Édition du 7 mai 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

États-Unis

Le président Obama s'arroge le summun du pouvoir : la gestion d'une liste secrète de personnes à assassiner

DEMOCRACY NOW,
30 mai 2012,
Traduction, Alexandra Cyr,

Democracy now a invité Glenn Greenwald, avocat constitutionnaliste et blogueur politique sur les questions légales sur Salon.com, à réagir à un article du New-York Times révélant cette information inconnue jusque là.

D.N., Nermeen Shaikh  : Jeudi, le New York Times publiait un article important révélant que le Président supervise lui-même une liste secrète de noms et de photos de personnes qui doivent être abattues par Drones, au Yémen, en Somalie et, ce qui est plus complexe et risqué, au Pakistan. Selon le journal, M. Obama signe l’autorisation d’assassinat pour chaque personne désignée. Il y a sur cette liste, des citoyens américains et des jeunes filles d’à peine 17 ans. Glenn Greenwald, qu’elle est votre réaction (à cette nouvelle) ?

G.G. : Qu’il ne faut pas conclure par là que le président des Etats-Unis croit qu’il ait le pouvoir d’ordonner la mort -l’assassinat- de personnes en secret, sans examen juridique, sans transparence ou sans aucune autre forme examen. Je pense sincèrement que c’est la forme la plus extrême de pouvoir qu’un gouvernement et un Président puissent s’attribuer et cette administration se l’est appropriée sans soulever beaucoup d’opposition. L’article du New York Times ajoute des détails importants et très dérangeants. Le plus inquiétant c’est ce que l’administration utilise pour justifier cette politique : les attaques par drones ne feraient que très, très peu de victimes civiles. On sait tous que c’est faux. C’est la définition qu’ils donnent au terme « militant » qui leur permet cette conclusion. Selon l’administration est « militant », tout homme d’environ 18 à 40 ans, par conséquent en âge de combattre, qui se trouve dans une zone d’attaque par Drones. Donc, tous ceux qui seront touchéEs par une bombe lancée par un missile américain ou par un Drone seront étiquetés « militants » simplement parce qu’ils se trouvaient dans la bonne tranche d’âge et près de la scène.

Ce que l’article du NYTimes révèle, c’est le raisonnement sous-jacent à cette politique. L’administration est satisfaite de penser que toute personne se trouvant près d’un terroriste ou d’une activité terroriste « ne vaut pas grand-chose » et y est associé. Ironiquement, Will Bunch du Philadephia Daily News rapporte que ce sont exactement les mots que George Zimmerman a utilisés pour désigner Trayvon Martin quand il a parlé au 911 : « ne vaut pas grand-chose ». C’est la sorte de suspicion attachée à quelqu’un dont nous ne savons rien et que dans des circonstances fortuites nous nous sentons autoriséEs non seulement à soupçonner mais à tuer. Et les médias américains continuent à utiliser le mot « militant » pour désigner les victimes des Drones alors qu’ils ne connaissent pas leur identité et alors que nous savons maintenant que l’usage de ce mot fait partie de l’arsenal de la propagande du gouvernement. Le fait que le Président Obama soit au sommet de la pyramide qui prend ce genre de décisions de vie et de mort en émettant des autorisations de tuer sans la moindre révision ou transparence devrait provoquer une vague d’indignation et de colère. Sauf dans des cercles restreints, il n’en est rien.

DN, Amy Goodman : Le chef de cabinet de la Maison Blanche, M. W.Daley et le NYTimes ont déclaré que l’autorisation de la mort du religieux américain, M. Anwar Awlaki avait été facile à prendre. Qu’elle est votre réaction ?

G.G. (…) Je pense qu’une des retombées de cet article du NYT est l’éclairage qu’il jette sur le tempérament du Président. En général, nous nous attachons aux politiques et c’est qui est le plus important. Mais nous savons qu’il a adhéré aux théories radicales sur les pouvoirs de l’exécutif que l’ancien directeur de la CIA et de l’Agence de sécurité nationale sous l’administration Bush, le général M. Haden, avait défendues avec d’autres responsables de l’époque, sans succès. En ce moment ils sont aux anges, le président Obama les approuve !

Nous savions qu’il était tenant de politiques extrémistes et radicales mais nous nous trouvons devant l’une des décisions les plus controversées qu’un président puisse prendre : autoriser la CIA à assassiner un citoyen américain en secret complet, sans processus judiciaire, sans jamais l’avoir accusé de quelque crime que ce soit en dépit de la possibilité de le faire en utilisant les preuves qu’ils disent avoir eues contre lui. Non, ils ont simplement décidé, en secret, de l’assassiner. Nous voyons maintenant qu’il n’y avait pourtant pas de réels obstacles à la procédure, ni sur le plan constitutionnel, éthique ou légal dans ce cas.
Le personnel du Président en ajoute au ton de l’article en déclarant que ce fut une décision « facile », rien qui ne suscite des débats et qu’elle a été prise tranquillement.

Nous découvrons que non seulement le Président a adopté la ligne du pouvoir exécutif radical mais, qu’il n’a même pas senti le besoin de débattre en toute conscience des données constitutionnelles, légales et d’autres conceptions qu’implique cette décision. C’est un aspect que son conseiller juridique, T. Donilon a aussi souligné au NYT. Ça nous démontre à quel point il est à l’aise avec l’usage de la force même contre des citoyenNEs américainEs. Je pense que cela est significatif de sa présidence.

A.M. Dans votre article, G.Greenwald, vous nous recommandez de lire celui d’Aaron D. Miller (dans le NYT également). Son article porte sur les raisons qui font que les deux candidats à la présidence cette année, Ms. Obama et Romney, ne font pas campagne sur les questions internationales mais plutôt sur les problèmes intérieurs. Selon lui il existerait un consensus entre les Démocrates et les Républicains sur les politiques extérieures malgré les apparences au Congrès qui portent à penser qu’il n’y en a aucun. De fait c’est un profond consensus ; une véritable unanimité sur les politiques internationales ?

G.G. Exact ! Une des choses que les progressistes et les partisans des Démocrates aiment à dire c’est que les Républicains ne créditeront jamais le Président Obama pour quoi que ce soit. C’est totalement faux, une véritable contre vérité. Vous pouvez examiner les rapports des trois dernières années et vous allez trouver que tout au long, décisions après décisions, qu’il a été supporté et louangé non seulement par les Républicains mais même par les néoconservateurs les plus à droite sur les questions de sécurité dans l’administration Bush. Ils l’ont louangé et porté aux nues pour ses politiques les plus controversées et les plus engageantes. Je pense que c’est de ce genre de consensus dont parle A. Miller.

Sur le même thème : États-Unis

Sections

redaction @ pressegauche.org

Québec (Québec) Canada

Presse-toi à gauche ! propose à tous ceux et celles qui aspirent à voir grandir l’influence de la gauche au Québec un espace régulier d’échange et de débat, d’interprétation et de lecture de l’actualité de gauche au Québec...