Édition du 23 avril 2024

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Politique québécoise

La grande braderie du plan de relance du PQ

Le plan de relance du PQ brade le bien commun hydraulique du Québec, plus une générosité fiscale financée par les coupures sociales et par les hausses de tarif, par l’offre de vente d’électricité à rabais à toute une panoplie d’entreprises.

Le volet hydraulique, même si les rabais par rapport au tarif grande puissance (tarif L) ne sont pas inclus dans la somme de deux milliards $ sur trois ans dont le gros morceau (700 millions) est un crédit d’impôt aux entreprises, n’en est pas moins le cœur de ce programme dont la rénovation verte (110 millions) est le sucre sur la pilule. Il ne faut pas se surprendre de la réaction fort positive des Conseil du patronat et tutti quanti… et des centrales syndicales (sic)… et de la colère des partis d’opposition qui ont bien compris la manœuvre électorale qui leur tire de sous les pieds la carte thématique de l’économie qu’il comptait utiliser contre le PQ. Quant au PQ, il s’était rendu compte que la mauvaise performance conjoncturelle de l’économie du Québec depuis le début de l’année l’obligeait à se sortir du piège de l’atteinte de l’équilibre budgétaire pour la prochaine année fiscale en contrebalançant ce renoncement, déplaisant pour le milieu des affaires, par l’annonce d’un programme de relance du genre que les OCDE et FMI de ce monde conseillent, réalisant que l’austérité à pleine vapeur devient trop menaçante pour la paix sociale.

Révéler le coût des rabais par rapport au tarif L, lui-même un rabais, aurait fait scandale. L’article du Devoir (Marco Bélair-Cirino, L’électricité sera vendue au rabais pour attirer les investisseurs, 8/10/13) permet quand même de le deviner. Pour ce programme, le gouvernement réserve « un bloc de 50 TWh […qui] représentent une fois et demie la consommation d’électricité annuelle de l’île de Montréal ou 75 % de la consommation industrielle totale du Québec en 2012 ». Y auront droit « les secteurs de la transformation des ressources naturelles, de la fabrication de composantes liées à l’électrification des transports, ou liées aux énergies renouvelables et aux technologies vertes ainsi que les technologies de l’information… » « Ces 50 TWh proviendront des surplus d’achats postpatrimoniaux déjà engagés par Hydro-Québec Distribution à un coût moyen de 10 cents/kWh… » « Le tarif offert oscillera autour de celui des contrats spéciaux - environ 3 cents/kWh […] avant d’être progressivement relevé au niveau du tarif industriel habituel, le tarif L - de 4,5 à 5 cents/kWh […] au terme des dix premières années. »

Pour une année, si l’ensemble du bloc était engagé, la subvention implicite serait donc de (.10-.03)$ X 50(1012 - 103)Wh, soit .07$ X 50GWh, soit 3.5 milliards $ l’an. Ce calcul sommaire correspond à celui de « [l]’analyste en énergie Jean-François Blain [qui] y voit une « revente au rabais » […] : “La différence entre le coût total d’acquisition et le revenu total résultant de cette revente à rabais, soit environ 3,2 milliards de dollars représentent la perte financière qui sera épongée par l’ensemble des clients réguliers d’Hydro-Québec Distribution.” ». À 5 cents le kWh, elle serait de 2.5 milliards $ l’an. Si l’on suppose qu’en moyenne sur dix ans, la moitié du bloc sera engagé au prix moyen de 4 cents le kWh, la subvention implicite serait donc de 1.5 milliard $ l’an, soit, sur trois ans pour fin de comparaison avec la somme de deux milliards $ en subvention directe et fiscale du programme de relance, 4.5 milliards $. Si on suppose de plus une période de démarrage, la subvention implicite sera au moins le double de la subvention explicite pour le restant du programme.

Une réponse de gauche qui tient compte des rapports de force

Quelle pourrait être une réponse de gauche à cette braderie pour ne pas se faire coincer dans le piège qu’une attitude trop rigide laquelle entraînerait des pertes d’emplois en éloignant des investisseurs ? Il faut en effet tenir compte du rapport de forces entre le capital et le monde du travail très à l’avantage du premier.

Dans le cas des entreprises d’exploitation et de première transformation des matières premières, y compris dans le domaine de l’énergie, la réponse est la nationalisation démocratique et autogestionnaire telle que stipulée dans la plate-forme électorale et le programme de Québec solidaire en autant qu’ils ne soient pas mis sous le boisseau. La raison fondamentale en est que les ressources naturelles sont le bien commun, le patrimoine si l’on veut, du peuple québécois dont la rente et les bénéfices d’exploitation lui reviennent. Tout au plus serait-il possible de s’associer avec une entreprise privée dont on a besoin de l’expertise lui concédant la partie minoritaire des profits moyens mais non la rente (royalties, redevances, une partie des impôts).

Pour le cas des entreprises purement manufacturières, on peut penser à la solution contenu dans le programme de l’ancien Parti de la démocratie socialiste (PDS), un des partis fondateurs de l’Union des forces progressistes (UFP) lui-même un des partis fondateurs de Québec solidaire soit « la prise de participation étatique dans les compagnies subventionnées, ce qui permettra d’associer le gouvernement aux prises de décision »… et de savoir ce qui s’y trame y compris ces prétendus secrets commerciaux qui ne le sont que pour le grand public et les élus. J’ajouterais que cette participation pourrait être au prorata du ratio de la subvention, implicite ou explicite, par rapport au capital investi que ce soit sous forme de fonds propres ou d’endettement.

Il ne faut pas s’illusionner par rapport au soi-disant potentiel de création d’emplois des entreprises pour lequel il faudrait sacrifier le bien commun hydraulique. Selon l’éditorialiste du Devoir, Robert Sansfaçon :

« Toutes ces mesures et une foule d’autres devraient générer 43 000 emplois d’ici trois ans, selon le ministre des Finances, en sus des 72 000 qui seraient créés normalement, pour un total de 115 000. Voilà des chiffres étonnants puisque cela équivaut à une moyenne annuelle de 38 000 emplois nets, un nombre identique à celui de 2011, à peine meilleur que les 30 800 de 2012 et surtout bien inférieur aux 66 700 de 2010… Tout ça pour ça ? » (Politique économique - Budget d’automne ?, Le Devoir, 8/10/13)

Et d’enfoncer le clou :

« N’empêche qu’en cette période d’austérité, on aurait aussi pu commencer par se demander pourquoi le Québec fait moins bien que l’Ontario, qui n’offre pourtant même pas le tiers des avantages fiscaux du Québec à ses entreprises et qui ne solde pas son électricité. »

Marc Bonhomme, 8 octobre 2013

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