Édition du 14 mai 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Jacques Parizeau refuse de se taire... et la véritable nature de la crise du PQ se révèle !

À mesure que les jours s’écoulent, il devient de plus en plus clair que les souverainistes qui ont démissionné du Parti québécois ne pouvaient se satisfaire de l’orientation imposée par Pauline Marois et les députés qui privilégient la perspective d’administrer un bon gouvernement provincial.

Le sens des démissions : rouvrir le débat sur la stratégie d’accession à l’indépendance du Québec

Ce sont en effet les plus ardents défenseurs de la souveraineté du Québec qui ont démissionné. La direction Marois est remise en cause non seulement à cause de son style autoritaire de gestion du parti, mais aussi à cause de sa stratégie de gouvernance souverainiste, qui n’est qu’une nouvelle version de l’affirmationnisme d’hier. Une direction qui refuse de préparer l’accession a la souveraineté, qui en fait un horizon lointain et qui se contente d’entretenir des perspectives floues sur la lutte pour l’indépendance représente un courant historique au PQ qui a parfois dominé, mais qui a le plus souvent dû composer avec les indépendantistes du Parti.

Pauline Marois a cru pouvoir reporter aux calendes grecques la perspective de devoir affronter la lutte concrète pour l’indépendance. Elle a cru que les indépendantistes conséquents avaient été définitivement mis au pas. La hauteur du vote de confiance l’a sans doute confirmée dans cette conviction. Les démissions des député-e-s qui croient que la priorité n’est pas de mettre en place un bon gouvernement », mais de préparer dès aujourd’hui l’accession à l’indépendance ont été un douloureux rappel à l’ordre. La saga des faux pas et des rappels à l’ordre dans l’affaire du projet de loi privé pour protéger l’accord Labeaume-Péladeau a précipité la crise.

Le recul majeur des intentions de vote en faveur du PQ à 21 % démontre que ces démissions spectaculaires de député-e-s connus ne faisaient que refléter sur la scène publique un processus de désaffection d’un secteur significatif de la base militante et de l’électorat du PQ déjà bien engagé. Devant un objectif stratégique du bon gouvernement qui ne mobilise plus qu’affairistes et ministrables, le parti de l’abstention se développe de plus en plus chez les souverainistes, sans compter ceux et celles qui décident de faire le saut vers Québec solidaire.

La lettre de "jeunes" député-e-s à Jacques Parizeau : une désolante tentative d’enfumage

Pour refuser de rouvrir le débat stratégique sur l’accession à la souveraineté, on a assisté cette semaine à des tentatives d’enfumage pour détourner l’attention des questions essentielles. Faire la politique autrement est maintenant devenu la formule passe-partout pour se dédouaner de celle qui se pratique actuellement tout en permettant d’esquiver, le plus souvent, celle qu’il faudrait faire.

Oser présenter les problèmes du PQ comme un problème générationnel relève de l’esquive la plus méprisable. Surtout que les arguments avancés se révèlent être des lapalissades niaises. "Il faut parler d’avenir et non du passé... le PQ a changé et doit encore changer... " Ils prétendent vouloir incarner la volonté de changement... Mais de quel changement s’agit-il ? En fait, ces "jeunes" s’avouent d’accord avec le programme que vient d’adopter le Parti québécois qui décrirait une démarche vers le pays. Mais c’est justement ce qui est en jeu dans la crise au Parti québécois. L’appel à Jacques Parizeau à éviter les médias qui se tourneraient vers les anciens porte-étandards résonne comme un appel à ménager leur mauvaise conscience, leur ralliement trop rapide et trop facile à une perspective provincialiste qui ne donne aucune place pour que la conviction populaire de soutien à l’indépendance trouve une façon de s’exprimer concrètement, comme souveraineté populaire. Cette expression est maintenant sous la tutelle de la cheffe du Parti québécois qui a obtenu le pouvoir de décision à cet égard. Cette lettre pitoyable d’enfumage et de diversion ne mérite que mépris.

Dans son intervention au colloque des IPSO, Jacques Parizeau rappelle des choses essentielles...

Il rappelle qu’une majorité du peuple québécois considère la souveraineté comme souhaitable, mais que la majorité croit que cela ne se fera pas. Et sans ambiguïté aucune, il affirme : « c’est notre faute si le public dit oui on aimerait ça, mais non cela ne se fera pas ». Le cynisme a été développé par la classe politique. En 1995, a-t-il rappelé, 94,4% de la population a voté au référendum. Parce que la politique était intéressante.« Aujourd’hui, on ne va pas voter, parce que ce n’est pas intéressant ». Il faut être clair avec les gens, ajoute-t-il. « La souveraineté c’est être en mesure de voter toutes nos lois, lever tous nos impôts et ratifier tous nos traités. » Comment y arrive-t-on ? Par la violence ? On n’en veut pas. Par des élections référendaires ? C’est ce qu’on croyait en 1970. Ou par un référendum ? En 1974, le PQ a opté pour l’option référendaire. Alors se désole-t-il si on se cache dès qu’on parle de référendum ... Les gens ont le droit de savoir où on veut les amener... Un référendum, ça se prépare dès maintenant. C’est long, insiste-t-il. Cela ne se prépare pas quand on est au pouvoir... »

Rappelons que le dernier congrès du PQ a bel et bien rejeté la proposition de la mise sur pied d’un comité qui aurait eu comme objectif de veiller au suivi de la préparation d’un référendum sur l’indépendance. Il franchissait alors le Rubicon de la démission comme parti. Le peuple veut savoir où on veut les amener, nous a encore dit Parizeau. Il a alors rappelé la consultation populaire qui a précédé le référendum de 1995 où 55 000 personnes ont participé pour exprimer leurs idées sur l’avenir du Québec.

... Et dans la lettre, il met les points sur quelques i

Jacques Parizeau ne renonce pas à son droit de parole. Pour lui, tant dans l’affaire de la proposition du cheminement tortueux de la proposition de Crémazie amendant l’article 1 sur l’accession à la souveraineté que sur la question du projet de loi 204, le coeur de la crise qui secoue le Parti québécois (c’est) la liberté de parole, le droit de parole, c’est le refus d’être muselé.

Si c’en est une dimension essentielle, c’est davantage une crise d’orientation stratégique pour l’indépendance qui est en jeu. C’est sur cette question essentielle que la direction Marois veut mettre le couvercle sur la marmite. Mais l’inféodation du mouvement souverainiste au PQ est aujourd’hui profondément lézardée. Le projet de la gouvernance souverainiste ne saurait dorénavant masquer cette réalité. La lutte pour l’indépendance n’appartient à aucun parti.

Le peuple du Québec a en fait besoin de déterminer où il veut aller, de définir le Québec qu’il veut construire !

Dans le document définissant le sens de sa campagne “Un pays de projets" Québec solidaire écrit : "Une Assemblée constituante pour laisser la population décider de son avenir. Pour redonner la parole à la population, il faudra passer par là. Seule l’indépendance pourra permettre au Québec de disposer de tous les pouvoirs et de toutes les ressources nécessaires pour réaliser ce pays de projets que nous désirons. Toutefois, le pays du Québec ne naîtra pas uniquement à l’issue d’une simple campagne référendaire de 30 jours, où la réflexion est trop souvent réduite à sa plus simple expression. Les deux référendums perdus démontrent la difficulté d’arriver au résultat voulu par les souverainistes par cette voie. Il est temps d’essayer autre chose. Un gouvernement solidaire s’engage à instituer une Assemblée constituante élue au suffrage universel. » Une telle constituante permettrait au peuple du Québec de définir lui-même, dans une véritable démarche de démocratie participative, la constitution du pays qu’il veut voir advenir.

Il y a là les éléments essentiels pour ouvrir le débat sur la stratégie de lutte pour la souveraineté et sur le dépassement de l’enfermement dans lequel se trouve la politique au Québec. Le déblocage de la situation trouvera sa source dans l’expression de la souveraineté populaire remettant en question la politique faite par d’autres et pour d’autres. Définir, ensemble, une indépendance faite pour et par leur peuple, c’est la seule démarche qui permettra l’expression d’une démocratie véritable.

Bernard Rioux

Militant socialiste depuis le début des années 70, il a été impliqué dans le processus d’unification de la gauche politique. Il a participé à la fondation du Parti de la démocratie socialiste et à celle de l’Union des Forces progressistes. Militant de Québec solidaire, il participe au collectif de Gauche socialiste où il a été longtemps responsable de son site, lagauche.com (maintenant la gauche.ca). Il est un membre fondateur de Presse-toi à gauche.

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