Édition du 30 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Monde du travail et syndicalisme

Face à la misère, les saisonniers de sosucam au Cameroun s’organisent en syndicat

Après plusieurs années de travail comme temporaire, les saisonniers de la société sucrière du Cameroun ont pris leur destin en main. Ils ont mis sur pieds un syndicat dans l’optique de défendre leurs intérêts, et de discuter directement avec leur hiérarchie.

Ils sont plus de sept mile coupeurs, planteurs, transporteurs, et glaneurs de canne à sucre, membres du syndicat des travailleurs Saisonniers de la Filière Canne à Sucre. Une réponse « aux frustrations et aux conditions de travail précaires dont nous sommes victimes dans des plantations de la Sosucam, et ce depuis des dizaines d’années » explique Zoulgué Mahamat, le président du STRASCAS.

Filiale du groupe Somdiaa contrôlée par le géant français Castel, la sosucam avec ses deux usines installées à Nkoteng et Mbandjock à une centaine de kilomètres de Yaoundé la capitale camerounaise, exploite plus de 24 mille hectares de terres sur lesquels sont disséminées ses plantations. Régulièrement, les travailleurs saisonniers dénoncent les conditions dans lesquelles ils exercent. Manque d’équipements appropriés, accidents de travail réguliers, maladies pulmonaires, salaire minable, non-respect des droits des travailleurs. Un vrai supplice, selon les travailleurs. « C’est n’est pas facile, si tu tombes malade en pleine campagne comme c’est le cas depuis le 5 novembre 2022, et que tu n’as pas donné le rendement comme la société le voulait, ce qui est sûr, c’est qu’à la prochaine campagne de coupe, tu seras déclaré invalide et ton contrat est rompu », renchérit le président du STRASCAS. « L’année dernière, j’ai été chassé de mon travail à la fin de la saison, juste parce que j’avais été blessé à la machette pendant la coupe de canne. J’ai trainé cette blessure suturée à trois niveaux. Je n’ai pas bénéficié des soins médicaux appropriés, j’achetais mon matériel de pansement alors que c’est dans la plantation de sosucam que l’accident est intervenu. Quand la blessure a guéri au bout de plusieurs semaines, cela a joué sur ma notation. J’ai été déclaré invalide et renvoyé sans un seul copeck de dommage », confie Victor Dobat un travailleur saisonnier. « Etre saisonnier affecté à la coupe ou au ramassage de cannes à la sosucam, c’est être exposé à la hernie. Le travail est très difficile. Les maladies sont très fréquentes. La tuberculose est permanente. Nous sommes exposés à la cendre. Avant de couper la canne, les champs sont brulés. Et c’est le lendemain qu’on engage la coupe et le ramassage. Nous inhalons ces cendres qui nous étouffent. Mais on n’a pas de choix, nous vivons mal, nous travaillons dans des mauvaises conditions, nous souffrons » renforce un autre travailleur.

A Mbandjock et Nkoteng, des voix s’élèvent régulièrement. La parole des travailleurs se libère par moment. Poussés à bout, ils finissent souvent par craquer. En février 2022, après un bras ayant entrainés d’énormes dégâts, des voitures saccagées, des motos détruites, un responsable de la société molesté, la sosucam avait fini par plier, en augment une maudite prime sur le salaire des agents révoltés.

Des abus dénoncés par des associations et ong de défense des droits de l’homme. Pour assurer un accompagnement technique des travailleurs saisonniers en termes de formations et d’orientation par rapport à la démarche syndicale et d’interpellation citoyenne, l’association « On Est Ensemble » a apporté son expertise.

Epinglé déjà par un rapport d’un organisme de la Direction générale du trésor français–le Point contact national (PCN) en l’occurrence, sur la base d’une plainte déposée par un collectif d’associations camerounaises composé du Centre d’actions pour la vie et la terre et de 14 comités Riverains de Veille de la zone sucrière du département de la Haute- Sanaga, l’entreprise sosucam se revendique pourtant une société citoyenne.

Dans son rapport de développement durable de 2019, le groupe Somdiaa affirme avoir formalisé sa démarche de responsabilité sociétale. « Les actions de prévention des risques liés à la sécurité au travail se sont intensifiées en 2019. Les accidents de travail avec arrêt ont réduit de 15 %, passant de 758 en 2018 à 649 en 2019. Le taux de fréquence a été réduit de 15% passant de 28,3 % en 2018 à 24,1% en 2019. Cette évolution significative a été atteinte grâce à la continuité des efforts vis-à-vis du respect du port des équipements de protection individuelle, complété par des contrôles inopinés et réguliers au sein de nos filiales » peut-on lire dans ce rapport de 94 pages.

Créée en 1965 et leader du marché camerounais du sucre avec 70% de couverture nationale, la Sosucam, détenu à 74% par des capitaux français et 26% par l’État du Cameroun. L’entreprise française revendique également le statut de l’un des grands employeurs camerounais, avec plus de 8000 emplois directs et indirects, dans un pays où le taux de chômage frôle les 70% sur une population de plus de 25 millions d’habitants.

Jean Charles Biyo’o Ella

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Sur le même thème : Monde du travail et syndicalisme

Sections

redaction @ pressegauche.org

Québec (Québec) Canada

Presse-toi à gauche ! propose à tous ceux et celles qui aspirent à voir grandir l’influence de la gauche au Québec un espace régulier d’échange et de débat, d’interprétation et de lecture de l’actualité de gauche au Québec...