Édition du 7 mai 2024

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Dossier : contre l’agression militaire contre l’Ukraine !

La Russie s’est emparé du site de Tchernobyl. Les quinze autres réacteurs ukrainiens sont à risque en zone de guerre

"C’est un site éminemment instable. L’entreposage du pétrole sur place est aussi instable. Il y a environ un an, il y a eu une certaine augmentation de l’activité des neutrons qui a fait peur car cela aurait pu déclencher une chaine de réactions et même une explosion. Tout espèce de conflit actif autour de ce site est très, très alarmant et pire quand on pense aux autres réacteurs dont vous avez parlé."

Democracynow.org, 25 février 2022
Traduction, Alexandra Cyr

Introduction : L’activité militaire autour des sites nucléaires ukrainiens est alarmante. Attaquer l’une ou l’autre des centrales nucléaires instables n’importe où dans le pays pourrait causer une catastrophe pour tout le continent européen. Les troupes russes se sont emparé du site de Tchernobyl de terrible mémoire pour le désastre de 1986. On rapporte qu’elles y garderaient le personnel sur place en otage, soulevant la peur que la moindre perturbation pourrait libérer les radiations mortelles qui y sont enfermées pour des années. Comme l’Ukraine compte sur l’énergie nucléaire pour 50% de son électricité, arrêter ses réacteurs en fonction diminuerait de beaucoup les dangers de catastrophe mais elle se priverait d’électricité en pleine guerre. Linda Pentz Gunter, spécialiste internationale à Beyond Nuclear, souligne : « C’est la première fois que nous voyons des centrales nucléaires en fonction au beau milieu d’une zone de guerre. Toute espèce de situations pourraient mener à une catastrophique fonte (de réacteurs) ».

Amy Goodman : Le gouvernement ukrainien sonne l’alarme ; la prise du site de Tchernobyl par l’armée russe pourrait mener à un désastre écologique sur le site. La centrale est inactive mais de nombreux déchets nucléaire y sont encore. Déjà des rapports signalent une augmentation des radiations dans le secteur peut-être parce que les véhicules militaires russes ont circulé dans la zone d’exclusion bouleversant le sol contaminé. Tchernobyl est à 10 miles de la frontière avec la Biélorussie et environ à 80 miles de Kiev.

Jeudi, la secrétaire de presse de la Maison blanche, Jen Psaki, a parlé de la situation à Tchernobyl : « Les rapports à l’effet que les soldats russes tiendraient en otage le personnel des installations de Tchernobyl nous mets en rage. Cette prise d’otage illégale et dangereuse peut empêcher le travail du personnel pour maintenir et protéger les déchets nucléaires. C’est clairement très alarmant et suscite de grandes préoccupations. Nous le condamnons et exigeons leur libération ».

Plusieurs experts en énergie nucléaire soulignent que Tchernobyl n’est qu’un des risques auxquels l’Ukraine fait face. Il y a dans le pays 15 autres réacteurs actifs dans quatre centrales. Si n’importe lequel de ces réacteurs était endommagé par une attaque militaire, un désastre pourrait s’en suivre, que ce soit accidentel ou volontaire. Même chose si une prise d’otage y est perpétrée, si un incendie s’y déclare ou si les employés.es s’enfuient suite à des menaces de violence. L’Agence Bloomberg fait remarquer que c’est la première fois qu’une guerre d’envergure se déroule sur un territoire si dépendant de l’énergie nucléaire. La plus grande centrale nucléaire ukrainienne de situe à environ 120 miles de la région du Donbass où les séparatistes et l’armée ukrainienne se combattent depuis des années.

Nous nous tournons vers Linda Pentz Gunter. Elle est la spécialiste internationale du groupe Beyond Nuclear qu’elle a fondé. Récemment, elle a publié un article sur le site de CounterPunch intitulé : « In the Line of Eternal Fire : Ukraine’s Nuclear Reactors ».

Linda (…), pouvez-vous nous parler de ce que signifie la prise du site de Tchernobyl par la Russie ? Qu’est-ce que cela veut dire et décrivez-nous le contexte plus large à propos de l’énergie nucléaire à Tchernobyl et ailleurs en Ukraine ?

Linda Pentz Gunter : Bien sûr. (…) Je ne peux qu’imaginer le pire désastre si quelque chose arrivait dans n’importe lequel des sites nucléaires.

Nous ne savons pas exactement ce qui se passe à Tchernobyl. Est-ce que les fuites radioactives augmentent et est-ce qu’il y a vraiment un prise d’otage. Nous avons un collègue qui y travaillait. Ce n’est plus le cas mais il y a gardé des contacts. Hier, il m’a informé que le personnel était encore en place mais dans l’impossibilité de prendre quelque décision que ce soit à cause de l’occupation russe. Je ne sais pas si cela équivaut à une prise d’otage ou simplement un interdit au personne en place de prendre des décisions.

Mais c’est un site éminemment instable. L’entreposage du pétrole sur place est aussi instable. Il y a environ un an, il y a eu une certaine augmentation de l’activité des neutrons qui a fait peur car cela aurait pu déclencher une chaine de réactions et même une explosion. Tout espèce de conflit actif autour de ce site est très, très alarmant et pire quand on pense aux autres réacteurs dont vous avez parlé.

C’est la toute première fois qu’une guerre se passe sur un territoire où des centrales nucléaires sont en activité. Et comme vous l’avez dit, toute sortes de situations pourraient mener à une fonte (de cœurs de réacteurs) catastrophique même quelque chose d’aussi simple que l’arrêt de l’alimentation énergétique depuis l’extérieur (de la centrale) puis à l’intérieur. Nous ne savons pas ce qui se passe dans ces installations. Si ces réacteurs perdent l’alimentation en électricité venant de l’extérieur et doivent utiliser leurs générateurs d’urgence présents sur le site, il est évident que ça ne durera pas longtemps. Donc, pertes d’électricité dans le pays.

C’est donc la situation entière qui est alarmante. Si nous nous tournons vers un désastre nucléaire, nous ajoutons à la tragédie humaine une possible augmentation importante de la radioactivité qui ne toucherait pas que les Ukrainiens.nes mais, selon la direction des vents, la Russie, la Biélorussie et bien sûr l’Europe et plus encore. Il n’y a pas beaucoup de sens à se dire que personne n’attaquerait volontairement n’importe laquelle de ces centrales. Mais dans le feu de l’action, ça pourrait arriver par accident.

A.G. : Qu’en est-il des cybers attaques ? Et des travailleurs-euses qui ayant peur d’aller au travail …..qu’est-ce que cela peut vouloir dire ?

L.P.G. : Nous avons toujours pensé que ce serait le plus probable puisque la Russie est très capable en cette matière. Si cela arrivait et rendait impossible de contrôler d’un réacteur, c’est tout aussi inquiétant.

Quant au personnel, malheureusement, même durant les meilleurs jours, les centrales nucléaires ne sont pas complètement sécurisées. Donc, il est impératif de maintenir du personnel dans ces installations peu importe la raison. C’est un appel au sacrifice. Comme celui qui a été demandé à ceux et celles de la centrale de Fukushima Daiichi par le premier ministre japonais d’alors, quand la compagnie TEPCO voulait évacuer ses employés.es durant le désastre. Personne ne pouvait sortir. Mais, nous sommes tous humains.es et la tentation de s’enfuir avec sa famille quand vous êtes au milieu d’une zone de guerre, est normale. C’est impossible pour le personnel des centrales nucléaires.

A.G. : Parlez-nous de Zaporizhia, de sa signification de la grandeur de sa zone, et de ce que représente le fait qu’elle soit en plein milieu de la bataille ?

L.P.G. : C’est le site du sixième réacteur. Un média a publié hier, une carte montrant où les explosions avaient lieu. Une était dangereusement proche de Zaporizhia. C’est la plus grande centrale d’Europe : 5,700 mégawatts de production et une quantité de matériel nucléaire massive.

Il faut se rappeler qu’en 1986, quand Tchernobyl a explosé, c’était relativement nouveau et ne concernait qu’une seule unité. Et ce fut quand même un désastre humanitaire dont nous voyons encore les effets aujourd’hui parce que quand la radioactivité s’échappe elle ne se dissipe pas, c’est pour toujours et elle attaque notre ADN. On observe des problèmes dans la chaine des générations humaines : des naissances anormales, des leucémies, des cancers de la thyroïde et ainsi de suite. Donc c’est quelque chose qui dure pour toujours et si quelque chose arrive, particulièrement à Zaporizhia, ce sera significatif parce que c’est une si grande centrale.

A.G. : Pouvez-vous nous dire ce qu’il faut faire maintenant ?

L.P.G. : Comme il a été dit précédemment dans votre émission, nous devons obligatoirement nous tourner vers la diplomatie pas vers la guerre. Je ne suis pas une experte dans ce domaine donc, je ne peux pas dire comment cela devrait se passer. Hier quelqu’un m’a demandé : « Pourquoi ne fermons-nous pas ces centrales en prévention » ? C’est ce que nous faisons ici quand on annonce un ouragan qui pourrait frapper directement une centrale nucléaire. Parfois, pas tout le temps, on arrête l’alimentation électrique et fermons les réacteurs. En Ukraine, les 15 réacteurs produisent 50% de l’électricité du pays. Ce n’est donc pas une option en ce moment, au beau milieu d’une guerre à grande échelle. Il n’y a donc pas de situation gagnante ; nous sommes dans la configuration la plus large de ce conflit. Il nous reste à espérer que les personnes les plus raisonnables auront le dessus (…) et que personne ne prendra la décision radicale d’attaquer délibérément une centrale ou d’utiliser les armes nucléaires.

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