Édition du 23 avril 2024

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États-Unis

« Le fascisme haut et fort » : D. Trump amplifie son discours raciste et l’extrême droite fais des plans pour une lente guerre civile

Nous allons maintenant examiner le langage de plus en plus autoritaire de Donald Trump dans ses discours de campagne.

Democracy Now, 21 décembre 2023
Traduction, Alexandra Cyr

Nermeen Shaikh : Nous allons maintenant examiner le langage de plus en plus autoritaire de Donald Trump dans ses discours de campagne. Durant la dernière fin de semaine, il a déclaré que les immigrants.es « empoisonnent le sang » de la nation.

Donald Trump : « Quand ils laissent…..je pense que le nombre exact de gens (entrés) dans notre pays est de 15 ou 16 millions. Quand ils font cela, nous avons beaucoup à faire. Ils empoisonnent le sang de notre pays. C’est ce qu’ils ont fait. Ils nous ont empoisonnés.es  ».

N.S. : Ces remarques ont suscité un très grand nombre de critiques. La Vice-présidente, Kamala Harris a déclaré que ces termes étaient « semblables à ceux d’A. Hitler » Mais, mardi, D. Trump en a rajouté en Iowa durant un discours de campagne.

D.T. : Ce qui se passe est fou. Ils ruinent notre pays. Et c’est vrai : ils détruisent le sang du pays. C’est ce qu’ils font. Ils détruisent notre pays. Ils n’aiment que je dise cela. Je n’ai jamais lu Mein Kampf. Ils disent « Oh, Hitler a dit cela » de manière très différente ».

Amy Goodman : Donald Trump se tenait entre deux arbres de Noël.

Jeffe Sharlet nous rejoint maintenant. Il est un journaliste primé, auteur et professeur d’Anglais et d’écriture créative au Collège Dartmouth. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages dont The Undertow : Scenes from a Slow Civil War. Les caucus de l’Iowa et les primaires du New Hampshire sont les premiers et les premières du parti Républicain. Les Démocrates ont changé leur calendrier.

Jeff, d’abord pouvez-vous réagir à ces mots de « empoisonnement du sang » et la comparaison avec A. Hitler ? L’épouse de D. Trump, la mère du premier de ses trois fils, Ivana Trump, qui est décédée suite à une chute dans un escalier il y a quelques temps, a déclaré qu’il avait des extraits d’un livre d’A. Hitler sur sa table de chevet. (…)

Jeff Sharlet : C’est assez fascinant d’entendre D. Trump affirmer « Je n’ai jamais lu Mein Kampf  ». Il semble que le livre qu’il est censé avoir eu récemment, est un livre différent d’Hitler. Mais ce qui m’interpelle c’est qu’il sorte de sa piste quand il parle ainsi alors que les comparaisons sont déjà faites. Il invoque cela parce que c’est une forme de chaos et que c’est dramatique. Je pense aussi qu’il compte sur le fait qu’il tirera plus profit auprès de sa base par le grand drame hitlérien de la deuxième guerre mondiale que par les comparaisons avec le pire dictateur fasciste de l’histoire. Je ne pense pas qu’il creuse cela, je crois plutôt qu’il va vers ça.

N.S. : Donc, que pensez-vous que seront les conséquences si on prend au sérieux ce langage ? Aussi, est-ce que cela pourrait faire diminuer ses appuis ou plutôt les augmenter ?

J.S. : Nous ne pouvons…tout ce que nous avons à faire, c’est d’examiner ce qui se passe. Cela augmente ses appuis. Et encore une fois, il comprend que la dramatisation et le spectacle sont ses atouts.

Mais, quant à la prise au sérieux de ces propos, je suis très content que la presse suive cette course comme si c’en était une de chevaux plutôt qu’au dernier soupir que nous pourrions….accrochons-nous à ce que nous à ce que la démocratie américaine possède encore. Commençons par examiner quelque chose qui se nomme Projet 2025. C’est un document de 900 pages réalisé par des alliés de D. Trump, la Fondation Héritage financée par l’argent des Koch. La presse a fait grand cas des Koch quand ils ont endossé la candidate Nikki Haley pour cacher leur mise (ailleurs). Un document de 900 pages pour le premier jour (suivant l’élection de 2024). Rappelez-vous que D. Trump a déclaré : « Le premier jour je serai un dictateur ». C’est une autre miette de langage pour mettre la presse sur le fil. « C’est une farce. Non non, le premier jour je serai un dictateur ; ce n’est qu’une farce. Qu’est-ce que je disais ? Dictateur ». Encore une fois, plus important que la substance (des mots), c’est le spectacle, la dramatisation qui le rend excitant dans le sens fasciste du mot, un homme d’action. Et vous avez ce document diffusé agence de presse par agence de presse qui contient les vues de tous les groupes de droite, avec un personnel de 20,000 individus et qui prévoit déjà recruter 5,000 avocats.es qui mèneront la bataille en parlant de camps de concentration, de surveillance interne, donc toutes les facettes d’un véritable gouvernement fasciste. Il n’a pas besoin de lire tout ça comme il n’a pas besoin d’avoir lu Mein Kampf pour mettre de l’avant ce contenu.

A.G. : Ce que les gens doivent comprendre c’est que ce document de 920 pages comme vous avez dit, écrit par la Fondation Héritage et financé par les frères Koch parle de réduire le financement du Département de la justice, de démanteler le FBI, de disloquer le Département de la sécurité intérieure (Homeland Security), celui de l’éducation et du commerce. Le sous-titre de votre prochain livre est : The Undertow, Scenes From a Slow Civil War. Nous allons bientôt entrer en 2024, pouvez-vous nous donner un avant-goût de ce que veut dire : « slow civil war » ?

J.S. : Il faut d’abord voir les conséquences qui sont déjà là : les femmes enceintes qui sont forcées d’avoir leur enfant ou souffrir physiquement et même mourir ; l’épidémie de suicides chez les personnes trans et queers ; toutes ces facettes sont celles d’une concentration de politiques fascistes. La lente guerre civile se met aussi en place par des lois qui empêchent les gens d’obtenir ce dont ils ont besoin. Ce sont les retombées de cette lente guerre civile.

Ce que ce document nous apprend, c’est qu’il y aura une accélération de tout ça. Le plan est conçu pour une période de 180 jours environ. La Fondation Héritage a fait sa réputation avec un document du genre qu’elle a élaboré pour Ronald Reagan en 1980. 60% en avait été installé au cours de premiers six mois de son administration. Ils s’y réfèrent et ajoutent : « OK mais c’était pour Reagan. Maintenant nous sommes dans l’ère Trump. Nous devons aller beaucoup plus loin ». C’est le terme qu’ils emploient : « beaucoup plus loin ».

N.S. : Jeff, à quel point diriez-vous que ce document est représentatif du mouvement conservateur d’extrême droite ? Et pensez-vous qu’avec ou sans l’élection de D. Trump, certaines de ces politiques seront mises en place ou qu’au moins on tentera de les faire adopter ?

J.S. : Je pense que c’est l’autre aspect dont il faut se souvenir. Si par un coup de chance, Nikki Haley en fin de compte (gagne, je ne prends pas cette possibilité au sérieux), mais si ça arrivait, c’est tout prêt pour elle aussi. Mais c’est aussi tout prêt pour le militantisme de droite. Il porte le signe du trumpisme. Et ça ne vient pas de n’importe quel groupe mais de la Fondation Héritage, de l’Alliance for Defending Freedom qui, en passant est le groupe responsable du retrait de l’arrêt Roe contre Wade. On y trouve aussi des organisations chrétiennes de droite, des intellectuels.les du Claremont Institute et du Hillsdale College comme s’ils et elles étaient de droite. Nous sommes face à une convergence. Le document compte 400 contributeurs.rices beaucoup, vraiment beaucoup sont d’anciens représentants.es de l’administration Trump et des entreprises à contrat dans le domaine de la défense. Je pense que ce document est aussi conçu pour mettre de l’avant une fois pour toute, tout ce que les compétences des bourreaux de travail peuvent employer pour concrétiser la furie du fascisme à la Trump. Comme si le mot d’ordre était : « OK Tout le monde au travail ! C’est le cadre, c’est le projet ». C’est un projet de trumpisme peu importe où cet homme se retrouve.

A.G. : Finalement, Jeff, vous êtes au New Hampshire. Nikki Haley y a reçu l’appui officiel du gouverneur de l’État, M. Sununu. Qu’est-ce que cela signifie ? Et elle a répondu au discours de D. Trump à propos de la pollution du sang du pays, que cela n’aidait en rien. Pouvez-vous, en finissant, nous parler des effets de ce type de langage, comment il façonne tout le discours et comment pensez-vous que les médias devraient traiter ce fait ?

J.S. : J’ai été impressionné de voir qu’ils ont pris un petit peu de hauteur récemment non seulement avec cette partie des termes mais aussi en rappelant celui de « vermine », un mot lié à l’extermination. Il est important de se rappeler que l’expression « empoisonnement du sang », n’appartient pas qu’à Mein Kampf, mais représente un courant sous-jacent qui traverse le discours de la droite américaine. J’ai examiné un document titré The American Mercury daté de 1957. Il s’agit d’une publication de droite pour les procès civiques. On croirait que ça a été écrit hier et l’expression « empoisonnement du sang » s’y trouve. C’est ce genre de procédé qui a toujours été là en douce et que D. Trump porte maintenant sur la scène nationale lui donnant une plateforme que l’extrême droite a toujours voulue et qu’elle avait un tout petit peur de proclamer, je pense. Ils avaient peur : « si nous disons cela tout haut, il se peut que nous perdions des gens ». Maintenant ils découvrent que les gens qu’ils attendaient viennent vers eux parce que le mot en F, fascisme, est prononcé haut et fort.

A.G. : Merci, Jeff Sharlet.

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Nermeen Shaikh

Journaliste à Democracy Now.

Prior to joining Democracy Now !, Nermeen worked in various non-profit organizations including the Sustainable Development Policy Institute in Islamabad, the International Institute for Environment and Development in London, and the Asia Society in New York. She also worked briefly at Al Jazeera English in Washington, DC. She has an M.Phil. in politics from Cambridge University, and is the author of The Present as History : Critical Perspectives on Global Power published by Columbia University Press. She currently serves on the editorial board of the Rome-based journal Development.

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