Édition du 7 mai 2024

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Europe

Espagne. Des élections au péril d'un procès politique !

Débâcle politique. Une gauche n’assumant pas la défense du droit démocratique d’autodétermination catalane tout en tentant de se gagner les voix indépendantistes au Congrès. Une droite extrémisée qui en tire profit pour agiter l’épouvantail du sécessionisme catalan encouragé par la gauche...

Je vous mets ce compte rendu des deux premières journées du procès des prisonniers politiques catalans. Prochainement celui de ce vendredi qui a vu l’ex vice-président de la Généralité, Oriol Junqueras (ERC), refuser de répondre aux questions des accusateurs, pas seulement celui de l’ultradroite Vox (il faut s’y faire, enfin non, mais le droit espagnol autorise cette aberration unique en Europe !) mais aussi des Procureurs et de l’Avocate Générale. Il a revendiqué son statut de prisonnier politique et son option d’obtenir que s’exerce le droit d’autodétermination qui, a-t-il insisté, est un droit et non un délit ! Comprenons : devrait être un droit démocratique dont nul ne devrait ignorer que pour la "démocratie" espagnole c’est un délit ! Attitude courageuse de celui sur qui pèse la menace des peines de prison les plus lourdes (jusqu’à 25 ans). A saluer bien que l’orientation de tergiversation de son parti comme de celle, encore plus marquée désormais, du PDeCat sur le lancinant appel à l’Etat espagnol pour qu’il négocie ce qu’il a réaffirmé ne jamais vouloir accorder (l’autodétermination), appelle les plus expresses réserves.

L’évènement sur lequel il faudra revenir : l’énorme manifestation de ce jour à Barcelone en faveur des prisonniers politiques catalans : entre 200 000 et 500 000 participant-es ! Là se trouve le coeur de l’espoir catalan : une disponibilité populaire à se dresser contre l’arbitraire espagnoliste malgré (à cause de) la répression judiciaire en cours, disponibilité qui constitue le socle d’un autre paradigme politique, à concrétiser, que celui que mettent en oeuvre, au demeurant dans la division, les principaux partis indépendantistes.

J’ajoute que la décision du gouvernement espagnol de provoquer des élections législatives au printemps sanctionne son échec à obtenir ... l’appui (et puis quoi encore !) des indépendantistes catalans pour son projet de budget mais surtout doit être lue comme la confirmation que le PSOE est acquis foncièrement, à l’égal du PP, de Ciudadanos mais aussi de Vox, à la structure unitaire de l’Etat espagnol qui est la clé de voûte d’un système, "le régime de 1978", dont la crise de 2008 dévoile la profonde structure antipopulaire. Le président du gouvernement socialiste, Pedro Sánchez, préfère courir le risque, faire courir le risque, que la droite et l’extrême droite finissent de capitaliser électoralement, à l’échelle de tout l’Etat, le sale boulot de criminalisation du catalanisme, du projet démocratique d’autodétermination d’un peuple.

Criminalisation à laquelle son parti, le PSOE, et son frère catalan, le PSC, ont largement contribué en soutenant en 2017 le putsch du 155 et, une fois au gouvernement (... grâce aux voix des député-es catalanistes !), en se refusant à faire retirer par la Procureure de l’Etat les chefs d’accusation de rébellion et sédition contre lesdits prisonniers que, par ailleurs, les justices européennes, sollicitées pour extrader le président démis de la Généralité Carles Puigdemont, ont, sèchement, sans trop de précautions oratoires, refusé d’entériner...

Le maintien par Podemos de son projet post-électoral de faire alliance gouvernementale avec ce pseudo parti de gauche, tenté au demeurant, pour une bonne partie de l’appareil, de carrément s’allier à ... Ciudadanos, n’en est que plus scandaleux. Et, malgré sa demande que soient libérés les "presos", sa politique de subordination stratégique au PSOE ne peut qu’accentuer le discrédit d’une gauche d’alternative devenue, comme "l’autre", gauche politicienne. Une gauche acceptant en effet que, dans le potage unitaire proclamé à tous vents, pour après les élections, une pincée de mesures progressistes puisse peser plus qu’une main lourde de gros sel antidémocratique !

Du pain bénit que cette cuisine électorale, en cours d’élaboration, pour la coalition de droite extrémisée. Son discours de guerre civile (Casado, du PP, a appelé à résister rien moins qu’ au Front Populaire que réincarneraient Sánchez et Iglesias, lire ici), impunément alimenté au 155 de 2017 et à l’actuel procès anticatalan, parvient à faire oublier les scandales de corruption qui la lestent et fait sauter des verrous démocratiques dans l’électorat en retournant le processus de délégitimation l’affectant en un boomerang, à forte connotation néofranquiste, lancé à la face de la gauche tout entière (voir l’élection récente d’Andalousie).

Voilà une lecture, parmi d’autres à méditer et à discuter, de la situation actuelle, lourde de danger pour la Catalogne mais aussi pour l’ensemble des peuples de l’Etat espagnol, dont il importe de pointer les causes et les responsabilités pour avoir une chance de trouver les réponses adéquates. Autrement dit, selon moi, des réponses en termes de mobilisations populaires émancipées de tout électoralisme, où la revendication de liberté des prisonniers politiques catalans ait sa place aux côtés des autres revendications sociales et démocratiques de tous les "Espagnols".

Ce chemin est lui-même escarpé mais, c’est mon point de vue, le seul chemin à prendre... A prendre courageusement à contre-courant... pour commencer à contenir, contrôler et finir par dominer le méchant courant du moment que renforcent les démissions politiques en cascade de la gauche de droite (son tropisme de droite finissant de l’emporter sur son tacticisme-opportunisme de gauche) et de la gauche qui, s’arrimant à celle-ci, s’oublie d’avoir été (brièvement) la gauche "antisystème" mise, en quelque sorte, sur orbite par le mouvement des Indigné-es !

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