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Doug Ford et le Parti conservateur de l’Ontario préparent une autre décennie d'austérité

Le Bureau de la responsabilité financière (FAO) de l’Ontario signale que les augmentations nominales du financement des soins de santé prévues par le gouvernement du Parti conservateur de Doug Ford entre 2019-2020 et 2029-30 sont bien inférieures aux augmentations nominales des neuf années précédentes (2010-2011 à 2019-2020), la période d’austérité du secteur public qui a suivi la dernière récession.

11 juin 2021 | tiré du site The Bullet | traduction David Mandel

En effet, puisque l’augmentation prévue entre cette année 2021-2022 et 2029-30 ne s’élève qu’à 2 % par an, nous envisageons une austérité nettement plus sévère que la période 2010-2011 à 2019-2020, lorsque le financement a augmenté de 3,2 % par an.

Comme le note la FAO, l’austérité imposée en matière de soins de santé sur la période 2010-2020 « incluait un certain nombre de mesures importantes de restriction des dépenses, notamment : le gel du financement du fonctionnement de base des hôpitaux de 2012-2013 à 2015-2016 ; la réduction des taux de rémunération des médecins en 2013 et 2015 ; et une limitation des investissements dans de nouveaux lits de soins de longue durée, avec seulement 611 nouveaux lits créés entre 2011 et 2018. »

Le plan cette fois consiste à imposer une austérité plus sévère tout en ajoutant des dizaines de milliers de lits de soins de longue durée (SLD) nouveaux et réaménagés et en augmentant le personnel de SLD par résident d’environ 40 %.

Baisse significative des salaires réels

Un autre aspect de la restriction des dépenses sur la période 2010-2020 était une réduction significative des salaires réels des travailleurs, travailleuses des hôpitaux, les augmentations salariales générales étant inférieures à l’inflation. À titre de comparaison, ce graphique comprend également les règlements salariaux moyens annuels dans le secteur privé et le secteur public provincial élargi (c.-à-d. les travailleurs, travailleuses des hôpitaux, des écoles, des collèges, des services publics provinciaux, etc.)

Même avant la pandémie, le gouvernement prévoyait (par moyen du projet de loi 124) de réduire davantage les salaires réels en restreignant les accords salariaux dans le secteur public élargi à un niveau inférieur à l’inflation pendant trois ans. Le financement proposé – s’il est mis en œuvre – rendrait nécessaire de nouvelles réductions des salaires réels tout au long de la décennie.

La FAO estime un écart de $5,7 milliards entre le plan de financement du secteur de la santé et les dépenses requises au cours des deux prochaines années (c’est-à-dire en 2022-2023 et 2023-24). Il note : « L’écart de dépenses cumulé de $5,7 milliards n’est pas réparti uniformément entre les domaines de programme du secteur de la santé. Le FAO estime que la majeure partie de l’écart de dépenses se situe dans le domaine de programme des hôpitaux ».

La FAO note que si le gouvernement met en œuvre ses plans jusqu’en 2029-30, « alors les dépenses réelles annuelles du secteur de la santé par habitant auront diminué de $490 par personne (ou 10,2 %) depuis 2011-12 »

Réduction du nombre de lits dans les hôpitaux

Les rapports selon lesquels le gouvernement prévoit d’augmenter le nombre de lits d’hôpitaux dans les années à venir sont inexacts. La FAO note qu’avec 3,522 lits d’appoint en 2021-2022, nous avons 38 416 lits d’hôpitaux. Mais comme le note la FAO, « le plan de dépenses du ministère pour le secteur hospitalier implique que les 3,522 lits d’hôpitaux d’appoint ne seront pas maintenus après la fin de la pandémie. » En conséquence, l’« ajout » prévu de 324 lits par an ne nous ramènera qu’à 37 321 lits d’ici 2029-30.

En d’autres termes, le véritable plan est de réduire les lits d’hôpitaux existants de 1095 lits. Pourtant, l’Ontario a déjà une très faible capacité en lits. Donc les lits d’appoint ne devraient pas être supprimés, et nous devrions renforcer la capacité à partir de là.

Il est probable que la réduction de lits soit dissimulée. Car la réduction de lits est très impopulaire auprès du public. C’est pourquoi il est essentiel de trouver et d’identifier les coupures lorsqu’elles se produisent.

La FAO estime que si les hôpitaux fonctionnent à 11% au-dessus des volumes pré-pandémiques pour les chirurgies et à 18% au-dessus pour les procédures de diagnostic non urgentes, il faudra 3,5 ans pour éliminer l’arriéré de chirurgies qui s’est produit pendant la pandémie et plus de trois ans pour effacer l’arriéré de diagnostic. Cependant, la FAO note que le gouvernement a alloué moins de la moitié des $1,3 milliard de financement nécessaires pour y parvenir. Les souffrances et les maladies que ces retards imposeront aux malades seront considérables.

Enfin, le FAO signale que dans les prévisions budgétaires il y a une diminution prévue de $4,8 milliards des paiements de transfert pour le fonctionnement des hôpitaux cette année. Le gouvernement estime que cela sera partiellement compensé par une augmentation espérée de $1,0 milliard (à atteindre, apparemment, grâce à une augmentation des paiements privés aux hôpitaux pour des choses comme le stationnement et les chambres semi-privées). Ces coupes cette année sont liées à l’atténuation (espérée) de la pandémie et sont distinctes des plans d’austérité pour les années à venir évoqués ci-dessus. Cela aura un impact très négatif sur les niveaux d’emploi dans les hôpitaux. Ce qui n’est pas clair, c’est ce qui se passera si une quatrième vague se produit à l’automne.

Doug Ford et les PC ont fait campagne lors des dernières élections sur remarquablement peu de promesses – mais l’une d’entre elles était de mettre fin aux soins de santé de couloir. Pourtant, au début de la pandémie – près de deux ans après le début de leur mandat – ils avaient fait peu de progrès pour améliorer la capacité hospitalière. En conséquence, le gouvernement a réagi au manque de capacité hospitalière au début de la pandémie en déplaçant les patients hors des hôpitaux vers les établissements de SLD. Cependant, les foyers de SLD étaient déjà surpeuplés, ce qui a aggravé la crise COVID dans les établissements de SLD, avec des résultats tragiques. De plus, les résident.e.s des SLD atteint.e.s de COVID étaient rarement transféré.e.s dans des hôpitaux pour y être soigné.e.s. Ils et elles sont mort.e.s dans leurs lits de SLD même si les foyers de SLD ne sont pas des centres de traitement.

Même après cette expérience, au lieu de remédier au manque de capacité, le plan est une austérité sévère. Sans aucun doute, ils et elles tenteront de dissimuler cela avec des affirmations magiques sur la façon dont leurs réformes surmonteront le manque de financement. Mais le passé est un meilleur guide : les dernières réformes connaîtront le même niveau de succès que tous les nombreux cycles de restructuration précédents – une restructuration que le gouvernement actuel a pour la plupart rejetée et consignée dans l’histoire.

Comme avec les gouvernements précédents, l’austérité est la politique, et la restructuration est l’excuse que le gouvernement donne pour justifier l’austérité.

À moins que nous ne modifiions ce plan, l’austérité sera appliquée non seulement dans les soins de santé, mais aussi dans d’autres secteurs – probablement plus durement que dans les soins de santé. Car les soins de santé sont un domaine dans lequel même les politicien.ne.s de droite craignent de s’aventurer. Notamment, la FAO a récemment signalé qu’un autre secteur politiquement populaire – les écoles publiques – ferait face à un déficit de 12,3 milliards de dollars sur neuf ans.

Le gouvernement joue avec le feu : une décennie d’austérité teste les limites de la patience populaire. Deux décennies l’amènent à un tout autre niveau

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