeoisie capitaliste. Alors, oui  : amplement justifiée du simple point de vue éthique, la démission d’Éric Woerth serait aussi un formidable encouragement aux mobilisations en défense des retraites.
Et un, et deux… et trois ministres…

Woerth démission  !

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