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Le Canada a plus besoin d'un Jeremy Corbin que d'un Justin Trudeau

David J. Climenhaga, rabble.ca, 20 novembre 2017 | Traduction, Alexandra Cyr

Est-ce que le Canada est prêt pour plus de J. Corbin et moins de J. Trudeau ? Selon Martin Lukacs, un des auteurs du Manifeste du bond en avant (Leap Manifesto) au NPD et maintenant correspondant canadien du Guardian, basé à Montréal, la réponse est oui.

J. Corbyn est le chef du Labor Party britannique, socialiste convaincu et généreusement vilipendé par la bonne société de son pays, dont la droite se fait le porte-parole au parlement et ailleurs dans le monde. On prédisait qu’il sera battu à plate couture par les Conservateurs de Mme T. May, qui avait déclenché une élection tout juste un an après le vote sur le Brexit au le Royaume uni.
Bien sûr, nous connaissons bien J. Trudeau.

Mais, M. Lukacs s’est adonné récemment, devant les quelques 300 participants.es à la 21ième conférence annuelle du Parkland Institue de l’Université de l’Alberta à Edmonton, à déconstruire le « néolibéralisme progressiste » de J. Trudeau, dans une conférence mordante et parfois très drôle. J. Corbyn a sauvé son Parti, sa carrière et peut-être la Grande Bretagne quand les meilleurs plans de Mme May sont tombés à l’eau le 8 juin (2017).

Le thème de la conférence de l’Institut Parkland était : Effondrement : la crise du néolibéralisme.

En passant, le Guardian est le quotidien britannique internationalement respecté pour son penchant à gauche, ce qui lui vaut le mépris des milliardaires et des centres du 1% sur toute la planète. Par exemple, dans un éloge dithyrambique à Donald Trump publié dans le National Post vendredi, Conrad Black l’ex magnat de la presse, s’est moqué du Guardian en disant : « (il est) au bord de la faillite et réduit à une lamentable variation de financement social ». (…) Notons que le Post, fondé par C. Black en 1998 pour promouvoir le néolibéralisme, est ironiquement au bord de la faillite et réduit à une lamentable quête de soutient de la part des contribuables.

Hier, M. Lukacs a soutenu que c’est le plaidoyer sans ambages de M. Corbin pour « les vieilles politiques » socialistes qui a permis au Labour de presque battre les Conservateurs. Non pas le contraire comme le prêche l’establishment.
Les médias britanniques et même ses ennemis à l’intérieur du Parti, ont accusé J. Corbin de vouloir retourner aux années 1970. Les jeunes électeurs.trices britanniques ont évalué que l’éducation à prix raisonnable, l’accès aux pensions et d’autres bénéfices de la période précédant la domination du néolibéralisme « étaient plutôt une bonne affaire ». M. Lukacs affirme : « C’est ce modèle qui devrait nous intéresser au Canada ».

J. Corbin n’est peut-être pas un champion des égos portraits. Ses complets ne sont pas les plus chics, et au lieu de se prélasser chez l’Aga Khan il fait de la randonnée terrestre en Europe. Mais il est très conscient de l’anxiété de notre époque où il est de plus en plus clair que l’économie néolibérale est une catastrophe mondiale. Il n’est pas gêné de dire haut et fort : « Nationalisons » !

M. Lukacs soutient aussi qu’après 30 ans de virage vers le néolibéralisme au Canada par les Conservateurs et les Libéraux, ce sont les élites internationales qui se pâment devant J. Trudeau et sa rhétorique platement et vigoureusement positive. Cela maquille habilement la faillite du néolibéralisme corrompu du 21ième siècle. Pourtant, le Premier ministre laisse rarement tomber son masque doucereux.
Comme les Présidents américains, B. Obama et B. Clinton, J. Trudeau se « débarrasse de tout conflit (qui menacerait) les intérêts et l’idéologie (des membres les plus influents du Parti) ».

L’obséquieuse presse britannique l’a surnommé « Premier ministre clic kodak ». Pour M. Lukacs, il « est le Ryan Gosling (acteur canadien n.d.t.) de la politique néolibérale….sur qui ont peut projeter n’importe quel de nos désirs et volontés ». En d’autres mots, paraphrasant le comique Graucho Marx : notre Premier ministre dit au monde : « Voilà mes principes. Si vous ne les aimez pas, j’en ai d’autres ». Et M. Lukacs souligne que cela lui vaut une notoriété internationale qui renforce ses plans ici au pays.

Dans la foulée de l’histoire de son Parti, le rôle de J. Trudeau n’est pas de changer le système mais de le défendre sans faillir. Cela veut dire aussi de défendre les multimillionnaires et leurs bénéfices, ajoute M. Lukacs. Quand tout ce monde se rend compte que le néolibéralisme est partout en crise selon toutes évidences, pas étonnant qu’ils aiment (ce chef) !

Les Libéraux de J. Trudeau disent ce qu’il faut dire ; on prône les droits des femmes, des LGBT2, la réconciliation avec les Amérindiens.ne et les accommodements religieux. Cela tout en soutenant l’économie néolibérale qui a déjà dévasté les vies des travailleurs.euses du pays, dans le monde quel que soit la diversité à laquelle ils et elles appartiennent. Selon M. Lukacs, les Libéraux et M. Trudeau ne font qu’offrir « un simple accommodement » à l’ordre néolibéral. En effet, les Libéraux s’engageaient avant l’élection (de 2015) à ne pas introduire de programme d’austérité pour venir à bout de la récession. Finalement, ça s’est transformé subrepticement en un programme de privatisation.

Le NPD et son chef Thomas Mulcair ont répondu (à ce programme), au cours de la campagne électorale de 2015, en s’engageant « à ne pas faire de déficit. Pour une large part, ce fut la raison de sa défaite » souligne M. Lukacs. Et il poursuit en disant que cette stratégie risquée à permis aux Libéraux de gagner, et : « a créé les conditions pour que se développe le nouveau populisme de droite comme celui qui a si brutalement triomphé aux États-Unis. Si la gauche ne saisit pas toutes ses chances, c’est la droite qui s’évertuera à nous pousser tous et toutes vers le bas plutôt que vers le haut ». C’est exactement ce que Jason Kenney espère réussir en Alberta ; suivre les pas de D. Trump.

M. Lukacs poursuit : « La tâche de chaque génération dans notre pays est de se montrer perspicace devant les manières de faire des Libéraux. (…) L’histoire du Parti libéral nous apprend qu’il n’est qu’un producteur de faux progressisme. Nous avons besoin d’un Orwell canadien pour nous expliquer comment les Libéraux ont réussi à détourner le sens des mots pour arriver à leurs fins ». Mais, il souligne qu’ils ont toujours été sensibles aux pressions de droite comme de gauche. Ils ont donc utilisé des groupes de réflexion et des universitaires de droite pour effectuer leur virage. « Nous devons donc pousser le centre vers nous, à gauche ».

Il a repris un argument important de la conférence de Mme Linda McQuaig, écrivaine et qui a été candidate pour le NPD. (Elle soulignait) que les inégalités sont un enjeu important parce qu’avec la richesse vient le pouvoir politique. Elle donnait comme exemple d’équité, le système de santé canadien. Selon elle, cela explique que la droite canadienne s’acharne autant à l’affaiblir malgré sa popularité dans la population. Elle soutient, que ce système : « garantit les principes d’égalité. Comme citoyens-nes du pays, nous avons accès à d’excellents soins de santé. …Un.e multimillionnaire ne peut être vu plus vite qu’un.e concierge à l’urgence….Pas besoin d’être un.e génie pour comprendre à quel point cela enrage la droite. Quelle victoire » !

Le lendemain matin, M. Lukacs soulignait à l’auditoire que cela était un argument de fond. Les politiques sont rarement des instruments de gains pour tous et toutes comme les politiciens.nes voudraient que nous le pensions : « Nous devons reconnaitre qu’elles font des perdants-es.. En effet, sous l’empire du néolibéralisme, les familles des travailleurs.euses et la démocratie ont été les perdantes. Nous avons perdu le sens (de la valeur) du conflit et nous devons le reprendre dans (l’action politique) »

« Cessons de réclamer des autoportraits et commençons à demander beaucoup plus » !

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