Édition du 14 mai 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Pétrole en Gaspésie

Le pétrole de Gaspésie : un « rêve » pour qui ?

Mardi dernier, Radio-Canada annonçait que la pétrolière Junex avait produit 161 barils de pétrole par jour – pendant six jours - à son puits Galt-4, tout près de Gaspé. « Produire du pétrole au Québec, un rêve qui devient de plus en plus réalité », titrait la société d’état.

Tiré du site de Greeenpeace Canada.

Alors que le débat sur les forages divise plus que jamais la région et que le réchauffement planétaire s’accélère, qui – à part les actionnaires de Junex – peut encore rêver de produire plus de pétrole ? L’année 2015 à peine commencée, la NASA nous apprend que 2014 a été l’année la plus chaude des temps modernes. En fait, les dix années les plus chaudes du record historique sont toutes survenues en ce nouveau millénaire… exception faite de 1998. La tendance est indéniable : on surchauffe notre planète.

L’énergie renouvelable n’a jamais été aussi abordable, et voici Junex qui jubile d’avoir produit des barils de pétrole au coût d’exploitation de $20. Mais quel est le réel coût de revient environnemental de ce baril ? Le futur saura nous le dire. La situation climatique, elle, est déjà critique. Pour renverser la tendance de réchauffement incontrôlable, on doit immédiatement sortir de l’économie extractiviste, comme l’explique la journaliste et auteure Naomi Klein dans son récent livre « This Changes Everything : Capitalism vs. The Climate ».

Devant l’insistance du lobby pétrolier et l’inaction des gouvernements, les citoyennes et citoyens du grand Gaspé n’entendent pas rester les bras croisés. Greenpeace joint sa voix au comité de citoyens Ensemble pour l’avenir durable du Grand Gaspé, à Tâche d’huile, au Regroupement vigilance hydrocarbures Québec, à la Coalition Eau Secours et à la Fondation Rivières pour protégéger l’eau potable de la région et encourager une vision d’avenir sur l’énergie au Québec.

J’ai moi-même eu la chance de travailler en Gaspésie pendant quelques mois cet automne. Alors que l’incohérence du ministre Heurtel dans le dossier Cacouna faisait les manchettes, la compagnie Pétrolia s’apprêtait à forer un puits horizontal à Haldimand-4, situé à 350 mètres seulement du puits artésien le plus proche.

J’étais alors parti sur le terrain, à Gaspé même, à la rencontre de ces gens qui tentent de défendre leur milieu de vie et leur eau potable. Je tenais à prendre le pouls de la région, j’ai opté pour le porte-à-porte.

Première impression : tout le monde ou presque a une opinion sur le forage, et nombreux sont ceux et celles qui m’ont ouvert grand la porte pour en discuter. Ils se sentent concernés par les risques du projet, notamment pour l’eau potable et la qualité de vie dans les régions avoisinantes des forages. D’autres semblent croire que le projet peut être « bien fait » et apportera les jobs tant attendues dans la région - qui est particulièrement touchée par les coupures annoncées du gouvernement Couillard.

Un noyau de gens bien informés se mobilisent déjà sur place depuis longtemps.
Quand j’ai offert de faire une présentation sur les hydrocarbures au Québec au Cégep de la Gaspésie et des Îles de la Madeleine, des personnes déjà impliquées m’ont tout de suite offert un spot à la radio régionale et la chance de m’adresser aux étudiants et étudiantes du Cégep.

J’ai présenté des statistiques pour outiller les activistes sur place et les aider à débattre et à se défendre devant la machine « relations publiques » des compagnies pétrolières et ses refrains du type « du développement en région, oui, mais durable et écologiquement responsable ». Les étudiants et étudiantes du Cégep étaient déjà bien informés sur ces sujets. Ça m’a rassuré et donné espoir de voir des jeunes gens agir pour protéger l’environnement - tant à Gaspé que dans le débat élargi du pétrole au Québec, aux prises avec des méga-projets d’oléoducs et un port pétrolier, et au Canada avec l’expansion fulgurante des sables bitumineux et des émissions de GES provenant de l’industrie pétrolière, (et qui sera encore plus fulgurante une fois les chemins d’exportation ouverts).

Le constat climatique est clair, comme le rappelait une étude scientifique parue dans la revue Nature au début de janvier 2015 : si nous voulons être sérieux au sujet de la lutte aux changementx climatiques et éviter des conséquences catastrophiques, le Canada doit laisser 75% de ses réserves pétrolières dans le sol, 85% dans le seul cas du pétrole des sables bitumineux.

Cette première production de pétrole à Gaspé, dans une zone habitée, doit sonner le réveil : nous devons sortir ensemble et sans attendre de ce mauvais rêve de l’ère des (énergies) fossiles et faire en sorte que 2015 devienne une année noire pour les pétrolières !

Voir ou revoir le reportage de Radio-Canada : http://ici.radio-canada.ca/regions/est-quebec/2015/01/27/004-junex-galt-4-essai-de-production.shtml

Louis St-Aimé

Blogueur pour Greenpeace Canada.

Sur le même thème : Pétrole en Gaspésie

Sections

redaction @ pressegauche.org

Québec (Québec) Canada

Presse-toi à gauche ! propose à tous ceux et celles qui aspirent à voir grandir l’influence de la gauche au Québec un espace régulier d’échange et de débat, d’interprétation et de lecture de l’actualité de gauche au Québec...