Édition du 30 avril 2024

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États-Unis

Le prochain grand bluff fiscal

Le président Obama tiendra-t-il son bout dans les négociations sur le budget,

Pour beaucoup d’AméricainEs ce qu’on appelle « précipice fiscal » doit être confondant. On n’en a pas parlé durant la campagne présidentielle et tout-à-coup, il n’est question que de cela à Washington. Mais sachez que c’est tout un problème.

Jeff Madrick, harpers.org,
9 novembre 2012,
traduction : Alexandra Cyr

Parce qu’il n’y a pas d’entente sur le budget en ce moment, une série d’impôts et de taxes temporaires arriveront à échéance le premier janvier prochain de même que le programme qui prolonge les droits à l’assurance chômage. Ces deux coupes concomitantes vont affecter le pouvoir d’achat de la population. À cause de l’impossibilité du « super comité » à s’entendre sur une réduction de 900 milliards de dollars sur dix ans, au même moment, le Congrès va devoir commencer à couper dans les dépenses du gouvernement. La moitié de ces coupes se fera au département de la défense, à la sécurité intérieure, (Homeland Security) et dans d’autres programmes de sécurité. L’autre moitié viendra des programmes sociaux sauf Medicare, Social Security et Medicaid. Ces coupures vont aussi affecter négativement l’économie. Au fait, chaque dollar de dépense gouvernementale retiré fait plus de mal que les hausses d’impôts et de taxes, tout compte fait.

Mais qu’est-ce qui explique cette montée de la tension dans la foulée de l’élection ? Wall Street affiche des baisses de valeur des actions assez importantes. C’est que la victoire du Président Obama rend moins probable l’atteinte facile d’un compromis ; Mitt Romney aurait ficelé cela autrement.

Cet après-midi, le président a donné un court point de presse à ce sujet. Il paraissait plus décidé et plus relax qu’on ne l’a vu depuis longtemps. La victoire lui a probablement fait du bien. Il était inflexible : il veut une augmentation des impôts des riches, ceux et celles qui gagnent plus de 250,000 $ soit environ 2% de la population. Ce n’est pas nouveau.

La Chambre des représentants est toujours à majorité républicaine. Elle demeure ferme sur son refus de procéder ainsi mais il y a eu une concession, minime bien sûr, mais…Le président de la Chambre, John Boehner a déclaré qu’il était prêt à examiner les exemptions pour y trouver des moyens d’augmenter les revenus du gouvernement. Ce n’est pas exactement un court chemin vers un compromis mais c’est au moins une minuscule ouverture.

Supposons qu’il n’y a toujours pas d’entente le 31 décembre prochain. À ce moment là, il y aura une augmentation immédiate des impôts et taxes à hauteur de 450 milliards de dollars environ, (….) dont 100 milliards l’an prochain. La prolongation des droits à l’assurance chômage cessera aussi, faisant ainsi économiser 40 milliards au gouvernement.

Selon Goldman Sachs, les coupures dans les dépenses gouvernementales qui s’appliqueraient immédiatement et automatiquement, se monteraient à 80 milliards de dollars.

Donc, sans entente, on retirera l’équivalent de 600 milliards de dollars au pouvoir de dépenser du gouvernement c’est-à-dire de l’économie soit 4% du PIB. C’est un gros montant. Cela va mener à un approfondissement de la récession, une augmentation du chômage d’environ 1% selon le Bureau du Congrès pour le budget.

Dans ce genre de récession, chacun des facteurs en alimente un autre : le chômage mène à moins de demande et un affaissement de la demande mène à moins de profits et moins de profits conduit à plus de coupes dans les emplois. Le chômage pourrait revenir aux environs de 10%. C’est dans ces circonstances que l’Europe est entrée dans une récession qui ne cesse de se creuser. Les risques sont très inquiétants.

Il existe des fondements pour qu’un compromis réduise le potentiel malin de cette coupe de 600 milliards. Les impôts et taxes de 98% de la population n’augmenteront pas et on peut éliminer l’augmentation de la taxe alternative minimale. La hausse globale serait ainsi diminuée de beaucoup.

Il ne resterait plus qu’environ 200 milliards de hausse quand la taxe sur la masse salariale prendra effet et que celles qui s’appliqueront aux plus riches seront augmentées à leur tour. Il y a des hausses minimes prévues dans le nouveau plan d’assurance maladie, l’Affordable Care Act. Entre temps, la prolongation des droits à l’assurance chômage pourrait être adoptée et il ne resterait plus que la moitié des coupes automatiques qui s’appliquerait.

Ces adaptations réduiraient les conséquences du « précipice fiscal » de plus de la moitié, retireraient ainsi seulement 200 à 250 milliards de dollars de dépenses gouvernementales de l’économie au lieu de 600 milliards. On éviterait la catastrophe. Mais il faut comprendre un point crucial : même le retrait de 2% du PIB, s’il ne signifie pas une aggravation de la récession, provoquerait un ralentissement de la croissance. Ajoutez à cela les incertitudes du côté européen et vous allez arriver à 8% de chômage pour une bonne période.

Le président Obama va accepter des coupes à Social Security et à Medicaid pour convaincre les Républicains de céder pour la hausse des impôts des 2% de la population (plus riche) ; c’est une autre menace à venir. Par exemple il pourrait consentir à retarder l’âge d’accès à Medicare ; ce serait une décision désastreuse. Imaginez la difficulté à trouver une assurance maladie à soixante six ans, au moment où vous arrivez à la retraite…

CertainEs brilantEs observateurs-trices à Washington pensent que le Président va se montrer plus sévère dans la négociation et tenir plus longtemps sur sa ligne. Sa victoire et les gains démocrates au Sénat en feraient foi. Si c’était le cas, il devrait être capable de mettre en jeu l’idée que les RépublicainEs ne pourront pas tolérer des hausses importantes d’impôts et de taxes ou des coupes majeures des budgets de sécurité nationale.

Mais je ne pense pas que Barack Obama soit ce genre de guerrier même si sa victoire lui donne maintenant un avantage. Il a démontré qu’il était ouvert aux coupes dans les programmes de sécurité sociale et qu’il veut éviter à tout prix que les marchés financiers paniquent. Cela pourrait arriver si les RépublicainEs montent à nouveau aux barricades et refusent à nouveau d’augmenter le plafond de la dette au début 2013.

Le Président va à nouveau rechercher une entente « bipartisane » qui contiendra des coupes à Social Security et Medicare pour obtenir la hausse des taxes et impôts des plus riches. Dommage ! Nous avons besoin de plus de stimulus, de plus d’investissements publics et du maintien de nos programmes sociaux auxquels nous sommes si attachéEs. C’est difficile de penser que ces événements vont arriver dès l’an prochain.

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