Édition du 30 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Politique canadienne

La structure économique régressive du Canada

Aperçu économique et politique (TCA)

Le seul secteur de l’économie canadienne où les entreprises privées affichent un certain dynamisme est celui de l’extraction des ressources naturelles, notamment le pétrole.

Les prix élevés du pétrole à l’échelle mondiale, combinés à de très faibles redevances et taux d’imposition, et à la volonté de notre gouvernement de vendre nos ressources aux multinationales, ont stimulé un élan sans précédent dans le
secteur des mines et du pétrole. Le boom est concentré sur les réserves de bitume du Nord de l’Alberta, mais d’autres régions dotées de ressources ont aussi pris de l’expansion.

Bien sûr, le Canada a toujours été un important producteur de ressources, et les industries des ressources naturelles ont le potentiel de contribuer de manière significative à l’emploi et à la prospérité au pays. Toutefois, d’importants coûts sont associés aux industries des ressources et doivent aussi être pris en considération, et gérés, afin que nos ressources soient exploitées d’une manière qui maximise les avantages nets pour les Canadiennes et les Canadiens. Nous devrions notamment nous préoccuper de :

• contrôler le développement des ressources afin de minimiser les dommages causés à l’environnement,

• faire en sorte qu’un maximum d’opportunités économiques et d’emplois associé aux projets de développement des ressources soit disponible aux Canadiennes et aux Canadiens, y compris aux groupes recherchant l’équité (comme les communautés autochtones),

• faire en sorte que le rythme général du développement des ressources soit géré afin d’éviter de causer des dommages à d’autres secteurs de l’économie (par l’inflation, les déséquilibres régionaux et les effets sur le taux de change),

• limiter le contrôle et les bénéfices des entreprises étrangères dans les projets de développement des ressources au Canada.

Au sujet de tous ces critères, l’approche « passive » du gouvernement fédéral actuel provoque des dommages considérables et une dislocation. L’industrie pétrolière, dominée par les entreprises étrangères, a reçu le feu vert pour développer les ressources (notamment les gisements de bitume) aussi vite que possible. Il n’y a aucune restriction à la propriété étrangère ni à l’exportation de ressources non traitées. Les exportations de ressources ont augmenté, mais tout le reste de la production canadienne pour l’économie mondiale (y compris dans le secteur manufacturier, le tourisme et les services) a baissé. Notre balance commerciale s’est étiolée, même si des capitaux étrangers se sont précipités. Sur le plan structurel, nous sommes plus dépendants de l’exportation des ressources brutes que jamais au cours des récentes décennies.

Par exemple, le graphique 4 montre la proportion des exportations canadiennes totales composées de produits à base de ressources. Cette dépendance à l’égard des ressources a baissé entre les années 1970 et 1990, alors que nos industries à valeur ajoutée (comme le secteur automobile, l’aérospatiale et l’équipement de télécommunications) prospéraient. Toutefois, depuis le début du siècle, le Canada est rapidement revenu à son rôle économique traditionnel de fournisseur de produits de base au reste du monde. L’année dernière, près des deux tiers des exportations de marchandises canadiennes étaient composés de produits non traités, ou à peine traités, et dépendants des ressources, par rapport à tout juste 42 % en 1999 (lorsque nos industries à valeur ajoutée étaient à leur sommet).

Cette tendance est très dangereuse à long terme et présente des risques économiques, environnementaux et géopolitiques énormes pour le Canada. Un véritable succès dans l’économie mondiale moderne exige beaucoup plus que d’extraire une matière quelconque du sol sous nos pieds. Nous avons plutôt besoin d’une stratégie pour bâtir une économie diversifiée à valeur ajoutée qui s’appuie sur notre créativité, notre travail et notre innovation, et pas seulement sur nos ressources naturelles.

L’impact du boom pétrolier sur la monnaie canadienne a été une source particulière de préoccupation. Même si l’industrie du pétrole compte pour moins de 3 % du PIB du Canada, et même si notre balance commerciale globale s’est aggravée pendant le boom du bitume, les cambistes traitent maintenant le dollar canadien comme un « pétrodollar ». Ils ont mené le dollar nettement au-dessus de sa juste valeur commerciale. (Selon les prix et coûts relatifs, les économistes de l’OCDE et du FMI pensent que la vraie valeur de notre dollar devrait être autour de 0,81 cent américain.) Cette situation a provoqué beaucoup d’ennuis dans toutes les industries sensibles aux exportations, y compris le secteur manufacturier, le tourisme, et de manière générale le commerce des services (comme le transport). Les entreprises manufacturières de l’Ontario ne sont pas les seules à avoir souffert. Même en Alberta, l’épicentre du boom, les emplois manufacturiers sont disparus par milliers, éjectés par l’impact artificiel d’une monnaie gonflée.

Déclarations du premier ministre de l’Ontario, Dalton McGuinty, et du chef du NPD, Thomas Mulcair) ont révélé une attitude défensive incroyable de la part de l’industrie pétrolière et de ses défenseurs au gouvernement. Ils ont tenté de nier les faits économiques qui parlent d’eux-mêmes et qui sont démontrés de manière empirique : le dollar canadien a été poussé à la hausse par l’industrie pétrolière et la montée du dollar a porté atteinte aux exportations de produits autres que les ressources naturelles. Encore plus scandaleux, ils ont travaillé à saper la légitimité de quiconque osait remettre en question leur vision des exportations de produits de l’énergie en les traitant d’analphabète économique ou de subversifs financés par des pays étrangers. Il s’agit d’une détérioration lamentable de la qualité des débats politiques au Canada.

Les TCA ont toujours fait campagne pour des stratégies économiques sectorielles visant à soutenir de manière proactive les investissements, la technologie, les emplois et les exportations des principales industries.

Bien que nous reconnaissions les avantages potentiels des investissements étrangers et du développement des ressources, nous avons aussi toujours reconnu le besoin de contrôler rigoureusement ces flux pour générer des avantages nets pour les Canadiennes et les Canadiens. De manière semblable, bien que nous convenions que le commerce international peut contribuer à des possibilités économiques importantes (notamment dans les industries spécialisées de haute technologie), ce commerce doit être géré de sorte qu’il se déroule sur une base réciproque mutuelle, contrairement aux accords actuels de libre-échange. L’expérience internationale récente a montré que les pays ayant le mieux réussi – dont l’Allemagne, la Corée, la Suède, le Danemark, le Brésil et la Chine – sont ceux qui ont adopté des stratégies sectorielles et industrielles proactives. En contraste, les économies qui ouvrent simplement la voie au capital étranger et attendent ensuite que le marché privé ne par magie ont été affligées par la désindustrialisation et la spéculation, plutôt que par des investissements réels et des projets de développement. Tristement, le Canada se range dans cette dernière catégorie, et nous allons y rester jusqu’à ce que nous adoptions une approche plus proactive et directe pour développer notre économie et nos principales industries.
Ces thèmes constants dans l’approche des TCA au développement économique n’ont jamais été aussi pertinents, ni aussi importants, qu’aujourd’hui alors que notre économie nationale au complet se voit restructurée sous l’impulsion d’une urgence de vendre nos ressources au plus offrant pour faire des bénéfices rapides.

L’ensemble de profils sectoriels de l’économie qui ont été préparés pour ce congrès présente les grandes caractéristiques des stratégies sectorielles proactives qui sont profondément nécessaires pour renforcer les principales industries où les membres des TCA travaillent.

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