Édition du 14 mai 2024

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Politique québécoise

Lettre au ministre Banchet de la Coalition Québec meilleure mine !

Demande d’évaluation environnementale et de consultation publique du Québec pour le projet minier Matamec (Terres rares)

Jeudi, 23 mai 2013

M. Yves-François Blanchet

Ministre responsable du Développement durable, de l’Environnement, de la Faune et des Parcs

Édifice Marie-Guyart, 29e étage

675, boulevard René-Lévesque Est

Québec (Québec), G1R 5V7

OBJET : Demande d’évaluation environnementale et de consultation publique du Québec pour le projet minier Matamec (Terres rares)

Monsieur le ministre,

Les membres de la coalition Pour que le Québec ait meilleure mine ! tiennent à vous informer que le projet minier Zeus (terres rares) de la compagnie Matamec, au Témiscamingue, échappe actuellement à la procédure d’évaluation et d’examen des impacts sur l’environnement, telle que prévue par l’article 31.1 de la Loi sur la qualité de l’environnement du Québec (LQE), parce que sous le seuil d’assujettissement de 7000 tonnes par jour défini par le règlement. Nous jugeons cette situation comme hautement inappropriée et nous vous demandons d’intervenir afin d’assujettir ledit projet à la procédure d’évaluation et d’examen des impacts sur l’environnement, ainsi qu’à des consultations publiques, en bonne et due forme, menées par le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement du Québec.

Notre demande fait écho à celle qu’ont exprimée plusieurs citoyens et élus régionaux lors d’une soirée d’information publique tenue à Lorrainville, au Témiscamingue, le jeudi, 16 mai 2013.

Le projet Zeus pourrait être la première mine de terres rares au Québec, voire au Canada. Il n’existe actuellement aucun autre précédent au pays. Or les mines de terres rares en Chine, aux États-Unis et ailleurs dans le monde présentent toutes, pratiquement sans exception, une piètre feuille de route en matière d’impacts sur la santé et sur la qualité de l’environnement. Les procédés physiques et chimiques utilisés dans l’extraction des terres rares, combinés aux rejets de millions de tonnes de résidus miniers, incluant des éléments radioactifs, occasionnent des risques et des impacts significatifs along termes, lesquels méritent un examen rigoureux et transparent. Deux récentes études de l’Environmental Protection Agency des Etats-Unis confirment les impacts et le lourd passif environnemental des mines de terres rares aux Etats-Unis et ailleurs dans le monde (1) Plus récemment, une étude commandée par Environnement Canada confirme que les normes fédérales du Règlement sur les effluents de mines de métaux (REMM) ne sont ni adéquates, ni adaptées aux contaminants qui pourraient être émis par les mines de terres rares (2) Après vérification, il en est de même pour la Directive 019 du ministère de l’Environnement du Québec, laquelle n’inclut aucune norme spécifique aux mines de terres rares, notamment les contaminants que peuvent représentés les terres rares elles-mêmes, ainsi que le thorium – le principal élément radioactif des mines de terres rares, dont la demi-vie radioactive est de 14 milliards d’années, et qui produit plus d’une dizaine de sous-produits radioactifs (radium, radon, polonium, plomb, etc.). Au Canada, seul le projet Thor (Avalon Resources) dans les Territoires du Nord-Ouest a complété une évaluation environnementale approfondie. Après analyses, les autorités fédérales et les Nations autochtones directement touchées ont émis plusieurs préoccupations par rapport aux impacts du projet, notamment concernant les risques de contamination à long terme des eaux environnantes3. Le projet est actuellement en attente d’une autorisation. Le projet minier Zeus, de Matamec, rejetterait lui-même plus de 40 millions de tonnes de stériles et de résidus miniers, incluant quelque 600 tonnes d’oxyde d’uranium et de 5000 à 8000 tonnes d’oxyde de thorium, lesquels demeureront radioactifs pendant des dizaines de milliers d’années, et qui génèrent eux-mêmes une trentaine d’autres sous-produits radioactifs. Outre les rejets solides, le projet prévoit également émettre des rejets liquides qui pourraient affecter les eaux de surface et souterraines, notamment le bassin de la rivière Kipawa et les milieux environnants, hautement prisés pour le récreotourisme, la chasse et la pêche. Les rejets atmosphériques (poussières, oxydes de souffre à l’usine, oxydes d’azote, etc.), de même que le transport des rejets, des concentrés et des produits chimiques, dont l’acide sulfurique, par pipelines et/ou par routes, constituent également des risques réels pour l’environnement. Des mesures de sécurité et d’urgence pour le transport et pour les cas d’accidents doivent, aussi, être évaluées, tout comme les garanties financières et la planification de la restauration progressive et permanente des sites miniers une fois l’exploitation terminée. Le projet Zeus est actuellement soumis à la procédure fédérale d’évaluation des impacts sur l’environnement. Étant donné que le projet se situe au Québec et que ce sont d’abord et avant tout les autorités québécoises, notamment le MRN et le MDDEFP, qui ont la responsabilité d’appliquer les normes québécoises et d’assurer le contrôle et le suivi des projets, nous estimons qu’il est primordial que le projet soit également assujetti à la procédure d’évaluation et d’examen environnemental du Québec, telle que prévue par l’article 31.1 de la Loi sur la qualité de l’environnement. Nous appuyons également les deux nations autochtones directement touchées, Eagle Village et Wolf Lake, qui réclament une évaluation environnementale plus approfondie, à l’aide d’une commission d’examen conjointe, de type Fédéral-Autochtones. Lors d’une soirée d’information publique le 16 mai dernier à Lorrainville, au Témiscamingue, l’entreprise Matamec, qui se dit responsable, s’est montrée ouverte à ce que son projet soit assujettie à la procédure d’évaluation et d’examen des impacts sur l’environnement, telle que prévue par la Loi sur l’environnement du Québec, si votre ministère le demandait. Plusieurs des citoyens et des élus présents dans la salle –une centaine– ont également réclamé qu’une telle évaluation soit menée pour le projet Zeus, qui pourrait devenir la première mine de terres rares au Québec. Le règlement d’application de la procédure d’évaluation et d’examen des impacts sur l’environnement du Québec exclut actuellement les mines et les usines de traitement de métaux et d’amiante de moins de 7000 tonnes par jour, mais assujettit obligatoirement toutes les mines et les usines d’uranium, de même que tous les autres types de mines de plus de 500 tonnes par jour. La loi fédérale assujettit toutes les mines de métaux de plus 3000 tonnes par jour (600 tonnes pour les mines d’or) à une évaluation initiale, de même que toutes les usines de traitement métallifère d’une capacité d’admission de plus de 4000 tonnes par jour. Le projet Zeus prévoit l’extraction et le traitement de plus de 4000 tonnes par jour; il est donc actuellement assujetti à la procédure d’examen fédérale, mais non à celle provinciale –ce qui constitue, à notre avis, un non sens qui doit être rapidement corrigé. Au moins trois options s’offrent à vous : 1. Utiliser le pouvoir discrétionnaire dont vous disposez en vertu de l’article 6.3 de la Loi sur la qualité de l’environnement du Québec pour assujettir le projet Zeus à un examen du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement; 2. Modifier le règlement d’application de la procédure d’évaluation et d’examen des impacts sur l’environnement afin d’assujettir toute nouvelle mine et usine de traitement à ladite procédure, telle que prévue aux articles 31.1 et suivants de la Loi sur la qualité de l’environnement; 3. Vous entendre avec le gouvernement fédéral afin d’assujettir le projet Zeus à une commission conjointe, approfondie, du type Fédéral-Provincial-Autochtones; Ces options ne sont pas mutuellement exclusives et peuvent, en partie ou en totalité, s’appliquer conjointement. Elles permettraient notamment de répondre positivement aux demandes de l’ensemble des citoyens, des collectivités et des organismes concernés, autochtones et non autochtones, tout en assurant une évaluation plus transparente et plus rigoureuse des impacts du projet Zeus sur les plans scientifique, environnemental, social et économique. Les options 1 et 2 peuvent être mises en oeuvre en l’espace de quelques jours, voire quelques semaines, après une décision d’intervention de votre part. L’option 3 pourrait être plus lente à mettre en oeuvre, mais aurait l’avantage de répondre, en partie, aux demandes des deux Nations autochtones directement touchées. Dans tous les cas, il importe d’intervenir avant que l’entreprise Matamec dépose un avis de projet à votre ministère – ce qu’elle affirme vouloir faire d’ici le mois de septembre 2013. Votre gouvernement s’est engagé, lors des élections d’août 2012, de modifier le règlement actuel afin d’assujettir toute nouvelle mine à une évaluation environnementale et à des consultations publiques menées par le BAPE, telles que prévues par les articles 31.1 et suivants de la Loi sur la qualité de l’environnement du Québec (option 2 ci-dessus). Cet engagement s’inscrit dans la continuité de celui manifesté par le gouvernement précédent, libéral, en décembre 2011, en marge du projet de loi 14; volonté que le Parti libéral a répété en décembre 2012 (projet de loi 197), en tant que principal parti d’opposition à l’Asssemblée nationale. Autrement dit, les deux principaux partis représentés à l’Assemblée nationale se sont engagés à modifier le règlement dans le cadre de la modernisation du régime minier. La modification d’un règlement peut se faire à l’intérieur d’un délai de 45 jours, une fois sa publication dans la Gazette officielle de l’Assemblée nationale. Au final, il apparaît incongru, voire aberrant que les projets miniers et d’usines de traitement métallifère ne soient pas automatiquement assujettis à la procédure d’évaluation et d’examen des impacts sur l’environnement, alors que les projets d’éoliennes et d’aires protégées – pour ne nommer que ces deux exemples – le sont. Votre gouvernement a l’occasion de corriger, une fois pour toute, cette situation incongrue. Merci de l’attention que vous porterez a la présente,

Salutations distinguées,

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